dimanche 25 septembre 2016

Défilé de la biennale de la danse 2016. Lyon.

Depuis la fête précédente, les temps ont mal changé :
Les 4500  danseurs musiciens amateurs entraînés depuis un an par 314 professionnels et aidés par 180 techniciens ont fait leur tour non plus dans les rues et les places de la ville mais dans l’enceinte sécurisée de Gerland devant 15 000 spectateurs ; autant dire une petite assistance en regard des capacités du stade voué désormais à d’autres rencontres que celles des équipiers de Lacazette.
Trois spectateurs pour un acteur.
Des camions de la ville de Lyon obstruaient les rues adjacentes déjà protégées par des plots de béton et des fouilles sérieuses créaient des filles d’attente impressionnantes.
Alors difficile de ne pas penser à Nice quand des danseurs se sont allongés immobiles devant un camion transportant des musiciens. Ils se sont relevés, c’était dans la chorégraphie.
La pluie tellement attendue a failli compromettre le travail de milliers de personnes qui ont défilé comme si le soleil était là : décidément les Dieux n’aiment ni la musique, ni les femmes, car ce sont surtout elles qui  ont dansé.
Les générations ont beau se croiser, les couleurs se compléter, les musiques varier, les pas se multiplier, 
la virtuosité individuelle se conjuguer à l’énergie de groupes compacts,
Chronos, Météos et la divinité de la bêtise sanguinaire ont réussi à déverser de la tristesse sur ce qui fut jadis un moment d'allégresse populaire.
Ce défilé énorme reconnu dans le monde entier faisait vivre au moins pour un dimanche de septembre et pendant une année de préparation le « tous ensemble » qui était à l’affiche de cette 11° édition.
Les intentions contenues dans la plaquette  paraissent sonner creux pour les cœurs qui n’y sont plus
et si nous voyons des acteurs investis, de chatoyants costumes, des inventions dans les mouvements et dans les musiques, avec tant d’élégances et de vivacité,
je n’arrive pas à sortir des nostalgies, ni croire à la phrase de La Rochefoucauld citée par Dominique Hervieu la directrice artistique : «  qui vit sans folie n’est pas si sage qu’on croit ».
Il s’agissait de la folie si douce et nécessaire à la création artistique pas celle qui se met dans la culasse d’une Kalachnikov.

J’en arrive à douter de bien des emphases poétiques et j‘ai plutôt envie de croire à la formule du groupe de Villeurbanne : « Nous sommes tous venus d’ailleurs et nous sommes devenus d’ici »
qui ne se contente pas de mots : leur réalisation empreinte de gravité ne mimait pas une joie factice,
mais dans la beauté faisait naître des émotions réveillées dejà par le beau groupe de Turin aux musiques tellement chantantes qu’on en crierait !

samedi 24 septembre 2016

6 mois. Automne 2016.

Dès qu’un nouveau numéro de la revue de la famille de XXI propose ses photographies je me précipite.
Comme le dit Wendy Watriss dont la carrière de photographe est mise en valeur : 
«  Pour moi la différence entre la photographie d’art et le photojournalisme c’est la différence entre la poésie et l’essai »
dans cette livraison nous serions plutôt du côté du festival de Perpignan que de celui d’Arles.
Hormis quelques instantanés cocasses, les reportages faisant le tour des problèmes du monde dominent :
depuis les activistes occupant une mine de charbon en Allemagne jusqu’à la prison de « Belle Ville » en Iran auprès d’adolescentes promises à la mort quand elles auront 18 ans.
L’Iran est abordé par deux autres reportages : l’un dans l’intimité des mollahs et l’autre à la suite de jeunes filles d’une famille aisée d’Ispahan.
La lutte au Sénégal n’est pas une mince affaire et l’angle choisi pour évoquer la prostitution aux Philippines est éclairant à travers les enfants métis nés du tourisme sexuel, si seuls.
Gagner la confiance d’une communauté manouche en France n’a pas été aisé, mais si la religion évangéliste a travaillé les âmes, les particularités demeurent.  
Nous pouvons mieux nous représenter quelques paradis fiscaux, et comme il est d’usage chaque reportage est richement complété par des documents, des témoignages : ainsi le récit de l’action de militantes iraniennes qui essaient d’arracher le pardon des familles en faisant annuler la sentence fatale.
La photobiographie des sœurs Williams (tennis) est bien documentée, leur destin lié à celui de leur père, assez incroyable. Le retour pour mémoire avec les photos du premier photographe noir du magazine « Life » au cœur de l’Alabama dans les années 50 fait mesurer le chemin parcouru jusqu’à Obama à la présidence.
Pour clore après tant de douleurs, d’injustices, un album de famille est bienvenu qui décrit la complicité de deux grands parents suédois dans leur toute petite maison au bord de la Baltique.

vendredi 23 septembre 2016

Chouchoutés.

