Comme d'autres, qui ne sont pas directement concernés par la réforme, je vais essayer de m'exprimer à propos des retraites, même si j'ai cessé d’enseigner à des élèves à 55 ans, histoire de partir avant qu’une mémoire de
plus en plus laborieuse n’ait complètement esquinté l’estime du moâ. Je suis
parti, « comme un prince », sans rire. La situation de ma prof de femme me permettant d’éviter, en
quelque sorte, un tour de piste de trop. Ma mère, femme de paysan, n'avait pas 1000 € de retraite.
Après avoir précisé une situation personnelle privilégiée qui me permet de passer par-dessus une pudeur
qui irait dans le sens de l’anonymat délétère régnant sur
les réseaux, j’assume de ne pas me
retrouver du côté des adversaires du changement. En n'allant pas aux manifs, j'y perds quelques retrouvailles fraternelles, tout en restant fidèle, sur ce coup, à un rocardisme fondateur.
Bien que je me sente tellement « ancien monde » et si
peu « start-up nation », les haines et la mauvaise foi qui se
déchainent en tant de lieux et autres ronds points me révulsent bien plus que
quelques maladresses d’un président dont j’apprécie le courage et l’énergie. Et la démagogie, l'absence de propositions alternatives crédibles, m'achèvent.
De la génération « Charlie » insouciante avant
d’être sidérée, nous n’avions aucun souci en début de carrière quant à la
pension que nous toucherions, si bien que je comprends plus volontiers, en
souriant, cet ami qui s’étonnait de recevoir de l’argent après qu’il eut cessé
de travailler, que les débats présents sur la valeur du point.
De la même façon que tous les entrepreneurs n’ont pas la
voracité d’un Carlos Ghosn, ceux qui contestent la réforme sont loin d’être
tous des privilégiés. « En même temps » m'a suggéré la voix de mon
maître. Mais pourquoi ceux qui voient des lobbies derrière chaque décision ne
sont pas capables de déceler la virulence des corporatismes ? Pour la fin
des régimes spéciaux, mais pas le mien.
Au-delà de l’amoncellement jour après jour des demandes de
dépenses publiques supplémentaires, il est bien de la responsabilité des
politiques -ceux qui sont responsables- d’anticiper les effets d’un
vieillissement de la population qui s’annoncent aussi chauds bouillants que la
débâcle planétaire.
« Effondrisme » est un mot nouveau qui apparait à côté de« colapsologie » et dans le vocabulaire médical qui s'étend, la « procrastination » est devenu familière. Cette façon de fuir, réponse à l’angoisse du
futur, nous éloigne un peu plus d’une projection sage, posée, envisageant le vieillissement
et la mort. Le déni devient un axe de vies que nous avons brûlées par les deux
bouts.
Les entreprises favorisent des départs à la retraite anticipée
alors que les représentants patronaux souhaitent les retarder en paroles. Par
ailleurs l’âge pivot proposé ne ferait, parait-il, que coïncider avec un état
de fait.
Le passé est lourd, le futur chaud, le présent sec.
Le « burn-out » étant tellement familier, le
suicide devient un mode d’expression. Nous sommes bien en France ? Nous
sommes bien en France.
L’épuisement des ressources envisagé depuis 50 ans est
encore nié à ce jour par d’éminents personnages, ce qui n’empêche pas l’avenir
d’être menaçant. Et d’aucun de pousser Jupiter à jouer aussi à Poséidon en
appelant à des pleins pouvoirs qu’ils contestent d’emblée.
Les conséquences des politiques à courte vue d’antan qui
apparaissent crûment en ce moment, entre
autres dans le domaine de la santé, ne serviront pas de
leçons : « Macron des ronds ! ».
Ce type de souhait faisant coïncider le pouvoir d’achat des profs et
les taux de réussite des élèves rend les armes à ceux qui monétisent tout.
Les pages éducation de certains journaux pas toujours
remises du passage de la doxa « le niveau monte » à celui du
« dernier des derniers » en remettent une couche sur la fatalité
sociale accablant une école qui accentuerait même la distance : la
poule et l’œuf passent au broyeur. Le catéchisme demeure qui met en cause… les
évaluations et la sévérité des avis des vilains professeurs briseurs d’élèves
alors que les taux de réussite au bac dignes des résultats électoraux du
président du Kazakhstan, sont comme pour la gestion des personnels un effet du « pas
de vague » attaché désormais à l’entreprise éducation dans toutes ses
déclinistes déclinaisons.
