dimanche 27 septembre 2015

Les particules élémentaires. Houellebecq. Gosselin.

Il faut bien quatre heures de théâtre pour apprécier ce maelström où nous sommes invités à réfléchir, nous émouvoir, sourire, depuis l’infime spirale génétique aux espaces infinis, de la taille de notre bite aux fœtus en sandwichs (secte satanique), de la multiplication des discothèques corrélée à la consommation d’anxiolytiques.
Shakespeare, Nietzche, Baudelaire :
« Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.
Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici :
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci. »
La poésie est là, tout du long, amère, avec les remords d’une humanité de douceur rêvée qui fait reproche. D’une radio sort : « tout au long de la vie qui pique, On prend des beignes » de Souchon  et « Night in white satin » nous en rappelle de belles.
La transposition sur scène de notre écrivain le plus contemporain  http://blog-de-guy.blogspot.fr/2011/04/la-carte-et-le-territoire-michel.html est vraiment réussie.
Nous rions pendant cette tragédie, avec en particulier une séquence de yoga du genre « Les Bronzés ».
Michel, chercheur en biologie moléculaire se noie, son demi-frère, Bruno, professeur  obsédé par le sexe, deviendra fou. Annabelle après deux avortements ne pourra avoir d’enfant de celui qu’elle aime, à cause d’un cancer, et Christiane finira mal après une vie de recherche désespérée du plaisir.
« Cette pièce est avant tout l’histoire d’un homme, qui vécut la plus grande partie de sa vie en Europe occidentale, durant la seconde moitié du XXe siècle. Généralement seul, il fut cependant, de loin en loin, en relation avec d’autres hommes. Il vécut en des temps malheureux et troublés. […] Les sentiments d’amour, de tendresse et de fraternité humaines avaient dans une large mesure disparu ; dans leurs rapports mutuels ses contemporains faisaient le plus souvent preuve d’indifférence voire de cruauté. »
Le spectacle est musical, physique, les acteurs aux talents multiples, excellents, les procédés vidéo ne font pas procédés et leur diversité s’accorde au foisonnement qui balaie trente ans de nos vies.
 « Ils se sentiraient de plus en plus vieux et ils en auraient honte. Leur époque allait bientôt réussir cette transformation inédite : noyer le sentiment tragique de la mort dans la sensation plus générale et plus flasque du vieillissement. »
Est-ce que la liberté des années soixante a fait de nous des cannibales ?
Nos années soixante dix utopiques, se disait-on à l’entracte, se sont dissoutes dans l’acide des années 80. Années où Kerouac passait sous le Tapie, Mite’rrand tenait la balayette et nous n’avions rien vu.
«Pourtant, nous ne méprisons pas ces hommes
 Nous savons ce que nous devons à leurs rêves
 Nous savons que nous ne serions rien sans l’entrelacement de douleur et de joie qui a constitué leur histoire.»
Ce spectacle  a beau  être « dédié à l’homme », on peut en ressortir glacé, tout en étant  ravi d’avoir assisté à un grand moment de théâtre.
La compagnie s’intitule « Si vous pouviez lécher mon cœur » car le professeur du prometteur metteur en scène «  répétait souvent cette phrase extraite de Shoah, le film de Claude Lanzmann : « Si vous pouviez lécher mon cœur, vous mourriez empoisonné ».

samedi 26 septembre 2015

Un été au bord du lac. Alberto Vigevani.

En dehors de la photo de la page de garde, sépia comme il se doit, ce  récit cotonneux d’une villégiature au bord du lac de Côme m’a mis en rogne, car une fois de plus j’ai été abusé par des promesses de douceurs italiennes. Alors que je venais de m’enthousiasmer pour « Réparer les vivants » de Maylis de Kérangal, ces états d’âmes futiles d’adolescents niais, vacant, rassemblant tous les poncifs m’ont paru encore plus factices.
« Mort à Venise » sans Venise, sans fièvre, sans parfum, sans âme, sans émoi, sans style.
Bateau en maquette et Andrew petit souffreteux dont la mère est sans mari.
Giacomo est-il troublé par la belle maman ? Il gagnera une raquette.
Prenez garde à la raquette en bord de lac si vous n’êtes pas encore majeur ! 
«  - Andrew voulait vous dire au revoir, mais il n’en a pas eu le temps. Il m‘a demandé de vous donner ceci.
Elle lui tendit une Dunlop de compétition ; un jour, Giacomo l’avait prise en main et en avait admiré la légèreté. C’était un cadeau de son père qu’Andrew n’avait jamais pu utiliser. »
Et radin avec ça !

vendredi 25 septembre 2015

« Eparpillé par petits bouts façon puzzle. »