Pour reprendre ma litanie des paradoxes et autres effets pervers : une anecdote au moment de la rentrée en maternelle.
Voulant rendre la séparation moins douloureuse, puisque c’est sur ce mode défensif qu’est vendu l’évènement « rentrée », une maîtresse a invité les parents à rester dans la classe pour jouer avec leurs enfants, mais au moment où papas et mamans ont dû quand même partir, tous les élèves se sont mis à hurler, agglutinés derrière les fenêtres.
Cette contagion aurait été évitée avec des « au revoir » échelonnés.  
Aurait-il fallu qu’une cellule psychologique soit diligentée pour amoindrir les effets d’un tel traumatisme? Pimprenelle au secours : nous risquons de perdre quelques places dans le classement des bienveillances.
Les préoccupations électorales déterminent chaque parole, les plus nombreux ont la priorité. Certains parents sont du genre, encore au collège, à pénétrer dans les classes pour voir où est assis celui qui est pourtant traité d’adolescent dès ses dix ans passés.
Que d’heures perdues pour acclimater les invités à l’autonomie depuis la maternelle, les intégrer, les chouchouter, leur éviter de respecter - avilissante besogne - des lieux et les personnes qui pourraient les impressionner ! Ainsi les géniteurs devront se taper les inscriptions à la fac de leur Kévin.
Il n’y a jamais eu tant de mallettes, de kits, de pédagogie magistrale pour expliquer ce qui relève de la simple conversation entre adultes ne sachant désormais plus lever un doigt sans en référer à la hiérarchie, alors que les minots trustent les temps de parole.
Tiens une autre petite histoire vraie, toujours le jour de la rentrée :
« mon fils n’a pas pu venir, il avait un rendez-vous chez le coiffeur qu’on a pas pu déplacer. » 
L’enseignement serait trop théorique d’après des théoriciens de l’enseignement.
Le corps est à cultiver  avant tout et les idées sont devenues tellement fatigantes, qu’il n’y a plus que l’expérience directe qui vaille :
«  j’ai connu plus de femmes voilées que vous ». Allez vous cacher !
Les justes, les gentils, votent les circonstances atténuantes à tout terroriste mais ne savent voir les fachos que s’ils ont le poil blond, pour eux le macho n’en est pas un, s’il porte barbe noire.  Et si Donald Trump tel un trou noir, « absorbe la réalité pour la remplacer par un univers de complots et de machinations » (Le Monde), il n’est pas le seul. Les contradictions s’acceptent de plus en plus mal. Ainsi dans les réseaux sociaux en dehors de quelques trolls qui parlent d’autre chose, la diabolisation vient vite ; les communautés effarouchées, fragiles, ont besoin de se conforter. Les fermetures les plus hermétiques se font sous le label de l’ouverture : évoquez Finkielkrault et c’est Zemmour qui rapplique. Dans le brouhaha mondialisé, les oreilles se couvrent d’écouteurs, branchés sur soi même.
Les divisions côté gauche, au pays des rêves entre « égaux » sont le produit aussi de ces « égos » qui ont oublié les nuances orthographiques. Elles ne pourront que se multiplier tant les compromis entre gens qui détiennent seuls la vérité sont difficiles. Ils sont les meilleurs, chacun. Cela n’empêche pas de réitérer sans cesse le reproche, parmi tant d’autres, adressé à l’école, d’avoir étouffé tant de personnalités. Avec les nouvelles directives, le nombre de candidats à la présidence ne risque  pas de diminuer, par contre pour les boulangers et les mécaniciens…
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 Dans le dernier Télérama : un rectificatif : « Dans le courrier de Jacques Nicot évoquant les quelques dizaines de morts du communisme, il s’agit évidemment de quelques dizaines de millions. »
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 Dans la publication de la MGEN: Plantu

jeudi 22 septembre 2016

Rencontres de la photographie 2016. Arles.

