Sous l’image envoyée par un ancien pédagogue qui s’est
bricolé son observation de l’éclipse de soleil de vendredi dernier, je livre
mon humeur de l’heure : sombre.
Des inspecteurs d’académie, et autres sous fifres, avaient
interdit aux maitresses des écoles d'observer l’éclipse ; des enfants ont
été confinés le temps que la lune passe devant le soleil. Des syndicats ont dû
intervenir auprès de la ministre pour qu'elle permette l'observation aux
classes qui le souhaitaient.
« Quand le sage
montre la lune, le sot regarde le doigt »
Lorsque j’ai reçu un courrier d’un autre de mes collègues encore
en activité, concernant les
consternantes palinodies autour de cette éclipse, je pensais que ce serait un témoignage
parmi tant d’autres, d’un phénomène qui a révélé, à mes yeux, l’ambiance d’une
époque s’enfonçant dans le noir.
« Non mais on est
dans quel monde là? C'est pas au programme? Les collègues ne sont pas
professionnels et au courant des précautions à prendre? »
Mon pote, parti en classe de découverte ( !) a du convaincre des
parents qu’il n’allait pas « laisser
leurs enfants se brûler les yeux. Sinon les familles les gardaient (dans le
noir ?) »
Je n’ai guère trouvé de commentaires sur cette affaire, alors
que les réseaux dit sociaux se sont déchainés autour de Goldman. Pourtant je
trouve que cet épisode révèle les ravages du principe de précaution, la perte
de confiance en l’école, les préjugés parentaux, la pusillanimité de
l’éducation nationale, l’effacement des maîtres, le conformisme de certains
médias, leur médiocrité. Alors qu’avec ce phénomène céleste à la portée de tous,
il est question rien moins que de notre place dans l’univers, d’éducation, y
compris aux dangers, mais pas que.
En d’autres lieux,
l’autorisation écrite des parents était requise, accompagnée d’une circulaire
où figurent encore les soulignages mettant en évidence les mots « graves
et irréversibles » et un texte où nul ne pourra ignorer que « les lunettes sont conformes aux dispositions
prévues par la directive européenne 89/686/CEE relative aux équipements de
protection individuels et porter le marquage CE de conformité. La partie
filtrante est constituée soit de films en polyester recouverts d’une fine
couche d’aluminium, soit de films en polymère noir teinté dans la masse… »
La première proposition du moteur de recherche avec le mot
« éclipse » concerne… les animaux :
« Les animaux n'ont pas l'habitude de lever le nez
vers le ciel pour regarder le Soleil. Et ils n'ont pas non plus la même
fascination que nous pour les phénomènes astronomiques. De fait, "aucune étude clinique n’a révélé une
telle altération de la vision suite à une éclipse, note le vétérinaire. Soit parce qu'elle passe inaperçue dans le
comportement de l’animal, soit, plus probablement, parce que les chiens et les
chats ne sont pas 'intéressés' par l’observation du Soleil et des éclipses. En
effet, en temps normal, regarder directement le Soleil, dont l’intensité
lumineuse est très forte, est responsable de photophobie. Leurs yeux 'piquent'
et nos carnivores domestiques n’ont ainsi pas tendance à le faire.
Heureusement pour eux !"
Tous toutous !
L’éducation nationale, à la dernière minute, a encouragé
l’observation, aggravant son cas déjà lourd et le mot « projet » usé
jusqu’à la corde peut être mis au milieu du feu où se trouve déjà la maîtresse,
comme si cette éclipse était fortuite !
Tous les hymnes à la science pourront bien être entonnés, le
souvenir de ce moment portera pour certains sur la qualité des lunettes, voire
la couleur des rideaux occultants.
« Un Astrologue un jour se laissa choir
Au fond d'un puits. On lui dit : Pauvre bête,
Tandis qu'à peine à tes pieds tu peux voir,
Penses-tu lire au-dessus de ta tête? » La
Fontaine
Nous sommes dans le trou.
…..
Pour ceux qui ont suivi quelques questionnements antérieurs
où j’ai frisé l’abstention : finalement je suis allé voter. Les
socialistes étaient les plus concrets.
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Sur le site « Slate » cette semaine :