Ecrire comme un pansement quand la vue s’affole devant un monde qui se défait, alors au coin d’un blog je joue pesamment avec le mot : pensement sur jambe de bois.
Pendant que la ronde de tant d’éditorialistes me semble tourner à vide, je remonte sur mon canasson à la mine en papier mâché et mime un Franz-Olivier Giesbert, des terres froides entrelardant de citations (en gras) tirées des « Tontons flingueurs » .
« La bave du crapaud n'empêche pas la caravane de passer ! »
Désormais il est nécessaire de livrer un mode d’emploi avec le moindre dessin provenant par exemple de Riss de Charlie hebdo sous protection policière, mais c’est le rédacteur Laurent Joffrin écrivant maintenant la moitié de son journal du moment, Libération, qui tombe dans la caricature en donnant la leçon au philosophe Michel Onfray. Il récidive, puisqu‘il  ne voyait que des « ras du front » chez ceux qui critiquent Najat Bécassine.
Et dire que j’avais abandonné « Le Monde » quand ils avaient traité ainsi Ségolène qui s’applique chaque semaine à leur donner raison !
« - Qu'est ce qui a été en panne?
- La dépanneuse. »
Les débats concernant l’école s’embrouillent sous les stratégies communicationnelles :  évoquer une « dictée quotidienne »  a fait écran à la mise ne place d’« enseignements pratiques interdisciplinaires » (EPI)  au collège. Cependant l’évaluation pour les lycéens « Chatel » de tels dispositifs concernant aussi les heures d’accompagnement « personnalisé » tardent à paraitre.
La maternelle enfin revient à des objectifs plus adaptés aux petits mais à entendre les mots « exigence » et « ambition » appliqués au reste des textes, lorsque c’est vraiment le contraire qui est mis en route : c’est fusiller le vocabulaire. L’école sera ludique, soumise aux modes, aux pressions parentales et au pouvoir de petits chefs. L’autonomie amène avant tout à la concurrence.
La rhétorique de l’émancipation comme musique de fond dissimule la soumission au marché.
Les consciences professionnelles partent en miettes sous les plans de carrière.
Nous baignons dans le même discours servi depuis des décennies, pourtant le fossé social s’est élargi. Et les prescripteurs sont plutôt les petits machos des couloirs que les éditeurs de programmes.
Le niveau monte ne cessait-on de nous dire avant de crier à la catastrophe.
La démocratisation invoquée serait une arnaque si encore une personne y croyait.
C’est bien la même équipe qui entre deux Macroneries, porte les éléments de langage des boites à com’ !
Se détachant des habituelles révérences des politiques entre deux élections, les mots du ministre de l’économie concernant les fonctionnaires seraient plutôt ceux d’un chroniqueur s’exprimant face à l’éclatement du salariat. Ils ne sont pas la marque d’un courage ou d’une lucidité, ils participent de la confusion des genres et accentuent le discrédit des gouvernants.  Et depuis les tribunes médiatiques combien de leçons  sont assénées … pour mépriser les paroles professorales où  assumer quelque leçon « frontale » serait quasiment « frontiste ».
« Pour qu'il abandonne ses cactus et qu'il revienne à Paris, il faut qu'il en arrive une sévère au vieux Louis. Ou qu'il ait besoin de pognon ou qu'il soit tombé dans une béchamel infernale ! »
Si je joue à peser les mots qui bourdonnent autour de lieux que j’ai bien connus, je m’oblige à la prudence quand s’éloigne le coin de ma rue pour éviter les rabâchages et les vaines affirmations.  Je ne comprends pas la contradiction des souverainistes qui en appellent à l’Europe, qu’ils ne cessent de critiquer, pour régler les problèmes migratoires. Leurs acrobaties autour de la Grèce donnent le tournis.
A hauteur d’échantillon, certes  très restreint, je suis étonné du nombre de jeunes français partis gagner leur vie à l’étranger. Croisent-ils les migrants arrivant sur nos berges ?
Le football est décidément un miroir grossissant : les joueurs français se louent en Angleterre,  quand les africains constituent l’ossature de nombreuses équipes du championnat de France.
Rio Mavuba, capitaine de l’équipe de Lille, est né sur un bateau de réfugiés angolais.
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Le dessin en tête est de Micaël Queiroz et celui là est paru dans "Le Canard Enchaîné":


jeudi 24 septembre 2015

Beauté Congo. Fondation Cartier.

L’art africain contemporain donne des couleurs à l’art contemporain et laisse pour un instant les sombres masques traditionnels dans les cases à fétiches.
Au son des yéyés congolais, qui animent les rues de Kinshasa
« Kin la belle, kin la poubelle »
 nous faisons provision d’énergie et de sourire avec cette exposition à Paris qui dure jusqu’au 15 novembre.
Poétiques, politiques, les découvertes sont nombreuses avec des éléments familiers :
la société des Ambianceurs et des Personnes Elégantes (SAPE), une esthétique des enseignes de rue aux peintures figuratives et flashy, volubile et minutieuse.
D’amples maquettes futuristes, d’anciennes photographies documentaires ou des plus récentes aux points de vue, depuis les flaques, bien vus, varient les supports.
Nous avons reconnu « L’enfant-soldat » de Chéri Samba  qui fut présenté à Grenoble:
«Je suis pour la paix, voilà pourquoi j’aime les armes ».
L’humour n’est pas toujours noir, mais sa force qui vient fouetter nos dépressions occidentales
permet de supporter les plaies d’un pays ravagé par les maladies, une nature hostile, des politiques prédateurs, une histoire plombante.
Comme nous avions dans l’œil, les représentations de l’immuable combat de boxe Ali/Foreman de 74, nos préférences sont allées aux découvertes de travaux plus anciens, moins éclatants : des aquarelles depuis les années 20 qui multiplient les motifs décoratifs, développent des façons de voir originales, un lien entre tradition et modernité.
La lumineuse fondation Cartier qui a déjà célébré des artistes africains se situe à côté de Denfert Rochereau où des foules se pressent pour visiter les catacombes.

mercredi 23 septembre 2015

Piacenza.