Cette année j’ai fait mon tour dans la ville que j’aime tant, un peu tard dans ce mois de septembre où quelques lieux d’exposition étaient fermés, mais il y avait encore de quoi s’en mettre plein les yeux.
Non que de belles photos y abondent, aujourd’hui le terme « belles »  ferait tâche, mais j’ai repéré que la manière de les présenter change notre regard et notre opinion.
Il y a bien sûr les formes sophistiquées de commissaires d’exposition présentant quelques images de gencives sur fond blanc qui me laissent froid, surtout quand des baratins abscons viennent s’interposer : « ce paradigme, questionnant ainsi la relation symbiotique qui nous relie aux images »
Mais j’ai apprécié Eamonn Doyle pas seulement pour la taille de ses passants de Dublin en majesté à l’Espace Van Gogh. Par contre la collection de travesti(e)s en tous genres tels qu’ils ont été retrouvés dans des formats début du XX°  aurait mérité une attention minutieuse que ne permet pas une visite d’une seule journée.
La procession en musique du sud-africain William Kentridge sur plusieurs écrans tenant 40 m est époustouflante : des ombres chinoises sont mêlées à des acteurs, des dessins au film, tout un pays nous enveloppe, les vivants et les morts, les malades et les porteurs de pancartes, les prêtres et les bouffons.
Nous sommes invités à aller au-delà des traces laissées dans les paysages par l’illusoire ligne Maginot et apercevoir l’Amazonie, une Angleterre vue comme la planète Mars
ou Swinging Bamako d’une Afrique autrement plus pop à la Gare avec des affiches du cinéma nigérian (Nollywood).
A la Fondation Manuel Rivera-Ortiz se blinder devant les enfants victimes des traitements phyto sanitaires en Amérique latine ou les souffrances du dernier né des états : le Sud Soudan.
Que ce soit au Kosovo post-guerre en  Afghanistan ou à Washington la chanteuse PJ Harvey et le photographe Seamus Murphy dialoguent ; le pays d’où ils écrivent n’est pas si lointain.
Les monstres de cartons pâtes inspirent-ils les lycéens en nombre à cette période ? Les montages d’Hara Kiri constituent sûrement pour eux un sujet fécond quand certains ont du mal avec les différents degrés de l’humour.
Par contre des enfants de maternelle traversant une exposition concernant l’avortement m’ont paru bien incongrus mais j’espère qu’ils se sont arrêtés devant les « parfaites imperfections », à l’Evéché, qui font émerger la poésie des rencontres avec le hasard.

mercredi 21 septembre 2016

Equateur # J2, suite. Quito.