.........
Ci-dessous le commentaire de Deborah qui n'avait pu être pris en compte par la machinerie compliquée de ce site:
Je pense que le mouvement des gilets jaunes est très hétérogène, et qu'on y trouve de tout. Je pense aussi que le rond point permet à certains de trouver une chaleur.. fraternelle qui fait défaut par les temps qui courent ou les gens s'assemblent dans leurs camps.
Je ne vois pas beaucoup de chaleur fraternelle autour de moi.
Pour le climat, les revendications, et tout et tout, je me dis que... nous nous sentons grandement coupables.
Je me dis que le propre de l'Homme avec ou sans religion, est de se sentir coupable. Quand il ne voit rien pour le faire sentir coupable, il cherche activement autour de lui un truc pour se sentir coupable. Ayant trouvé quelque chose pour se sentir coupable, il perd sa vie dans de minutieuses et couteuses démarches pour... SE LAVER DE SA FAUTE, sous peine de voir arriver... la fin du monde ou... de sa vie. (Celui qui croit qu'il n'y a que des chrétiens et des juifs pour se laver de leurs fautes ; il est très naïf.)
C'est ce qui me fait penser que le brassage de l'air autour du climat est un phénomène religieux. Ça peut paraître contradictoire, mais je n'aime pas tant la religion que ça. Surtout je n'aime pas la religion qui n'a pas un beau rituel habité, fastueux, et qui n'élève pas l'Homme, mais l'écrase, et l'abaisse en permanence.
Mais je me dis aussi que nos contemporains brassent de l'air autour de leur faute tout en restant curieusement impénitents par ailleurs, car ils savent bien qu'ils ont raison de se sentir coupables de tant d'hubris, et de vouloir rivaliser avec Dieu pour créer un monde totalement artificiel où ils seraient.. leur propre dieu. (Ils militent pour l'écologie en étant accro aux nouvelles technologies, par exemple.)
Comme ma belle mère qui rêve qu'on trouve une pilule pour la guérir de sa démence du jour au lendemain.
Nous voudrions une solution magique, CONFORTABLE ET FACILE pour nos existences, et pour la souffrance d'être des êtres conscients, et tous les problèmes que notre science collective a engendré en nous échappant (comme prévu, d'ailleurs...).
Nous voudrions en plus que nos politiques trouvent MAGIQUEMENT ET CONFORTABLEMENT des solutions à ce qui nous fait peur, et que ça ne nous coûte individuellement... rien.
Tu sais maintenant que j'appelle ça "inconséquence".
C'est une maladie, l'inconséquence, qui vient d'avoir été épouvantablement gâté dans sa vie comme notre génération (et les générations actuelles, dans l'ensemble) ont été gâtées. (Et même les pauvres sont/ont été gâtés. Si, si.)
Enfin, pour le vieillissement : ne serait-ce pas temps de nous dire que c'est une période.. rêvée ? pour REDUIRE NOS BESOINS et surtout nos exigences, y compris médicaux ? Qu'il nous incombe, comme il a incombé à nos prédécesseurs, à donner un sens à notre vieillissement, et chercher et trouver notre propre dignité la dedans, sans consommer à outrance ?
Si nous, les.. vieux, ne trouvons pas de valeur à ce qui est vieux, quel espoir y a t-il pour nous.. dans notre vieillesse ?
Après tout le grand moteur à la médicalisation/scientisation de notre naissance, notre mort, et notre vieillissement est bien notre peur que cela.. NOUS ECHAPPE.
Et bien, je ne vois pas en quoi ça pourrait.. NE PAS NOUS ECHAPPER. Et celui qui voudrait que cela ne lui échappe pas, celui qui voudrait tout planifier sur ces dossiers, il est coupable d'hubris. Et nous savons ce qui arrive à ceux qui sont coupable d'hubris, depuis que l'Homme est l'Homme (et il ne va pas cesser de l'être, en dépit de ce que les nouveaux prophètes essaient de nous.. prêcher).
L'orgueil devance la chute..