mercredi 27 janvier 2016

Le Paris de Vito.

Paris recommencé, mais Paris renouvelé :
bobo, rétro, auto, moto, vélo, ghetto, prolo, mélo, claustro, dingo, macro, astro, métro, boulot, dodo... gentillet.
Le dessinateur qui a étudié l’architecture est plus proche de Batelier qui vendait ses dessins dans la rue du temps de Politique hebdo que de la poésie de Sempé, légère.
Dans ces 135 pages autoéditées, la capitale est bien mignonne parée de couleurs champêtres dont les personnages arrondis accentuent un air d’illustrations pour enfants.
Pourtant ce livre se veut « manifeste pour une ville palimpseste ».
« Ville qui se construit sur elle-même et où l’on ressent les couches successives de son histoire. »   
La célébration de Belleville, de la petite ceinture, de la place de la République, de la Villette, tout en proclamant son allergie au dessin d’observation, le rapprocherait d’atmosphères genre Amélie Poulain, sans la lumière.
Sont  aussi relevés « l’entre soi », les congestions urbaines, l’exigüité des logements.
La vocation est politique, mais il manquerait la percussion nécessaire au genre.

mardi 26 janvier 2016

Les larmes de l’assassin. Thierry Murat. Laure Bondoux.

Cette  histoire qui tient à l'essentiel se déroule en bordure du désert dans une cabane isolée, misérable : une BD métaphysique est à craindre.
Elle l’est, sans chichi, avec un déroulement du scénario qui n’incite pas à la divulgation, tant la découverte de la vie par un petit garçon est limpide, puissante, palpitante.
Les dessins élémentaires et beaux expriment très bien les enjeux fondamentaux en place au fin fond du  Chili: la survie et la vie, les souvenirs et l’oubli, les dangers que représentent les autres, l’amour et la mort.
Rien que ça !
J’avais déjà fait part d’une de ses BD brièvement
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2008/06/elle-ne-pleure-pas-elle-chante.html
et je viens de voir qu’il a adapté  « Le vieil homme et la mer » d’ Hemingway: cela doit lui convenir à merveille quand il s’agit de mettre en forme des primordiaux de la nature humaine où se rencontrent sobriété, rudesse, et tension.

lundi 25 janvier 2016

Je suis le peuple. Anna Roussillon.

Les évènements de la révolution Place Tahrir sont vus depuis la campagne autour de Louxor où les femmes pétrissent la pâte sans relâche et les hommes une terre qui attend l’eau.
Dans la lignée délicieuse de « La vierge, les coptes et moi » où une écriture personnelle vient féconder un documentaire, il y a de quoi se régaler en abordant la complexité de la situation en Egypte et au-delà, avec ces fellahs si proches, si lointains.
Les bouteilles de gaz sont vides, la télévision tapisse les murs lépreux aux couleurs photogéniques.
Les protagonistes qui en sont comme ils disent « à la maternelle de la démocratie » nous donnent des leçons sur les conditions nécessaires pour que la politique ne soit pas un leurre. Nous suivons leurs changements d’opinion face à des évènements qui gardent une part de mystère. La religion imprègne tellement les mots et l’armée héritière d’un passé prestigieux demeure toujours aussi présente.
- Avant en temps de deuil, on arrêtait de regarder la télé pendant un an
- C’était il y a très longtemps…

dimanche 24 janvier 2016

Le conte d’hiver. Agence de Voyages Imaginaires.

Ben oui, je l’avais vue cette pièce à la MC 2, avant  qu’elle soit proposée à côté de chez moi,
Les résurgences de la mémoire prenant des chemins inattendus, j’avais le sentiment dans cette version, de retrouver des accents du festival « off » à Avignon, en plus confortable, c’est que la troupe est l’héritière des « Cartouns sardines » un des phares des rencontres estivales des troupes de théâtre. Je suis passé donc  de la version « in » de la pièce de Shakespeare à Grenoble, à une interprétation clownesque à Saint Egrève.
Je me dis que celle-ci doit être fidèle à l’esprit joueur des origines remontant à 400 ans, avec une pincée de comédiens jouant une multitude de rôles, de tous les instruments de musique et de leurs voix pour chanter agréablement, emballant le public qui s’est levé plus facilement pour applaudir que dans la ville centre.
Il parait que la jalousie favorise l’imagination et comme il est question de mari trompé, aux pays des rois de Sicile et de Bohème réunis, tout est permis : les morts, pas morts, le temps lui-même en meneur de jeux (de mots) a des absences. L’amour est là, lui, indestructible. Le parti est pris de la farce : après un début pépère, le rythme s’accélère, et comme on ne peut s’attarder au texte, la trame limpide permet de passer un bon moment où les questions existentielles sont mises de côté.

samedi 23 janvier 2016

Invisible. Paul Auster.

