Le CDN (Centre Dramatique National) de Sartrouville et son acteur Vincent Dissez, son
musicien Joachim Latarjet, ont
parfaitement rendu la finesse et la force du roman de Maylis de Kérangal, son
empathie, qui reprenait en titre une partie de la formule de Tchékhov :
«Enterrer les morts,
réparer les vivants »
trouvée « comme un ticket d’or dans une tablette de chocolat ».
trouvée « comme un ticket d’or dans une tablette de chocolat ».
Tout est là, organique et symbolique,
en noir et blanc, sous des
lumières de scialytique, les vivants vivement campés, la renaissance, et le
mort, la mort redéfinie.
« L'arrêt du coeur n'est plus le signe de
la mort, c'est désormais l'abolition des fonctions cérébrales qui l'atteste. En
d'autres termes : si je ne pense plus alors je ne suis plus. »
Le récit d’une transplantation d’organes, réduit ici à
une heure et quart, a des précisions scientifiques, porte des émotions, et donne
matière à réflexion, tout en restituant la poésie, la chaleur d’une langue qui
va à l’essentiel et au-delà. Il constitue un bel hommage aux travailleurs de la
vie, de la nuit.
Le jeune qui vient de mourir était-il généreux ?
Comme tous, il râlait quand il n’y avait pas de coca dans le frigo. Ce détour
par la banalité des jours met en relief des mots qui nous soulèvent :
« …
la porte d'une caverne merveilleuse est soudain obstruée par un rocher ; le
passé a soudain grossi d'un coup, ogre bâfreur de vie, et le présent n'est
qu'un seuil ultramince, une ligne au-delà de laquelle il n'y a plus rien de
connu. La sonnerie du téléphone a fendu la continuité du temps… »
Le tapis roulant sur lequel court le
comédien est une bonne trouvaille de mise en scène qui ponctue les moments
forts, souligne l’importance du temps et du corps, l’urgence, nous laisse
souffler et pourtant n’essouffle pas
l’acteur remarquable qui va au bout de l’intensité sous des musiques qui
imitent les machines et les battements, sans illustrer platement.
« Le cœur est explanté du corps de Simon Limbres.
On peut le voir à l’air libre, c’est fou, on peut un court instant appréhender
sa masse et son volume, tenter de capter sa forme symétrique, son double
renflement, sa couleur carmin ou vermillon, chercher à y voir le pictogramme
universel de l’amour… »
Cela me transporte au "Discours de la Méthode" de Descartes, là où trône ce chapitre sur le coeur... comme pompe, comme organe.
RépondreSupprimerJ'en ai voulu à mort à Descartes pour ce chapitre... anti-poétique, anti-héroïque au possible. Ce chapitre qui a grandement contribué à nous faire penser le monde, et nous-mêmes sous forme de... pièces détachées.
Souvenirs... je me souviens des mois précédents mon départ définitif de la maison de mes parents, où papa chéri m'avait proposé enfin d'accéder au saint des saints... de la modernité, et assister à une autopsie conduite par lui-même, et après mure réflexion j'ai dit... non.
Ce "non" résonne encore à mes oreilles comme salvateur... DE MON AME. (Et oui... papa chéri a-t-il eu son âme sauvée ? Je ne sais pas finalement.)
Je ne peux pas m'empêcher de soupçonner que nous étions peut-être.. meilleur du temps où nous pensions que la mort intervenait avec l'arrêt du coeur. (As-tu du COEUR, Rodrigue ?....)
D'autant plus qu'on peut perdre la tête complètement sans arrêt du coeur...
Un vrai problème, ça... que nous sommes loin d'avoir résolu, d'ailleurs.
Je ne regrette pas de ne pas avoir vu le spectacle. Merci pour la critique.