jeudi 6 juin 2019

Urbain VIII. Serge Legat.

Le conférencier devant les amis du musée de Grenoble nous présente au moment de l’apogée du baroque, le pape Urbain VIII peint par Gian Lorenzo Bernini (Le Bernin), sculpteur, urbaniste, architecte, inventeur, décorateur.
http://blog-de-guy.blogspot.com/2019/05/paul-v-serge-legat.html
Venant après Paul V, il y eut pendant deux ans un pape de transition entre eux  : Grégoire XV qui beaucoup canonisa  et fit du Bernin un chevalier, à 23 ans.
Piastres à l’effigie d'Urbain VIII. Maffeo Barberini, né en 1568  dans une famille florentine influente, élevé par son oncle protonotaire apostolique, éduqué dans l’excellent Collège romain, après des études de droit à Sienne, avait un destin tout tracé. Il fut élu triomphalement pape (Urbain 8) en 1623 après un conclave décimé par la malaria.
« C'est un grand bonheur pour vous, Cavalier, de voir le cardinal Barberini élevé à la papauté, mais c'est pour nous un bonheur encore plus grand que le Cavalier Bernin vive sous notre pontificat. »
Le mécène fastueux  mourut en 1644. 
Sous son pontificat, eut lieu le procès de Galilée qui avait pourtant l’appui des Médicis et que le pape, qui le connaissait bien, essaya de protéger. Mais l’Inquisition obtint l’abjuration du défenseur de l’approche de Copernic qui remettait en cause Aristote et Ptolémée. La célèbre phrase : «  Et pourtant elle tourne ! » serait apocryphe. Assigné à résidence, le père de la physique devint aveugle, avant de mourir en 1642. Ce n’est qu’en 1992 que Jean Paul II reconnut  l’erreur de l’église : le soleil ne tournait pas autour de la terre.
Galilée face au tribunal de l'Inquisition par Joseph-Nicolas Robert-Fleury (XIX°).
Le pape condamna l’Augustinus de Jansenius, l’inspirateur des jansénistes (Port Royal)
Bulle papale rédigée par le pape Urbain VIII.
Son népotisme atteint de tels sommets qu’il demanda par deux fois à des théologiens si ses neveux pouvaient conserver tous leurs biens. Ils se réfugièrent en France quand tourna le vent.
Le palais Barberini commencé par Maderno, comporte un escalier pour chaque architecte rival qui se sont succédés: 
hélicoïdal pour Boromini,
à section carrée pour Le Bernin.
Ce symbole de la puissance dont la façade superpose les ordres dorique, ionique et corinthien, sera confisqué par Innocent X. Aujourd’hui sont exposées des œuvres d’art ancien qu’on peut retrouver également au palais Corsini.  
La Fornarina de Raphaël y est en majesté avec la signature du peintre amoureux sur son bracelet.
Au plafond Pierre de Cortone a peint une fresque : « Le triomphe de la Providence » mise en scène tourbillonnante, à la gloire des propriétaires, avec profusion d’abeilles, emblème de la famille.
Ses collections considérables ont été dispersées. Le faune endormi date de la période hellénistique, restauré par Bernin, il fut acheté par Louis 1° de Bavière, celui qui dut abdiquer pour avoir anobli sa maîtresse Lola Montès. 
La fontaine du triton est en travertin comme le Colisée, de préférence au marbre.
Devant un des piliers reliquaires, situé sous la coupole majestueuse de Michel Ange, à Saint Pierre, Bernin a réalisé la statue de Saint Longin.
Celui-ci était le soldat romain qui a percé de sa lance le côté droit du Christ comme l’a montré Fra Angelico. Il s’est converti, puis est mort en martyr.
Inspiré des dais, des tentures pour processions, Le baldaquin, de près de 30 m de haut au dessus de la tombe de Saint Pierre, pèse 60 tonnes. Il constitue la plus grande structure en bronze du monde.
La matière première  a été arrachée au Panthéon antique : « Ce que n’ont pas fait les Barbares, les Barberini l’ont fait ». Les fondations très profondes ont détruit des reliques de premiers chrétiens dont les visiteurs de la nécropole peuvent voir quelques sépultures mêlées à  d’autres plus païennes. Les colonnes torses, signature du baroque, sont dites « salomoniques », en référence au temple de Salomon à Jérusalem.
Dans le vocabulaire baroque, la finitude de toute chose est rappelée sans cesse. Le tombeau d’Urbain VIII qui allie plusieurs matières a été conçu  bien sûr par son ami : « un homme rare, un artiste sublime, qu’une inspiration divine a fait naître pour la plus grande gloire de Rome et pour apporter la lumière à ce siècle. » Qui dit mieux ?
Pour les siècles des siècles, le pontife est entouré de l’allégorie de la charité, vertu théologale donnée par Dieu, et de la justice, vertu cardinale gagnée par les hommes.

