jeudi 29 octobre 2015

Picasso, peintre d’un siècle. Christian Loubet.

La conférence initialement intitulée « Picasso au cœur de la révolution plastique du XX°siècle » a fait salle comble aux amis du musée.
La saison commence fort autour de ce que Picasso a reçu et ceux qu’il a formés.
Inutile de citer chaque tableau, leur nombre considérable confirme l’idée de l’envergure du personnage, pour lequel une autre approche est proposée, ne suivant pas forcément toutes ses remises en question au rythme de ses amours renouvelées.
Mais oui, il avait peint un « Moulin de la galette », dans les rutilances des couleurs de Lautrec, celui là est au Gugenheim.
Il avait 19 ans en 1900.Héritier des post impressionnistes, symbolistes, expressionnistes, c’est au Gréco qu’il emprunte pour l’ « Enterrement de Casagemas », son ami.
« La vie » peint dans une période noire cite Gauguin.
Si le personnage d’Arlequin exprime l’inconstance, l’éparpillement,
Pablito, « Paul » hérite du costume et clôt une époque aux couleurs roses et bleues.
Quelques autoportraits amènent bien au-delà de « 50 nuances de soi », ils ne délivrent pas une vérité de surface : jeune, il n’a jamais porté la barbe, et dans son dernier tableau, le vieux regarde la mort en face.
L’explosion des « Demoiselles d’Avignon » à l’origine de la révolution cubiste, tenait à Braque en « cordée » avec lui, mais aussi aux déchirements avec Fernande, à Cézanne et aux masques primitifs. Réalisée en 1907, la toile sera présentée 10 ans plus tard.
« Ce qui m’intéresse c’est la maladresse de Cézanne »
« L’art africain, connais pas »
Après avoir enregistré le XIX°,  rendu hommage à Ingres, il n’a jamais fait table rase du passé. 
Une fois franchi le mur de la figuration, il revient un moment à des figures sensuelles, des modèles lisibles. La « Femme assise les bras croisés »  c’est Sarah Murphy au moment où il divorce avec Olga
et rencontre Marie Thérèse avant Dora Maar.
Ses drames intimes se disent dans la figure du Minotaure et les séries des corridas.
L’icône du XX° siècle, « Guernica », ne fut pas forcément comprise par les républicains qui la présentèrent à l'exposition universelle de Paris en 1937.
Leiris disait de ce tableau de 7 m, devenu intemporel, faisant écho à Goya:
«  Picasso nous envoie notre lettre de deuil, ce que nous aimons va mourir »
A Antibes, voisin de De Staël, lui qui passe entre abstraction et réalisme,
il rivalise en gentleman avec Miro et Matisse dans un cubisme cursif.
Depuis les formes inspirées des vases grecs, en bord de Méditerranée, il recompose formes et thèmes dans une diversité de styles  qui dressent un inventaire de la peinture : 27 versions du déjeuner sur l’herbe pour « assumer l’héritage de Manet ».
Il déconstruit et reconstruit autour de Delacroix, en presse tout le suc, avec ses « Femmes d'Alger dans leur appartement » (14 exemplaires).
Si sa tentative est confuse dans « Le massacre des innocents » d’après Poussin, les Ménines de Vélasquez sont citées 44 fois et susciteront des émules avec des artistes comme Erro :
Gris, le coloré, fut un compagnon de route comme le rayonnant Delaunay, et Léger le « tubiste ». La dérision de  Duchamp s’abreuvera à l’œuvre gigantesque de celui qui  mourut à  Mougins en 1973 à l’âge de 91 ans.
Il inspirera aussi ceux de l’abstraction géométrique, Malevitch le faux naïf, Mondrian, Rothko, peintre des champs de couleur, les expressionnistes divers : futuristes et autres Lichtenstein , Hockney, l’Equipo Cronica, ceux qui exhibèrent les corps : Bacon, Freud, Niki de Saint Phalle,
Combas, Adami, Monory…
Pablo Picasso est devenu l’emblème d’un siècle qu’il a fourni abondamment en objets inédits, sans avoir perdu le fil de ses ancêtres. Il fut le témoin d’une époque où « les matadors tout puissants ont rendu les vaches folles où les massacres technologiques ont banalisé Guernica … »
Depuis « Le peintre matador qui a tué l’objet de son désir », certains  ont exploré d’autres supports, comme Warhol,
ou cherché dans les écritures : Garouste,
les associations d’idées : Dali,
les surréalistes ont trouvé des fantômes,
et les abstraits ont fait tapisserie.
Vidéos.
Ernest Pignon se lança en peinture à cause de lui :
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/03/ernest-pignon-ernest-fantomes-et.html

mercredi 28 octobre 2015

Volterra.