L’écrivain « a fait le job » : narrateurs variés avec des équivoques bien dosées, des moments de tension et de décontraction, de la profondeur et de la légèreté, de l’érudition et de la simplicité. Un thriller et un conte existentiel avec ce qu’il convient d’allusions personnelles.
« Quels sont mes sentiments à l’égard de cet homme ? Compliqués, ambigus, une combinaison de compassion et d’indifférence, d’amitié et de méfiance, d’admiration et de stupeur. »
Les récits se croisent, se démentent, dans le milieu de l’édition, de la poésie, de l’écriture.
Mais y aurait-il un agent double parmi ces manipulateurs, un tueur ?
Tant de finesse, d’attentions aux mots pour tant de solitudes et d’indifférences.
« Je confonds parfois ce que je pense du monde avec le monde lui-même »

vendredi 22 janvier 2016

Révisions.

Les cliquettements de nos machines tellement pressées de nous passer le temps présent maltraitent le passé en commémorations mécaniques.
Mitterrand, 20 ans. Nous avions été heureux quand la gauche avait gagné, mais faut-il avouer que nous préférions Rocard surtout quand tout le monde s’incline aujourd’hui ? Le bref culte qui est rendu à Tonton souligne l’état loqueteux dans lequel nous sommes tombés.
Sans plus m’arrêter parmi ces paysages effacés, je vais essayer de revenir sur quelques mots bourdonnant autour d’un lieu que j’ai déserté depuis 10 ans : l’école.
Pour avoir fréquenté, admiré des maîtres Freinet, mais ne pouvant prétendre à une quelconque expertise en la matière, je suis assez étonné quand même de la fortune de certains des mots de l’instit de Vence, inversement proportionnelle à la perte du sens des démarches qui ont fait naître tant de propositions qui élevaient les élèves.
Des conseillers fuyant les classes et des colloqueurs universitaires ont  mis en circulaire des préconisations extraites de réflexions issues d’un  mouvement militant qui partait de l’échange de pratiques sur le terrain et non de reportages télévisés ou de constructions hors sol.
Les avidités individuelles réduites à des plans de carrière ont siphonné ceux qui avaient des ambitions pour les enfants, pour l’école, des plans de travail et une organisation coopérative fraternelle en « béton » ou plutôt chantourné au filicoupeur pour permettre aux petits d’accéder à la liberté, aux savoirs. Ceux qui ont mis ces fonctionnements en place n’attendaient pas qu’on leur explique ce qu’est la laïcité, leurs convictions forgées dans le débat et l’entraide étaient rétives à tout ordre tombant des ministères : tout le contraire d’aujourd’hui où un caporalisme de pacotille revient au galop. La critique de l’enseignement frontal depuis les chaires prête à sourire.
Ainsi les mots : « projets », « compétences », « enfant au centre », « équipe », ont ponctué les clips, incitations, BD pour les nuls, injonctions du ministère par ses petits marquis, dénaturant les intuitions, réflexions collectives, audaces de pédagogues qui ont alimenté les « bibliothèques du travail » et tant d’outils amoureusement construits à partir des réalités diverses analysées par des praticiens.
Comment sommes-nous passés de démarches visant à l’émancipation, aux mots de l’entreprise ? De l’école Mao aux rotatives de Grenelle pour parodier un titre qui a marqué la fin d’une époque : « Lettre ouverte à ceux qui sont passé du col Mao au Rotary ».
Comment sommes-nous passés de « L’école moderne », marque déposée par le mouvement pédagogique pour lequel liberté et démocratie ne sont pas seulement des mots mais des actes, aux heures mornes des nouveaux rythmes scolaires qui ont signé la fin d’une école « maitre du temps » ? Les familles éclatées, les maitresses ne pouvant plus payer des loyers parisiens ont accompagné avec soulagement la transformation : les enfants sont davantage fatigués.
Ces engagements pédagogiques, ceux d’une vie entière, allaient avec des convictions politiques et syndicales. En me désolant des orientations présentes, en particulier au collège, défendues par le syndicat CFDT pour lequel j’ai consacré jadis tant d’heures, j’aurai le sentiment de trahir mes idéaux de jeunesse, si l’éditorialiste Jacques Julliard, un des piliers de « la deuxième gauche » n’était devenu un défenseur assidu de l’exigence en matière scolaire :
« l’effort n’est pas de droite, l’excellence n’est pas de droite, la conservation de notre patrimoine culturel n’est pas de droite. » 
 Je le rejoins comme opposant déterminé non pas à Najat Valaud Belkasem qui n’est qu’une porte-parole en mal de notes pour prompteur sur la notation, mais à son ministère qui alimenta Chatel comme Peillon ou le fugace Hamon pour nous faire prendre les vessies économiques pour des lanternes égalitaires.

