mercredi 28 novembre 2012

Bordeaux # 1. Patrimoine.



Venant de Grenoble,  ville «  compagnon de la Libération », j’avais quelque curiosité pour la « belle endormie »de Chaban mais aussi quelque à priori défavorable envers l’agglo de Juppé « droit dans ses bottes », qui ne dit s’intéresser qu’à  sa ville mais accepte volontiers des missions où désormais il apparaît comme un sage.
Sa cité est belle et il n’y est pas pour rien. Celui qui modernisa le plus la métropole girondine n’était pas le plus bondissant.
Pour aborder la capitale de l’ancienne Guyenne, désormais Aquitaine (pays des eaux) nous sommes montés sur la tour gothique Pey Berland.
Haute de 50m, construite au XV° à côté de la cathédrale Saint André par crainte des vibrations d’un bourdon de plus de huit tonnes, elle offre un beau point de vue sur les toits à proximité et sur la tour de la grosse cloche en bordure du territoire médiéval. 
Sur cette porte de la bourgade, seul monument civil datant du moyen âge, d’où était donné le signal des vendanges, un léopard  d’origine anglaise figure en bonne place et témoigne des liens très anciens avec nos meilleurs ennemis rugbystiques.
Difficile d’échapper à la rue Sainte Catherine qui traverse la vieille ville, la plus longue voie commerciale piétonne d’Europe.
Nous ne sommes pas les seuls touristes en route vers la monumentale fontaine érigée place des Quinconces, dédiée aux Girondins victimes de la terreur.
Les chevaux  de bronze enlevés pendant l’occupation réapparaissent à la veille des élections municipales de 1983 : le Routard titre : « Chevaux de retour ».
 A proximité, Le grand théâtre aux airs antiques est construit aux abords du château Trompette dont les canons étaient tournés vers la ville, il a été vite rasé.
 Au centre du triangle d’or qui rassemble les boutiques  de luxe, la place des grands hommes est occupée par une halle moderne.
Ouverte sur la Garonne, La place de la Bourse appelée  auparavant place Royale, place de la Liberté, place impériale, comporte en son centre la statue de trois grâces (l’impératrice Eugénie, la reine Victoria et Isabelle II d’Espagne).C’est un remarquable exemple architectural du XVIII° siècle, genre place Vendôme,  qui se reflète sur un immense miroir d’eau, aménagement original bienvenu en temps de canicule.
Cette œuvre inspirée par la beauté de la Place Saint Marc à Venise quand elle est recouverte d’une eau  où se mirent les monuments, est une réussite mais les incivilités ne l’épargnent pas et le journal Sud Ouest parle de tonnes de verres cassés à ramasser à ses abords.
Pour expliquer l’origine de l’ancien nom de la ville, les interprétations divergent. Les bituriges, dont le nom signifiait « maîtres du monde », fondèrent  Burdigala. Cette appellation viendrait de burd signifiant marais en basque et gala, abri. J’ai aperçu une banderole de supporters de l’équipe de Bègles-Bordeaux qui portait ce nom.
Du II° siècle, reste un pan de l’amphithéâtre dit maintenant palais Gallien, il pouvait contenir 15 000 personnes.
La basilique Saint Seurin datant du XI° recèle des stalles intéressantes : un homme trimbale son ventre dans une brouette,  un chien est déguisé en moine, des langues sont cuites sur une grille. Ces personnages sont sculptés sous une console qui apparaît lorsque le siège est replié et qui permet un appui : c’est une miséricorde ou patience.

mardi 27 novembre 2012

Le château des ruisseaux. Poincelet. Bernière.



Plongée dans les groupes de paroles de toxicos qui essayent de décrocher.
La bande dessinée sans cases restitue la fragilité des personnes qui exposent leur expériences douloureuses, avec malgré tout de l’humour, parfois.
La forme tout en délicatesse convient bien à cette autofiction sensible nous plaçant à côté de ces hommes et femmes qui ont cherché une vie plus intense et ont côtoyé le vide suicidaire au bout des vertiges.
A l’issue d’un processus de cure exigeant, juste, humain, ils ne seront que 15% à ne pas retomber.
« Monsieur et madame P’tite goutte ont trois filles. Comment elles s’appellent ?
 Anne, Justine et Corine.
 Anne p’tite goutte, Justine p’tite goutte, Corinne p’tite goutte… »

lundi 26 novembre 2012

Thérèse Desqueyroux. Claude Miller.