La ville de 10 000 habitants est à taille humaine, mais bien présomptueux serait celui qui ferait le tour en un jour de ses 3000 ans d’histoire.
Voisine de Pise la gibeline, la ville avait choisi Florence la guelfe, qui à la fin du XVe siècle mit fin cependant à son autonomie.
L’architecture médiévale bien conservée ( Piazza dei Priori) nous a ravis comme la vue depuis la falaise dominant la belle campagne environnante.
Si comme à Carcassonne, il y a un musée de la torture, nous n’y avons pas mis les pieds, préférant aborder les Etrusques en leur musée, celui  du collectionneur Mario Guarnacci (XVIIIe), l’un des plus anciens d’Italie qui  a nous conduit de la préhistoire à l'époque romaine.

Bronzes, céramiques noires, et surtout des urnes funéraires en terre cuite, en albâtre témoignent d’une très riche civilisation demeurant assez mystérieuse.
Hommes et femmes aux traits très réalistes figurent sur les trésors antiques qui foisonnaient dans les environs. Dans la classe supérieure, les rapports entre conjoints étaient plus égalitaires que dans bien des contrées d’aujourd’hui.
Tant de sculptures accompagnant les morts témoignent d’une belle vitalité et une figure filiforme surnommée  par D’Annunzio « L’ombra della sera » fait penser à un Giacometti sans aspérité, reliant 300 ans avant JC aux 2000 après lui. Un paysan trouva cette statuette et s’en servit comme tisonnier.
Les Étrusques qui accédèrent les premiers au poste d’empereurs à Rome avant de se dissoudre dans la civilisation latine venaient-ils d’Anatolie ou des Alpes ? 
Leur langue était aussi atypique que le basque derrière d’autres frontières. Commerçants avec les grecs, ils prirent le pas sur les Phocéens pour une suprématie dans cette partie de la Méditerranée.
Merci au « Routard » qui nous a indiqué le restaurant La Carabaccia, piazza del XX Settembre( date de la fin des états pontificaux en 1870), sans prix excessif qui aurait pu se justifier par l’originalité et l’authenticité de plats «  Slow food ».
De baptistère en Duomo, nous n’aurions pas porté une particulière attention à La Descente de Croix de Rosso Fiorentino si des artistes contemporains ne l’avaient réinterprétée et régénérée  mettant en lumière la force du tableau de 1521.


mardi 27 octobre 2015

Le papyrus de César. Jean-Yves Ferri. Didier Conrad.

A Carrefour, j’ai mis dans mon chariot le 36° album d’Astérix, notre familier compagnon, sachant que cette livraison était  plus en prise avec l’actualité que son histoire précédente
Il est question de l’univers de l’information et tout pourvoyeur de poubelles à papier ne peut que se réjouir de tant de clins d’œil.
Promoplus, conseille à César qui a fini de rédiger « La guerre des Gaules », de caviarder le chapitre concernant ses déboires en Armorique où un village d'irréductibles gaulois résiste.
Ce gars là, le communiquant,  croise Doublepolemix, une variante d’Assange, colporteur sans frontière, qui rêve de «  Canalis », un tuyau : un scoop quoi !
« Je n’ai pas conqvis toute la Gaule »  ces aveux de Jules César qui font trembler l’empire ».
Les oiseaux font « Tweet »  et Gasdechix, un copain de promo de Panoramix, utilise un roseau  pour communiquer car :
« Pas de roseau pas d'appel. » 
Les jeux de mots fusent, les coups pleuvent sur les romains, Bonnemine, la femme du chef a pris de l’assurance, le barde ne finit pas ficelé et son intervention en procédure d’urgence est déterminante. Obélix essaie de suivre son horoscope et se rédime, relativement, côté viande rouge.
Le précieux chapitre sur papyrus, moteur du scénario, a été sauvegardé  grâce à Bigdatha, un scribe numide (un « nègre »), Panoramix va le faire enregistrer  par son très ancien maître  qui vit dans la  légendaire forêt des Carnutes. Goscinny et Uderzo apparaissent en post scriptum comme héritiers de cette tradition orale :
« Les écrits s’envolent, les paroles restent »
Pourtant quelques défaillances de mémoire apportent le trouble sur la relativité de la vérité historique:
« Etait ce Paroxistix ou Panélectrix ? »  

lundi 26 octobre 2015

Fatima. Philippe Faucon.