jeudi 21 janvier 2016

Biennale d’art contemporain. Lyon.

Le thème de cette 13° édition était «  la vie moderne » : difficile de faire plus actuel pour des contemporains.

Mais entre le musée d'Art contemporain et la Sucrière parmi 60 artistes, qui trouvera une œuvre inoubliable, surprenante ?
En sachant que j’allais voir des pneus récupérés sur la nationale 7, je vérifiais que j’étais bien en territoire « art contemporain » où le concept prime et les commentaires nous éloignent.
Hé bien, sur place, ces objets - on retrouve des pneus dans d’autres installations - reprennent l’interrogation majeure de l’art depuis Duchamp qui  a modifié notre façon de voir.
Dans ces caoutchoucs déchiquetés, il y a de la beauté et des histoires.
Et avec les vidéos qui me fatiguaient vite, je peux commencer à m’y faire, quand Cyprien Gaillard nous emmène en drone à l’intérieur d’un feu d’artifice en 3D avec une musique planante. C’est beau, mais aussi angoissant, comme lorsqu’un artiste taïwanais filme des paysages urbains désertés évoquant Fukushima.
L’affiche de l’évènement biennale qui courrait sur quatre mois avec ses parasols sur fond de centrale nucléaire est inspirée par cette œuvre.
Le thème de la modernité reviendra dans les deux prochaines biennales.
Certaines propositions relèvent  d’avantage des cabinets de curiosité de jadis quand une pièce est plongée dans la nuit pour nous faire sentir un jasmin qui s’exprime mieux dans l’obscurité.   
Ce qui reste d’humour est pathétique, alors qu’un sketch de « Rire et chansons » peut souligner plus élégamment la perte d’humanité lorsque les serveurs téléphoniques nous baladent d’un robot à l’autre : « appuyez sur la touche étoile ».
La curiosité du public est éveillée par des noyaux de cerises qui tombent sur une batterie par détection des téléphones portables : ça crépite !
D’autres sont anecdotiques, bien que la vue de Manhattan à 360° ait nécessité beaucoup de travail, des agrafes dans le béton même si on leur prête une dimension de réparation historique et sociale, peuvent amener un sourire circonspect, comme les fils électriques fondus, des pots de peinture renversés, des boules en béton attachées par des cordes, les biens saisis chez Kim Dotcom qui avait fait fortune dans le piratage informatique 
ou des plantes qui poussent  dans des ordinateurs,  à l'intérieur de chaussures.
Il y a plus de photographies que de peintures, des d’animaux à grandes cornes, des chevaux reproduits sur des éléments de carrosserie de voiture, et des images des traboules sur de la soie en hommage aux canuts.
Des personnages tous semblables en bord de mer font  leur impression.
Les jeux avec les supports peuvent être signifiants : deux sculptures  en marbre intitulées « Commerce extérieur Mondial Sentimental », de femmes roms recouvertes de châles en piécettes jaunes,
ou des maisons de SDF en carton réalisées en marbre avec une virtuosité étonnante.
Une autre sculpture d’un corps étendu sous une couverture de survie brillante nous dérange.