Oui, il y a des belles images des Landes, des intérieurs d’entre deux guerres, mais c’est décoratif, je n’ai pas ressenti l’importance de la terre dans ce milieu, ni la complexité de cette femme qui se veut au-delà de  la simplicité. Pas d’étouffement, trop lumineux. Alors que Bovary, c'est nous, les enjeux dans ce film sont lointains. Miller chez Desqueyroux, j'ose: ça change du tout au Tautou.
D’accord Thérèse fume et la forêt est inflammable mais pas de coup de chaud pour moi.
Les critiques parlent d’ambigüité, mais le récit  m’a semblé tellement linéaire, je n’ai pas ressenti de dilemmes, la  relation est plus intéressante entre Thérèse et sa belle sœur qu’avec le mari chasseur, cassant, finalement bon.
Je suis tout de même reconnaissant au réalisateur de distribuer aussi quelques traits antipathiques du côté d’Audrey Tautou, mère impassible, amie peu fiable, elle lit Gide mais le lit est vide.

dimanche 25 novembre 2012

H 3. Bruno Beltrao.



Une rumeur lointaine de la rue accompagne le début du spectacle qui tient  alors davantage de la danse contemporaine que du hip hop.
La virtuosité de cette danse de la rue revue par la capoeira prend de l’ampleur quand les duos passent aux trios puis au grand groupe.
La tension, dans les nerfs de cette danse qui a traversé les océans et commence à prendre de l’âge, parcourt la représentation.
Des reflets sur le parquet  brillant et des effets avec l’obscurité apportent de  jolies nuances à des mouvements qui utilisent, plus que de coutume, le sol.   
La musique que l’on attend apparaitra par bouffées, ainsi que les acrobaties furtives, les brefs  moments d’harmonies.
L’énergie, la vivacité montent en intensité tout au long de l’heure  qui passe vite, le spectacle est intéressant et certaines figures sont originales comme des courses à reculons vigoureuses;  par contre la cambrure des corps à l’arrière m’a plus torturé que séduit.
Depuis ma bonbonnière j’étais plus en recherche de concorde que de violence même si celle-ci a des séductions fulgurantes.

samedi 24 novembre 2012

Crépuscule. Michael Cunningham.



«La parole humaine est comme un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles » 
L’auteur américain joue des variations autour de cette phrase de Flaubert que j’aime ressortir.
J’ai d’autant plus apprécié ce livre que je me suis ennuyé au début dans la frivolité d’un milieu arty newyorkais aux conversations superficielles.
Et je me suis laissé embarquer ensuite pendant 300 pages par les indécisions du personnage que j’ai cru principal,  avec sa décapante lucidité, ses emballements, ses lâchetés, sa recherche sans illusion de la beauté.
Reprendre la quatrième de couverture comme le répercutent tant de sites Internet pourrait laisser croire à une simple accumulation de clichés (la quarantaine fringante).
L’arrivée d’Ethan, surnommé Mizzy, diminutif de « mistake » (erreur),  au milieu d’un couple bobo pourrait ouvrir un dilemme homo conventionnel ; ce jeune gars va  permettre de poser quelques questions essentielles, sans réponse téléphonée.
L’hypocrisie semble bannie entre tous ces gens tellement bien et pourtant, ils se cachent, ont des insomnies, vivent « la mort aux trousses », réfléchissent à la meilleure musique pour leurs funérailles alors que le vin est délicieux, les œuvres si intelligentes, les hommes si beaux.
« Le monde ne s’intéresse pas aux petites silhouettes qui vont et viennent, fantômes qui tremblent et se prosternent, ratissent les sentiers gravillonnés et construisent parfois un jardin de pierres, l’éphèbe de bronze, l’urne martelée destinée à recevoir la neige. »

vendredi 23 novembre 2012

Dépassements.



Pour quelques jours à sourire : « l’UMP a deux papas » (Rue 89, lundi), que de moments de troubles !
Le spectacle de l’amateurisme de l’UMP nous réjouit, mais le ridicule affecte l’ensemble des politiques déjà bien mâchurés et la radicalisation des militants de la droite a de quoi inquiéter.
Sur le plan local, le tram se traine, retardé par des recours de particuliers. En m’étonnant de tant d’égoïsme qui s’exacerbe vraiment ces derniers temps, j’ai l’impression d’être le benêt de service. Et de savoir que des militants de gauche jouent parfois sur ces réflexes là, m’accable.
Comme l’impression d’être dans un train qui démarre alors que c’est l’autre rame qui est en mouvement.
Conférence de presse : Les acteurs ont peur des mots. « Rigueur » se dit peu, quant à « virage » !
Notre Dame des Landes : le questionnement sur le type de développement est sous traité à de folkloriques intermittents.
Médecins : Olivennes, le gynéco, frère de Denis de chez Lagardère, occupa les écrans pour pleurer sur sa condition, alors que les porteurs de micro avaient oublié le déficit de la sécurité sociale de la semaine dernière.
Quand on bute sur des sébiles à tous les coins de rue, ce n’est vraiment pas le moment d’en appeler à la solidarité nationale pour  « permettre d’assurer leur train de vie » à des vautours se parant de plumes de pigeons.
Et de faire valoir leur 15 ans d’études, mais ceux qui traduisent à tous coups tout en coût savent bien que cette chance qui est offerte à leur bénéfice personnel, ils la doivent à la collectivité.
D’indécents dépasseurs d’honoraires se cachent derrière les souffrances bien réelles de travailleurs de la santé qui eux ne comptent pas leur peine au cœur des souffrances ultimes.
Nous connaissons ces habiletés corporatistes lorsqu’une fonctionnaire du rectorat cache ses paresses derrière les désespoirs de profs de collège, mais alors que  l’école comme la santé bénéficient du respect de chacun, la mauvaise foi de quelques pontes a empoigné aux cheveux mes capacités d'indignation.
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 Dans le Canard cette semaine:

