Didier Ottinger, le commissaire de l’exposition au centre
Pompidou consacrée au peintre honoré par la reine d’Angleterre comme
« plus grand artiste vivant », ouvrait la saison des conférences des
amis du musée de Grenoble.
« My Parents ». Né, il y a 80 ans à Bradford, ville
qui connut le déclin de l’industrie textile, d’un père pacifiste et d’une mère
végétarienne, David Hockney est marqué à ses débuts par l’école
du « Kitchen Sink » (évier) pour signifier l’option « âpre
réalisme ». Il gardera de cette formation initiale sa volonté de toucher
le plus grand nombre, à l’image de Jean Dubuffet, n’adoptant que sur une courte
période les autoroutes alors obligées de l’abstraction. La découverte de Picasso, qui se réinvente sans cesse, l’encouragera
à toujours chercher de nouvelles voies.
« We Two Boys Together Clinging »
Ses sujets homo érotiques auront beaucoup plus de succès que
sa promotion du végétarisme. Il se teindra les cheveux puisque « Blonde
are fun » après avoir rencontré Warhol qui ne sera pas pour rien dans la
coloration pop art de l’artiste qui vient de traverser l’Atlantique.
« The First Marriage, (A Marriage of Styles I) »
En ces effervescentes « swinging sixties », la
liste serait longue des influences pour le premier des post modernes :
depuis les fresques égyptiennes en passant par les lumières de la Renaissance, il
adopte un moment la planéité (flatness) de la peinture moderniste, et la
vigueur des couleurs de Matisse.
"Two boys in a pool" dialogue avec l’art abstrait et
marque sa fascination pour l’opulente Californie.
« The bigger splach »: modernité, cinéma, « color
field painting », Newman, Rothko, Pollock.
« La forme et le contenu sont en fait une même chose…
Et si l’on tend vers un extrême, ce que l’on trouve, je pense, est un
formalisme sec et aride qui, personnellement, me paraît ennuyeux. À l’autre
extrême, on trouve une illustration banale qui est tout aussi ennuyeuse. »
« Mr and Mrs Clark and
Percy » Dans l’histoire des portraits doubles, la femme
était assise, là en mode annonciation, avec lys marial et téléphone pour
que« le verbe se fasse chair », elle est debout.
« Looking at Pictures on a Screen » : Vermeer,
De la
Francesca pour la clarté dans l’énoncé des formes, Van Gogh
ébloui de Provence comme lui avec la Californie, Degas pour le dessin, forme
première de l’expression artistique.
C’est le moment où le naturalisme lui semble une
impasse.
Et pourtant :
"Savings and Loan Building" Et pourtant :
« A
Lawn Being Sprinkled »
Après avoir tenté la peinture teinte plutôt que peinte, il
veut sortir de la perspective classique, d’une vision mono focale, et ne plus
être un « cyclope immobile ». Il expérimente différents types de
constructions spatiales, en retenant du cubisme « une façon sophistiquée
de restituer le réel dans ce qu’il a de plus vécu ». Il le réinvente ;
familier du Polaroïd il assemble des images multiples (« joiners »)
comme ce « Still-life, blue guitar ».
Dans « Pearblossom Highway », les
points de vue sont juxtaposés, l’espace multifocal.
« La chaise de Van Gogh»
à la perspective inversée, semble venir vers nous.
« Nichols Canyon » qui reprend un parcours en
automobile au dessus de Los Angeles serait redevable aussi aux estampes
chinoises en rendant compte de la mobilité et de la durée.
Obsédé par la théorie
de l’art, « Secret knowledge », il recense tous les outils
techniques qui ont aidé les peintres, les diverses optiques, camera oscura,
camera lucida…
lui-même photocopie, faxe, joue de la tablette numérique, de
la vidéo.
Revenu dans le Yorkshire, il peint sur le motif et pour
traduire « les quatre saisons » installe
neuf caméras pour saisir le temps qui passe, le temps retrouvé.
Ces derniers temps, il utilise les écrans tactiles aux
vives couleurs « Still life painted on David Hockney's iPad »
: une étape de plus dans une œuvre joyeuse toujours réinventée. En projet :
des vitraux pour la reine.