Notre visite suivante nous conduit dans la chapelle El Sagrario. qui jouxte la cathédrale
Une nouvelle porte protège l’ancienne en bois sculptée rehaussée d’or et envahie d’anges ailés, de séraphins, de putti, je ne sais plus la différence.
Une odeur d’encaustique émane de larges planches au sol et des bancs. Durant notre visite, un groupe de pratiquants prie dans un style responsorial. Les solistes, un homme et une femme, sont placés à l’arrière de l’assemblée. Nous regardons les riches retables et puis nous abordons à quelques pas une deuxième église.
L’église des Jésuites est protégée par une grille. Ici la visite est payante. En façade, le symbole de la compagnie IHS ( Iesus Hominum Salvator), et les colonnes torsadées comme à Saint Pierre de Rome. Mais  l’intérieur nous coupe le souffle : c’est une débauche d’or, 50 kg de feuilles d’or recouvrent le reliefs du plafond et des colonnes. Les retables, autels et portes brillent, mais nombre d’objets de l’époque glorieuse ont disparu, volés. C’est la raison invoquée pour interdire toute photo. Une série de confessionnaux du XVIII° attirent nos attentions : conçus autour du fauteuil du prêtre, ils sont de bois sombre avec de naïves têtes d’angelots au nez écaillé. Deux tableaux à l’entrée ont été remplacés par des copies, l’un d’entre eux étant exposé au British Muséum.
Restons dans le religieux et approchons nous du couvent et églises de San Francisco. Malheureusement elle a fermé 20 minutes avant l’heure prévue, nous nous heurtons à une porte close. La place est actuellement défigurée par de travaux en vue de la construction d’un métro.
Nous allons alors manger dans un restau contre l’église et dégustons quelques spécialités locales: soupe pommes de terre avec avocat et fromage, cochon grillé (fritada) accompagné de maïs grillé ou bouilli de bananes frites et d’avocat. Un régal avec des portions plus que conséquentes, faire moit’ /moit’ aurait été largement suffisant. Moins d’enthousiasme autour de bières locales aux couleurs surprenantes. 12 $ 50 par personne tout de même.
L’après midi devait être consacré à des visites de fabriques artisanales de chapeaux, glaces, chocolats et jouets en bois Calle de la Ronda. La plupart sont fermés ou inexistants. L’artisanat de jouets se limite à de jolies toupies et deux Pinocchio esseulés. Nous sommes déconcertés, rien d’autre n’est prévu  pour la journée et il est 15h !
Edgar ne fait pas de proposition, nous soumettons l‘idée de monter au téléphérique. Notre camionnette nous récupère place San Francisco et nous traversons de nouveaux quartiers jusqu’au pied de cabines. Nous nous retrouvons en compagnie d’un couple équatorien / belge qui nous décrit leur périple à travers le pays.
Nous sortons à 4000 m d’altitude, nous nous couvrons rapidement sous les quelques gouttes et l’air frisquet.
Un chemin bien dessiné poursuit la montée jusqu’au cratère du volcan Ruccu Pinchicha à 5h de là.
Le souffle est court, la vue est splendide sur la ville  qui mesure 54 km de long.
Notre parisienne résiste au froid dans ses sandales sans chaussettes.
Je redescends vers la gare du téléphérique avec Guy un peu palot. Nous regardons le départ des parapentes tandis que nos compagnons prolongent la balade. Notre « guide » nous a abandonné depuis longtemps gelé dans son costard à carreaux.
Nous descendons dans les télécabines à la nuit presque tombante face à la ville qui s’éclaire timidement, apercevant à nos pieds des agaves résistant au climat et à l’altitude avec au dessus de nous des nuages aux couleurs variées et variables.
Retour à l’hôtel pour une bonne douche chaude et nous ressortons une heure et demie plus tard dans le quartier animé d’une vie nocturne moderne voire « branchée », sous l’œil d’un nombre impressionnant de policiers et de personnels de sécurité.  Ce n’est pas la faim qui nous tenaille ; après avoir longuement hésité sur le choix du restau, nous dînons d’un minestrone délicieux ou de pizzas quelconques avant de regagner notre lit.

mardi 20 septembre 2016

Sempé, le rêve dessiné. Bernard Pascuito Mathieu de Muizon.


Disposé à côté de la caisse de la librairie, je ne pouvais éviter le petit livre de 48 pages dédié à mon auteur préféré, mais 7, 50€ :« il ne faut pas pousser », même si le nom de l’éditeur est lui aussi charmant : « A dos d’âne ».
Les fans n’apprendront rien dans cette brève biographie, vite écrite bien qu’illustrée gentiment, si loin du modèle ou d’autres publications à son égard
Le dessinateur qui connut le succès avec le « Petit Nicolas », vendu à plusieurs dizaines de millions d’exemplaires se réfugiait derrière la radio pour éloigner les cris des disputes de ses parents. Duke Ellington et Ray Ventura furent les sauveurs du rêveur.
Vivement un nouvel album pour Noël de l’octogénaire. 

lundi 19 septembre 2016

Victoria. Justine Triet.

Je ne me lasse pas des dispositifs de la metteure en scène qui en reproduit quelques uns de son précédent film vitaminé, « La bataille de Solferino » : mère affairée, problème de garde d’enfants,  personnages hystériques, névrosés et bavards se bousculant à la porte d’un appartement en désordre.
Les vies affolées de nos jeunes contemporains font sourire par le brillant déluge verbal qui les cerne mais de leurs cocons ne sortent guère de papillons.
Cette comédie décrit avec plus de pertinence notre époque que bien des éminents favoris de la critique qui en sont à mimer Truffaut sempiternellement.
Et pourtant c’est parisien en diable, speedé. Avocat peut être aujourd’hui un métier précaire et les baby-sitters n’ont pas que des petites filles accrochées à leur tablette à prendre en charge. La sexualité a beau être désinhibée, les solitudes n’en paraissent que plus pathétiques et les détresses plus criantes.