mercredi 5 juin 2019

6 mois. Printemps été 2019.

Au revers de la première page est mise en évidence une phrase du photographe japonais Nouyoshi Araki qui aime jouer des cordes :
«  La photographie est l’obscénité par excellence, un acte d’amour furtif, une histoire, un roman à la première personne »
Les 300 pages qui suivent sont à la hauteur de l’ambitieuse déclaration,
quand depuis l’Orient extrême, sont abordés
le business de la solitude avec des stars du web en Corée,
la mutation des paysans chinois en citadins,
des hommes qui deviennent des femmes en Thaïlande.
Toutes ces photographies nous épargnent les filtres jaunes de nos derniers mois
et si la photobiographie de Chirac comme les années Solidarnosc cultivent nos nostalgies,
un tour en Irlande où s’affrontaient pro et anti IVG,
un reportage à Bab el Oued
ou la démarche d’un photographe américain qui nous fait voir de près la guerre que mène Trump à la frontière mexicaine,
les pages consacrées à ce village de Calabre qui recevait bien les migrants,
comme le courage d’une jeune fille et des ses parents après une greffe du visage,
sont passionnants, bouleversants, beaux.
Le Liban doré contraste avec les commandos qui expulsent les squatteurs en Afrique du sud.
Des portraits  d’habitants dans les quartiers Nord de Marseille sont proches des poses de Kenyans  à la sortie de la messe.  
Les photos prises le long du cortège funéraire de Castro sont semblables à celles qui furent prises lors de l’ultime voyage du corps de Robert Kennedy
La touche d’humour réside souvent dans les pages destinées aux instantanés qui ont gagné à être agrandis, mais cette fois c’est l’ « album de famille » mettant en scène une magnifique centenaire qui apporte sa dose massive de joie de vivre : la mamie de Sacha Goldeberger, mariée quatre fois, chevauche les motos à l’envers, se déguise en super héroïne, téléphone avec un godemichet…

mardi 4 juin 2019

Baudelaire ou le roman rêvé d’E.A. Poe. Tarek & Morinière.

Plate bande dessinée où en première page la taille des caractères des noms du scénariste et du dessinateur dépasse celle des prestigieux écrivains pour qui on a ouvert cet album de 48 pages.
Le poète du spleen se rend dans le fog londonien à la rencontre de l’américain maître du fantastique qu’il a traduit.
Mais l’absinthe a beau couler à flot, et celui qui a supporté « le ciel bas et lourd comme un couvercle » se réveiller dans une pièce inconnue, aucune ivresse, aucun mystère.
Les péripéties ont beau se présenter en plongée ou contre-plongée, aucun vertige.
Le brouillard est bien rendu mais c’est l’ennui qui nous accompagne parmi des personnages sans épaisseur dont on est amené à se méfier pour on ne sait quelle raison.
C’est vrai que la barre était très haute :
« Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ?
Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau ! »

lundi 3 juin 2019

Nous finirons ensemble. Guillaume Canet.

Intrigué par la violence de certains avis concernant ce film à succès, je suis allé y voir.
Leur embarras vis-à-vis du milieu aisé décrit aurait du les éloigner de tant de films comme l’aristocratique « Guépard » et de lointains « Parrains » : nous sommes- quelle affaire!- dans le milieu habituel du cinéma français, picolant, avide de bons mots et de baise.
Le cadre est agréable et l’on peut prendre du plaisir au jeu des acteurs même si la légèreté attendue n’est pas au rendez-vous. A mon avis, l’amitié parmi ce groupe difficile à loger, car trop nombreux, manque de profondeur et même si les enfants relégués pendant longtemps au second plan reviennent en force à la fin, le manque de maturité des adultes est confondant.  Certes cela constitue une source comique mais ce reflet de l’époque est plutôt gris.

dimanche 2 juin 2019

Summerspace & Exchange. Ballet de l’Opéra de Lyon.

Les stéréotypes permettent des raccourcis confortables : par exemple qui dit danse classique voit rappliquer « Le lac des cygnes ».
Cette image s’est imposée une nouvelle fois avec cette troupe où décidément les danseurs m’ont paru d’un autre genre que nous pauvres arthritiques. D’une beauté inhumaine, ils marchent, saluent, courent, se tiennent, sautent, se soulèvent comme des cygnes.
Mais le spectacle qui clôt notre saison à la MC 2, ne nous laissera pas un souvenir impérissable contrairement à l’an dernier : http://blog-de-guy.blogspot.com/2012/09/william-forsythe-ballet-de-lopera-lyon.html
Les recherches de  Merce Cunningham datant de 1958 qui gardent bien des éléments de la grammaire classique, s’inscrivent dans les déstructurations d’alors concernant la peinture qui retournait à ses pots, le roman à ses mots, la musique au silence, les gestes à l’interruption.
Lors de la première partie, les danseurs sont plus proches des couleurs pointillistes d’un Signac que d’un tableau annoncé de Rauschenberg que j’ai connu plus dynamique et déstructuré.
Le bruit des pas sur le parquet contrarie les notes ténues de la partition de Feldman, minimaliste, comme le plaisir minimum que nous avons à l’écouter. Les apparitions, disparitions sont bien réglées, les postures sont magnifiques mais l’émotion est absente.
La deuxième partie sur fond de bruitage est plus cohérente mais reste froide avec costumes et décor de Jasper Johns qui ont pu étonner jadis mais ne se remarquent plus guère. 

samedi 1 juin 2019

Schnock. N°30.

La revue des vieux de 27 à 87 ans en est à sa huitième année de parution : ça ne nous rajeunit pas !
Depardieu apparaît pour la deuxième fois en couverture après que « Les valseuses » y furent en majesté http://blog-de-guy.blogspot.com/2013/06/schnock-n7-ete-13.html .
Pas d’interview toute fraîche de  notre Gégé, mais reprise d’un entretien avec Hervé Guibert dans les années 70, et développement autour du couple qu’il forme avec Bertrand Blier ou a formé avec Jean Carmet, narration du tournage de Cyrano.
Il épate Joe Starr : «  Ah ! Nounours ! Va me chercher du Viagra ! »
Le petit abécédaire de ses déclarations et de celle des autres ne manque pas de sel :
 « Gérard Depardieu est certainement l’un des acteurs les plus riches et les plus intéressants de ces dix dernières années. Avec cet aspect massif, ce côté puissant tonitruant et, d’un autre côté, c’est un grand lys coupé. » Jean Pierre Marielle.
Bien entendu un top 5 de ses nanars peut être dressé,
comme il convient dans chaque numéro  entre nostalgie à l’évocation du jardin d’acclimatation
et kitsch attendrissant des pubs des années 80 : «  le Banyuls templers : encore un que les sarrasins n’auront pas ! ».
L’importance d’Armand Jamot dans la télévision mérite d'être rappellée, mais un des deux articles consacré à des seconds rôles, François Perrot et Roger Trapp, aurait pu être réservé pour plus tard, bien que d’apercevoir les coulisses, les opportunités d’une carrière ou ses impasses réservent des surprises.
Charles Dumont, compositeur de « Je ne regrette rien », n’a pas connu d’autres succès aussi éclatants mais il a contribué à la notoriété d’autres et a fréquenté du beau monde. Il peut satisfaire notre goût des potins prêté jadis aux concierges qu’on dirait attirées aujourd’hui par les « people ». 
Et le souvenir des « Trois Jeanne » revient à point nommé :
« Dis Jeanne, il est où le robinet d’eau chaude ? »
quand il était recommandé aux mecs d’être présents aux spectacles féministes.

vendredi 31 mai 2019

La faute à Macron.

Le président a tellement bien organisé le tête à tête LRM/RN que Wauquiez et Mélenchon  ramassant leurs miettes, ont avancé les mêmes éléments de langage : c’est de la faute à Jupiter. En plus d’être un rempart contre les populistes, il a tenu la main à  23 731 252 électeurs.Trop fort!
Les présumés gaullistes qui sortirent jadis de l’ordinaire et les estampillés « Insoumis » accusent leurs faiblesses en reportant leurs insuffisances sur les autres, comme d’habitude.
Les gilets jaunes savaient, eux, pourquoi ils ne voulaient pas se présenter devant les électeurs. Leur intransigeance a redonné vigueur au vote légitimiste et affaibli ceux qui leur ont couru après, bien que ce mouvement né de la critique des taxes relevait d’un poujadisme ancestral boosté par les réseaux sociaux.
Pour l’instant, la remise en cause de la coupure droite / gauche s’impose dans les commentaires , mais les réflexes paresseux demeurent avec sondages sur les prochaines présidentielles dans la foulée et interprétation des intentions … des abstentionnistes sur les réseaux sociaux. Rien qu’une semaine, une semaine au moins, l’échelle européenne aurait pu être pertinente, en évitant d’extrapoler déjà à propos des municipales.
La présence d’un Bernard Tapie aphone à la télévision n’a même pas été relevée par les observateurs des médias tellement accrochés eux aussi à leurs anciens clients qu’on en fut même à ressortir Copé !
Alors que le FN s’était adouci dans le langage, la FI se radicalisait : les urnes ont parlé.
Il est commun de dire que les électeurs préfèrent l’original à la copie concernant par exemple le rejet des étrangers entre LR et le RN, mais cela a joué également comme je l’ai entendu entre Jadot et Canfin en matière d’écologie.
 «  C’est la faute à l’Europe » a baissé d’un ton, plus personne ne veut abandonner l’€uro et l’ensemble des partis les plus ouvertement européens passent devant les souverainistes.
Des liens s’étaient tricotés entre fâchés autour des ronds points, des rapprochements théorisés, les graines de la haine n'ont pas été toujours triées. Des voix ont glissé de Fillon à Macron mais des Insoumis ont migré chez Marine. Des stratégies se sont avérées délétères, quand était pendu par « les jaunes » un président, fut-il en carton. Les symboles sont à manier avec précautions depuis que les clefs de la connaissance de l’histoire ont été jetées avec le respect des institutions et des personnes.  
Camus a beau avoir été appelé à la rescousse :
« Faites attention, quand une démocratie est malade, le fascisme vient à son chevet mais ce n'est pas pour prendre de ses nouvelles. »
La banalisation de l’extrême droite saute aux yeux: n’avait-on pas a oublié qu’elle avait été déjà le premier parti de France aux européennes précédentes ?
Une autre phrase de l’auteur de « La peste » me semble plus opérante : « toute forme de mépris, si elle intervient en politique, prépare ou instaure le fascisme. »
A Grenoble, nous savons depuis la victoire de Carignon que la croyance aveugle en une supériorité morale, intellectuelle peut être le plus court chemin vers la défaite.
Déprécier les électeurs des listes concurrentes, ne pas reconnaître certains arguments des opposants sont des preuves de faiblesse.
« On a tous quelque chose en nous de Tennessee
Cette volonté de prolonger la nuit
Ce désir fou de vivre une autre vie
Ce rêve en nous avec ses mots à lui »
Habitants d’un vieux continent où le courage se fait rare, nous magnifions la parole de nos rares mômes (démographie déclinante) auxquels nous avons renoncé de transmettre (disparition de la notion de travail). Par contre pour les dettes, ils se débrouilleront.
.... 
Les dessins sont du Canard et du Point .