Pour sa 90° réunion depuis sa création en 2006, l'Université
populaire européenne de Grenoble avait invité à une conférence débat, l’ancien chef de cabinet de
Jacques Delors qui vient d’écrire «Quand la France s’éveillera ».
Europe, fille de Poséidon distinguée par Zeus : après
les guerres, l’idée est devenue réalité. Son nom prononcé par les poètes, les
philosophes, les géographes s’est incarnée en une entreprise d’édification
politique pour gérer les affaires communes.
Aujourd’hui, la paix, qu’elle a garantie est devenue
tellement une évidence, que cet argument, convaincant pour ceux qui avaient
vécu des temps furieux, ne fonctionne pas plus que la perspective d’une amélioration
du niveau de vie : « ensemble » ne semble pas plus porteur
aujourd’hui que « chacun dans son coin ». La solution européenne
devient le problème, la prime à la coopération qui avait vu le jour avec la
mise en commun des ressources en charbon et acier ne semble plus aller de soi.
L’Europe est le continent le plus intolérant aux inégalités,
aux atteintes à l’environnement, elle équilibre compétivité et solidarité :
« une économie sociale de marché ».
En 2050 nous serons 5% de la population et représenterons
10% de l’économie mondiale alors qu’aujourd’hui c’est 20%.
Au niveau mondial, la réduction massive de la pauvreté est
un fait allant de pair avec une augmentation des inégalités au sein des pays
émergents et une pression sur les ressources : énergie, eau, climat. Le
dumping social n’est pas l’argument obligé : les pays les moins
inégalitaires sont aussi les plus performants. Quant au dumping fiscal, une
question progresse : les paradis peuvent-ils se sentir menacés ?
Les technologies de l’information et l’usage massif des
conteneurs quand 90% du commerce passe par la
mer ont abaissé les coûts de la distance, le marché s’est élargi mais la
crise financière de 2008 a
été contagieuse.
Les faiblesses de notre continent tiennent à une démographie
vieillissante et son cortège de réticences à accueillir les étrangers, à une
transition énergétique difficile et un déclin de la place de l’innovation dans
l’exploitation des technologies.
Alors que nous sommes forts de 500 millions de citoyens, de
consommateurs, avec un niveau de richesse important, nos usages d’une
gouvernance supra nationale quoiqu’inachevée devraient être un atout pour
inspirer une coopération mondiale plus efficiente.
Sur un territoire où les systèmes de redistribution sont
plus développés qu’ailleurs, le sentiment
d’appartenance s’érode pourtant, les taux de participation aux élections
européennes sont en baisse. Et les beaux agencements institutionnels octroyés
et non conquis dans la lutte, paraissent « frigides », illisibles ;
c’est qu’en plus, la redistribution se grippe quand la croissance passe en
dessous de 2%.
Le resserrement des liens entre la France et l’Allemagne peut-il
relancer une dynamique où les compétences de l’une à gérer une économie
pourraient s’échanger avec une vision géo
stratégique qui va au-delà d’un niveau d’exportations ?
« Un pessimiste
voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l’opportunité
dans chaque difficulté » W. Churchill.
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Dans le "Canard" de cette semaine: