Beaucoup de monde se pressait à la conférence des amis du
musée de Grenoble pour se documenter au moment où s’ouvre l’exposition :
« A fleur de peau » consacrée au dauphinois.
L’artiste « à la croisée des chemins des avant-gardes
de son siècle » a été reconnu très tôt, contrairement aux « impressionnistes »
qui ont fondé une société anonyme pour ne pas passer sous les fourches caudines
des officiels. Ils prendront leur revanche depuis leur première exposition chez
Nadar.
«Impression soleil levant » de Monet donna « impressionnisme », d’abord
péjoratif, le mot devint un manifeste. Cette manière rapide, brillante,
lumineuse traduisant des d’atmosphères fugaces, ne s’exerçait pas seulement à
l’extérieur.
Edgar Degas dans « Répétition d'un
ballet » en 1874, date charnière, dérange les conventions par un
cadrage original, influencé par les constructions japonaises, et crée également
l’illusion d’un instant pris sur le vif.
Fantin-Latour, le mesuré, l’indépendant, est souvent mêlé, dans
les musées, aux impressionnistes ; il prend position avec son « portrait
de Manet » sur fond neutre, comme
le vivement critiqué « Fifre », qui fut comparé à une « carte à
jouer ».
Sa « Féerie » fluide et rêveuse a figuré au salon des
refusés avec Cézanne,
Pissarro,
alors que par ses couleurs chatoyantes, il citait Véronèse.
« Tannhäuser
sur le Venusberg », vaporeuse et lyrique scène d’imagination,
ferait allégeance à un
style néo
classique renouvelé.
L’ « hommage à Delacroix »
de facture réaliste, réunit autour du portrait d’après photographie du
maître romantique, un groupe avec Baudelaire et Manet qui lui tournent
d’ailleurs le dos. Fantin-Latour tel qu’en lui-même, tranche avec sa chemise
blanche.
Dans « Un coin de table », Rimbaud
et Verlaine ne se regardent pas.
Et les « Deux sœurs »
ne communiquent pas plus. Parmi les cadres omniprésents, la frontière entre
portrait et scène de genre est abolie, le temps est suspendu.
La fermeté du dessin, la carnation,
le modelé du visage de « La liseuse » lui vaudront
son admission au salon.
Renoir, né dans un milieu modeste, gagnait sa vie avec ses
portraits : un livre illumine l’intériorité de « La liseuse ».
« Edwin et Ruth Edwards » ont commercialisé les
natures mortes de Henri FL qui lui ont
permis de vivre confortablement,
leur portrait comme celui de « La famille Dubourg »,
avec ses beaux-parents et son épouse
Victoria, sa belle-soeur Charlotte qui s’apprête à partir, est tout en
maîtrise.
« Branche de pivoines blanches et sécateur » de Manet
et
« Le
lys du Japon » de FL sont
cadrés serré, l’un saisit l’instant, l’autre reproduit un bouquet soigneusement
composé, dessiné. «On
peint les gens comme des pots de fleurs »
Les « Chrysanthèmes dans un vase » sont
bien vivants,
ses « capucines
doubles » frémissent, et dans le thème « nature morte »,
pierre angulaire des enjeux de la modernité,
ce « Coin de table » avec
rhododendrons à l’Art Institute Chicago est reconnu,
comme la précoce « Nature
morte avec pain et œufs » de Paul Cézanne.
Sous l‘intitulé « Fleurs
et fruits » illustrer Malherbe :
et « Le réveil » pour Verlaine :
« Voici des
fruits, des fleurs, des feuilles et des branches
Et puis voici mon coeur qui ne bat que pour vous. »
Ne pas oublier d’évoquer la place de la musique et un
versant d’une œuvre où il est au prise avec l’allégorie : « l’anniversaire »
en hommage à Berlioz.
Pour conclure, un de ses fameux portraits de groupe : « Un
atelier aux Batignolles » regroupe
pour la postérité, autour de Manet, Renoir coiffé d’un chapeau, Zola avec ses
lorgnons, Monet
au fond, Bazile
de profil, tous respectables derrière une statue de Minerve pour la tradition
antique et le pot japonais pour des apports plus lointains, nouveaux.