Une des filles d’une femme de ménage ne veut pas nettoyer la merde des autres comme sa mère. Et il n’y a pas que les beurettes dans cet état d’esprit !
Sujet  crucial quand s’ajoutent au conflit des générations, les barrières de la langue.
Ce film court est intéressant, même si ce n’est pas un grand film. Il aborde la vie en banlieue sans esthétisme, ni misérabilisme, avec optimisme et honnêteté, pour moi, avec justesse.
Faut-il que le cinéma français soit si peu social pour que l’on s’étonne à ce point de pousser une porte d’appartement sans vue sur la mer, ni délice bio dans le frigo ?
Adapté du livre autobiographique de Fatima Elayoubi, la Fatima du film interprétée par une actrice non professionnelle totalement investie, trouve dans l’écriture en arabe, un moyen de se guérir de bien des douleurs.
Cette femme est attachante, car si elle n’a pas tous les codes, son énergie, sa finesse peuvent clouer le bec en douceur de bien des grandes gueules. Cependant son courage ne l’élève pas au rang d’ « héroïne du quotidien », expression qui vient trop facilement à l’esprit. Elle n’est pas une exception : combien de mères souvent bien seules élèvent leurs enfants, du mieux qu’elles peuvent ? L’une des filles travaille et n’écoute pas les appels « osez osez Nasserine » vous amuser, elle commence des études de médecine, la plus jeune proche du décrochage, a de la verve mais se trompe de colère, pour l’instant.

dimanche 18 octobre 2015

Nobody. Falk Richter Cyril Teste.

Encore du cinéma au théâtre ! Bien mieux : le dispositif avec un montage virtuose en direct, met à égalité cinéma et théâtre et revivifie les expressions artistiques en pleine cohérence avec le sujet.
Il est beaucoup question des apparences, de la communication, tout au long d’une heure et demie très rythmée, éminemment politique. Les caméras au plus près, depuis des emplacements prévus au millimètre, accusent la perte de l’intimité. Les images ne sont pas illustratives.
Les dialogues visent la vérité et les protagonistes débarrassés de toute politesse, de tout sentiment de culpabilité, ne peuvent à leur tour que se montrer sourds au verbiage ambiant, pour survivre. La perte du sentiment d’utilité sociale ne se partage guère, malgré les dispositifs omniprésents appelant au dialogue, elle mine les personnalités au plus profond.
A quoi sers-je ?
La vie d’un groupe humain, confiné dans un espace tellement clean, est passée au scanner, loin de comédies autour de la machine à café, ne manquant cependant pas d’un humour, noir sur blanc, chirurgical.
Au-delà de la vie d’une entreprise de « consulting » c’est la description à peine soulignée de la deshumanisation de toute une société qui a les Macron qu’elle mérite !
Et s’il ne dit pas que des bêtises ce ministre, les consultants de cette pièce-ci, qui s’essayent à la culture comme si c’était un sport, font peur par leur cynisme, leur violence.
Leur vie est vide, nappée de mots des plus porteurs qui  arrivent à nous faire horreur :  implication, équipe, travail…
« Outsources unlimited, Drive permanent, hight speed, case team Meeting, performance ». 
Dans l’open space, le tutoiement obligatoire est obscène, quand aimer ne signifie plus rien, et que la compétition a tout emporté. Alors que la créativité est requise, le conformisme est de mise.
Bien que vus derrière des vitres, et par écran interposés, les comédiens sont étonnants de justesse, à proximité de nos inquiétudes intimes, interrogeant nos avis définitifs et nos solitudes.  
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Je reprends la publication d'articles dans une semaine. 

samedi 17 octobre 2015

6 mois. N° 10. Automne 2015.