jeudi 22 novembre 2012

Dali.



Salvador Dali, né en 1901, est mort en 1903.
Le très célèbre peintre surréaliste, Salvador Dali, fils de Salvador Dali, naquit en 1904.
Il porta toute sa vie le fantôme de son frère mort.
Du temps de sa jeunesse madrilène, il fut l’ami de Buñuel et de Garcia Lorca.
A Paris, il connut Miro et Picasso. Il fut  alors anarchiste et déjà excentrique.
En 1924, il invita à Cadaquès, Magritte, Eluard et sa femme Gala qu’il mariera à son tour.
Elle sera sa muse, sa mère de substitution et son agent.
Christian Loubet dont le titre  de la conférence était « Dali, délires : la peinture contre la paranoïa ? » a mis en évidence cette influence devant Les amis du musée de Grenoble.
L’ambiance méditerranéenne de paysages parfois calcinés, aux tons acides, des nombreux (1640) tableaux du Catalan, installe dans la lumière, les jeux les plus lugubres, les plus choquants, les plus vrais, les plus mensongers : « mentir vrai ».
« Le pervers polymorphe » peint avec une précision fascinante les obsessions les plus secrètes.
Les titres des tableaux sont tout un poème :
L'âne pourri- L'énigme du désir - Ma mère, ma mère, ma mère - Le grand masturbateur - Pain anthropomorphe - Buste de femme rétrospectif - L'Angélus architectonique de Millet - Construction molle avec haricots bouillis, également appelé (toujours le double  je jeu) : Prémonitions de la guerre civile…
Dans de nombreux autoportraits, le moi explose et se rétablit. Son Narcisse va sombrer dans son reflet mais ressuscite dans le travail d’une main.
Il n’y a pas que ses fameuses montres qui soient molles, les corps se déchiquètent, sont visqueux au bord de la liquéfaction ; ces images foisonnantes  sont à mettre en face de sa volonté de puissance, avec la représentation de sexes dressés symboliques ou réalistes.
Sa peinture littéraire enchaine les mots, renvoie au-delà du rêve, se projette dans une relation impossible ou l’intention est vouée à l’échec.
Il aime troubler les sens avec ses images doubles voire triples. Une image peut en cacher d’autres : Voltaire et les religieuses  dans un tableau intitulé Le marché aux esclaves.
Vedette du mouvement surréaliste, il se fâcha avec André Breton qui  a trouvé le  bon mot « Avida Dollars », anagramme de Salvador Dali. Il avait peint un Lénine mou de la fesse dans L'Énigme de Guillaume Tell.
Il se fit sculpteur,  réalisa des bijoux, s’intéressa à la photographie, travailla pour la mode, participa à des projets de théâtre, d’architecture et pas seulement dans le musée où il sera enterré en 1989.
L’œuvre est  colossale.
En Amérique, il travailla avec Disney et Hitchcock, il fut reçu par le pape, rencontra Freud et loua Franco. Il est devenu monarchiste et toujours parano, mégalo, rigolo. 
Vénérant ses maîtres Raphaël, Vélasquez jusqu’à la moustache, il s’intéressa à la physique atomique, rendit  célèbre la gare de Perpignan, se réclama de Meissonnier, fustigeant « les cocus de l’art abstrait ».
Son influence fut  déterminante : Pollock commençant là où il était arrivé ; le provocateur génial avait montré la voie : Warhol  aimant la mise en scène comme lui, ira aussi vers le commerce.
"A trois ans je voulais être cuisinière.
 A cinq ans Napoléon. 
Depuis, mon ambition n'a cessé de croître comme ma folie des grandeurs."
Salvador Dalí