Je fus honoré jadis de l’appellation
« maître » par laquelle me
désignaient mes élèves.
Le mot sent le précepteur d’ancien régime, l’instituteur
instituant, le tuteur, il est désormais rayé de la carte. La désuète expression, bannie aujourd’hui des salles de classe et
des cours de récréation, subsiste pour des adultes parmi les plus transgressifs
qui aiment parfois s’accroupir.
Mauvaise fortune également pour le mot « entraîneur », désormais sur le banc, remplacé par
« coach » forcément perso et globish. Celui-ci aurait pu regagner
vigueur, depuis que Dédé s’est finalement bien débrouillé avec ses stars dont
les ego menaçaient notre devise déclinée le temps d’une fête en :
« liberté, égalité Mbappé ».
Qu’en est-il de ces mentors, guides et autres chefs ?
Comment ça va avec la liberté ?
Quelques papas/mamans, suiveurs de toute directive digitale,
s’en voudraient d’entamer la liberté de leur progéniture qui les tyrannise
parfois dans un consentement des plus béat.
Triste cire des sourires figés qui ont proscrit depuis
longtemps le terme « instruction »
dans toute publique acception.
J’aime aller fouiller dans les bassins de décantation où
flottent d’autres mots en gras.
« L’autonomie »,
tant revendiquée à mesure qu’elle se mettait fil du téléphone à la patte, fait-elle
encore illusion dans les prémisses des apprentissages ?
Certain(e) s avaient envisagé l’abandon de l’adjectif « maternelle » pour cette
école qui faisait une des fiertés du pays où malgré tout les rares hommes
travaillant dans l’éducation sont plutôt là.
Si quelques personnes plus âgées persistent à proclamer « l’insoumission », c’est que
celle-ci resterait à compléter, à cette heure avancée du « soir » qui
sera « grand » à n’en pas douter : rendez vous à la manif de la
semaine prochaine, de la semaine prochaine, de …
Mots fastoches pour un paradoxe de plus qui fait porter aux héritiers,
les désirs d’émancipation de leurs aînés, d’autant plus dociles envers les injonctions
médiatiques, les conformismes des réseaux, qu'ils ne jurent que par la « Liberté ». Un leurre,
lorsque « le bon sens »
est devenu une pauvre chose hors du coup.
Je croyais que les « livres »
étaient un antidote à ces aveuglements, j’étais aveugle.
Lorsque je vois les rayons de la FNAC envahis de textes de
charlatans du développement personnel, au détriment des romans se signalant
comme tels, l’irritation est vaine : c’est un fait de société. Et tous ces
manuels, ces heures, toutes ces émissions concernant « la Méditation » pour s’autoriser simplement à réfléchir
avant d’agir. Comme « La
citoyenneté » tant proclamée lorsqu’elle disparaissait, le « Vivre ensemble » n’allant plus de soi, « La
réflexion » serait-elle en voie d’extinction comme « La bienveillance » qui a
besoin de circulaires ou « La
confiance » d’un bouquin de ministre ?
Le culte de l’individualité va avec une perte de substance
des personnalités pixélisées qui s’affichent entre deux émoticônes, en
sommaires réactions, en reprises de la pensée des autres, ne s’aventurant guère
dans la nuance, si peu friande de paradoxes et de contradictions fécondes.