300 pages de photographies dont chacune apparait d’autant plus unique que nous sommes recouverts d’images.
Evitant de trop séjourner sous les fourches caudines des perches à selfie, ce semestriel permet de trouver des éléments de réflexion qui vont bien au-delà d’un cadrage ou d’une lumière.
Les photographes en majesté ici nous invitent à la modestie en même temps que se cultivent nos envies de photographier.
Ce numéro comme son cousin XXI le fait avec l’écrit est centré sur un thème principal :
« Un milliard de touristes et moi et moi », en suivant un groupe de chinois visitant l’Europe, lors d’une croisière en bateau parmi les 1500 passagers, ou sur les chemins de Saint Jacques de Compostelle. Partout se pose la question de l’image, tout en évitant quelque posture méprisante de la part des auteurs.
Les formats sont variés : quelques images de la vie de Nidaa Badwan enfermée dans sa chambre comme l’est son pays la Palestine, intenses.
Et quoi de plus banal que des  photos d’anniversaire ?  A travers cet évènement chez les riches ou les pauvres, les blonds ou les bouclés, une néerlandaise donne un aperçu excellent de la diversité de son pays.
Shahidul Alam du Bangladesh est mis dans la lumière : un sacré caractère !
Loin des sympathiques pères au foyer suédois
ou des Coréens du Sud qui fréquentent des établissements où l’on simule sa propre mort : «  La mort qui guérit », « l’académie du cercueil »,
voire des élèves d’un LEP au pied des Pyrénées dont un prof chargé de présenter les métiers du bâtiment dans un collège du coin raconte :
« Quand je me suis présenté, les gamins se sont mis à rire »…
Variété, puissance : le quotidien d’un obèse, l’épopée d’un météorologue solitaire près du cercle polaire qui, lorsque le bois de chauffage est venu à manquer a arraché les planches du vieux phare voisin pour les brûler.
La photobiographie de la Pythie, Patti Smith, le souvenir d’une expédition dans l’Everest en 1953 avec Hillary et Norgay le sherpa à présent cité, l’album de famille d’une petite trisomique « vulnérable et sereine » …
«  La photo, c’est l’instinct de chasse sans l’envie de tuer, on traque, on vise et clac ! Au lieu d’un mort on fait un éternel » Chris Marker.

vendredi 16 octobre 2015

Le Postillon. Automne 2015.

J’ai l’honneur de figurer dans le courrier des lecteurs de la saisonnière feuille aux reflets rouges et noirs paraissant dans la cuvette grenobloise, voir ci-dessus, où je me fais ramasser, à la pelle, avec humour, pour mes propos quelque peu solennels extraits d’un article par ailleurs bienveillant que je leur avais consacré :
Ce numéro-ci, au titre alléchant concerne les gangs à Grenoble, mais comme toute presse à sensation, déçoit, quand on a passé l’accroche, bien que l’interview de Paul Weisbuch, ancien juge d’instruction soit fort instructif :
« Un jour en 1984, j’ai organisé une confrontation, dans mon bureau avec un « beau mec » [surnom donné aux gangsters et membre de la pègre], un maghrébin qui avait provoqué les Maldera. Il avait une main menottée à un gendarme. Quelques bouteilles traînaient sur une table du bureau et tout d’un coup, il a cassé l’une d’elles et m’a passé un tesson de bouteille sous le cou. Puis il s’est pris pour Spaggiari et a sauté par la fenêtre, toujours attaché au gendarme »
Sur le thème de la sécurité, cette évocation du temps passé des Italo Grenoblois constituait un angle intéressant, mais le  traitement concernant les temps présents est vraiment  timide et partiel.
Dans leur domaine privilégié : une fois les obsessions anti technologies mises à distance, leur esprit critique est bienvenu qui brocarde les connections envahissantes jusqu’en pleine nature, alors que même les managers digitaux s’émeuvent de cette omniprésence des écrans.
En écolos mutins, ils sont dans leur rôle en pointant les contradictions du Centre culturel scientifique technique et industriel (CCSTI) de la Casemate lorsque les animateurs préparent une exposition sur le réchauffement climatique à coup de réalité virtuelle. Par ailleurs leur échange avec un certain Confesson du Parti de Gauche est piquant.
L’article concernant Clinatec (centre de recherche autour du cerveau) intéressant quoiqu’anecdotique parfois, est pollué par un dessin ambigüe où le professeur Benabib visant  parait-il le Nobel pourrait se sentir froissé.
Les rédacteurs persistent à s’adosser au Dauphiné Libéré, qu’ils ne cessent de nommer Daubé, ce qui les empêche d’élargir leur lectorat et d’être pris au sérieux par ceux auprès desquels ils pourraient recueillir des renseignements. Pourtant leurs démarches à intentions provocatrices sont souvent novatrices.
Lorsqu’ils établissent le portrait chinois de nos importants politiques locaux, les archéos anars retrouvent des accents de leur modèle Charlie :
Destot en Tour Perret, et Safar en Mac Do Comboire ne permettent pas d’établir que le « Postillon » est un organe de la droite selon l’adage facile qui fait se rencontrer les extrêmes :
« Mathieu Chamussy : la Porte de France.
Ça fait longtemps qu’elle est là, mais il faut se rendre à l’évidence : on ne l’utilise jamais. »
Quand ils traitent des migrants à la rue dans «  La défaite des voisins », il n’y a pas de flou, ils sont du côté des réprouvés et  de ceux qui ont la solidarité au cœur, en donnant la parole à des militants sans frontières.
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Le dessin politique de la semaine vient de Jordanie de Emad Hajjaj copié dans « Courrier international »