Les jeux avec les mots autour de « Piacere a Piacenza » sont réservés aux dépliants touristiques qui négligent  le français, alors que les habitants rencontrés de ce côté des Alpes parlent plus facilement notre langue que nous la leur.
La ville est située dans la plaine du Pô ponctuée de grandes fermes qui évoquent le film de 1976 : « 1900 » de Bertolucci.
La nostalgie peut par ailleurs alourdir sa pelote avec d’autres réminiscences d’un communisme à l’italienne, qui fut plus engageant du temps d'Enrico depuis la Rue des Boutiques obscures à Rome siège du PCI, développant quelques bases solides dans cette région d’Emilie Romagne.
Un moment française, la ville fut  la première (Primogenita) à demander son annexion au royaume d'Italie.
Aujourd’hui peuplée de 100 000 habitants, c’est le souvenir des Farnèse qui  est mis en évidence dans cette ville étape aux airs médiévaux.
Cette famille donna un pape, des cardinaux, des religieuses, tant de militaires, de sénateurs, de gouverneurs, de ducs et seigneurs, et un vice roi d’Espagne.
Une promenade vers la Piazza Cavalli  du XIIIe siècle et ses équestres statues devant le Palazzo Gotico s’impose, ainsi qu’une visite au premier Duomo de la saison abritant de belles fresques.

mardi 22 septembre 2015

La revue dessinée. N° 9. Automne 2015.

La revue de reportages en bandes dessinées tombe toujours à pic, bien que sa parution soit trimestrielle. Certes, ils pouvaient programmer à l’avance quelques pages à propos du rugby au moment de la coupe du monde et les pages consacrées à la grotte Chauvet sont d’actualité depuis 35 000 ans, mais le dossier consacré à l’agriculture vient éclairer une actualité revendicative brulante par des réflexions au long cours :
« Qui peut penser qu’en défendant la viande en laboratoire, on va aider les animaux ? Si on s’intéressait plus à l’élevage, on saurait qu’on ne fait pas de lait sans tuer des veaux, ni d’œufs sans tuer des poules, et que l’alternative à l’industrie animale n’est pas dans le végétarisme. Il y a une idée qui s’enkyste actuellement c’est qu’on peu vivre sans les animaux, faire de la matière animale sans les animaux, vivre en ville sans les animaux. Or vivre avec les animaux au contact de la merde, de la vulnérabilité, de la maladie, c’est ce qui nous permet de rester fragiles, humains. »
Les pages consacrées au monde informatique sont toujours fournies
avec la fin de la série consacrée à l’histoire de « nos vies technologiques qui ont plus changé en 5 ans que lors des 300 précédents »
et un aperçu du « darknet » où s’échangent des bit coins et quelques herbes mais pas que…
Nous, dauphinois, seront intéressés par l’origine du mot « dauphin »
et le citoyen s’étonnera toujours de la puissance des communicants  en politique,
le curieux salivera à une évocation amusante de la vie de Pavlov
et le sentimental partagera l’enthousiasme d’Alfred qui se rappelle du film « Tandem ».
Quand hier était annoncé : « La SNCF a été condamnée lundi pour discrimination envers plusieurs centaines de Chibanis », un reportage complet nous avait renseigné sur la lutte de plusieurs années pour faire reconnaître le droit des cheminots marocains qui n’avaient pas le même statut ni la même retraite que d’autres avec qui ils trimballaient des traverses de 50 à 80 kilos sur les voies.
Pile poil.

lundi 21 septembre 2015

Le tout nouveau testament. Jaco Van Dormael.

Un Dieu vindicatif, malveillant, en robe de chambre pourrait appeler tant d’effets éculés comme ses babouches : pas du tout ! 
C’est Poelvoorde qui l’incarne.
Le film est un bouquet d’effets miraculeux pas vraiment classiques, de jeux d’acteurs qui ravissent le public. Et pas seulement Yolande Moreau en femme du créateur et Catherine Deneuve en nouvelle apôtre vouée aux grands singes. Une fois de plus, les femmes sauvent l’humanité par le truchement de la fille méconnue de Dieu : la terre va enfin tourner plus rond. La poésie, la fantaisie, la dinguerie, le plaisir, l’humour passent donc aussi par les portables et l’ordinateur suprême. Film d’époque.
Un potache qui fait reverdir