mercredi 8 juin 2011

Touristes en chine 2007. # J 19. Chevaux du vent.

Un peu de ciel bleu pour nous promener dans la vieille ville de Zhongdian, récemment rebaptisé « Shangri-la » par le gouvernement chinois, d’après l’emplacement imaginaire du paradis décrit dans « Horizon Perdu » de l’écrivain britannique James Hilton.
Le grand moulin à prières. Juste avant, une galerie de peintures dans une maison traditionnelle : tableaux figuratifs sur des scènes de la vie tibétaine qui ne manquent pas de punch. Nous nous accrochons à la rampe d’un gigantesque moulin à prière pour l’entraîner, à côté d’un petit temple au toit doré.
Nous passons parmi des tombes disséminées anarchiquement. Au sommet, un temple est en reconstruction, entouré d’arbres et de fils de « chevaux du vent » qui sont des drapeaux portant des prières issus du chamanisme et intégrés au boudhisme.
Vue à 360° : d’un côté l’aéroport, de l’autre le temple du moulin à prières au toit doré qui accroche quelques rayons de soleil et puis une immense construction avec des toits abritant des gradins, est-ce un stade ?
Nous redescendons par une autre route au milieu de kerns.
Hôtel et embarquement pour Kunming. Dans la salle d’attente Yuizhou nous fait un exposé sur le Tibet, « libéré » par les Chinois. L’avion arrive de Lhassa avec 20 mn de retard. Une heure de vol, on nous distribue une boisson et des cachets de ginsengKunming.
La ville « du printemps éternel » capitale du Yunnan compte 5 millions d’habitants. Au-dessus de l’agglomération, sur la colline des monts de l’ouest, un ensemble de pavillons et de temples surplombent le lac Dian Chi dont les couleurs passent du gris à toutes les teintes du jade à cause de la pollution. Un petit train nous évite l’accès par une route bordée de marchands de souvenirs. Par des escaliers nous accédons à des sculptures naïves.Route pour Shilin.
Subitement vers 6h, le véhicule s’immobilise et se range devant un restau, indiqué par un homme en uniforme que nous avions pris d’abord pour un policier. Même si nous mangeons très bien nous sommes surpris de cette façon « cavalière » de nous guider. Canard, girolles, soupe au chou, pommes de terre en lamelle genre crique dans un cabinet particulier. Route et autoroute, les paysages vallonnés et cultivés cèdent brutalement la place aux roches annonciatrices de la forêt de pierres. Changement de programme, nous n’allons pas à l’hôtel indiqué mais dans un autre sur le site même : le Yunnan Lu You, arrivons de nuit, la lumière est parcimonieuse, pas d’ascenseur, la chambre à trois lits est immense mais défectueuse : W.C. cassé, lampe et fils grillés, baignoire à écoulement difficile, pince-oreille dans le lit et moustiques : va pour une nuit ! Bien qu’une charmante dame soit passée dans les deux chambres pour proposer des massages : « sorry, sorry »

mardi 7 juin 2011

Quatuor. Catel.

La dessinatrice au trait classique donne une cohérence à un recueil de quatre histoires de couples.
Dominante rouge pour un meneur de valse qui a accédé à la légèreté, d’après une nouvelle de Jacques Gamblin.
Bleu, un autre univers intense de vies qui abusent de l’accélérateur en voiture.
Vert, pour le récit d’une quête amoureuse où les fantasmes peuvent mouvoir.
Jaune chez Pascal Quignard qui livre un conte traditionnel quand la mémoire joue des tours au moment où on a rendez vous avec le diable … mais comment s’appelait-il ?
« - Björn !
- Colbrune ?
- Björn… Je dois te dire quelque chose…
- Oui ?
- Je t’aime et j’aurais du bonheur à être ton épouse. […]
- Ta demande m’honore. Je t’ai toujours regardée avec plaisir lorsque tu brodes à ta fenêtre.
Laisse moi le crépuscule, la nuit et l‘aube afin que j’y réfléchisse. »

lundi 6 juin 2011

Le gamin au vélo. Jean-Pierre et Luc Dardenne.

Samantha, la coiffeuse va s’en voir pour apprivoiser Cyril dont le père ne veut plus le voir. Les belges sont bien les rois du cyclisme d’avant « le pot belge ». Et les frères Dardenne vainqueurs par deux fois de l’étape de Cannes méritent le prix des pentes abruptes, des échappées en solitaire, des « coups de fringale » et des pères perdus.
Pour l’émotion au cinéma, ils apportent une dimension au dessus de la 3D:
pas un mot de trop, tout est suggéré, retenu, tendu, violent.
Bien des critiques ont pointé cette année leur vision optimiste; quant à moi, après une dernière image qui nous laisse tout inventer, j’ai pensé que ce n’était gagné ni pour le gamin ni pour la belle Cécile de France. Le jeune acteur combine douceur et violence comme la star. Une voix si douce pour une vie où même un coup de téléphone n’est pas envisageable : « c’est pas grave » dit-il. A force de se cogner aux portes closes, le gosse ne veut plus croire qu’elles puissent s’entrouvrir : il court, pédale, grimpe aux arbres, tombe sur un ex pensionnaire comme lui des maisons qui recueillent ceux qui ont eu des pères insuffisants et découragent tous ceux qui ne croient pas aux films formidables des frères Dardenne.

dimanche 5 juin 2011

Pierre Lapointe.

Chanteur très connu et apprécié au Québec, je ne savais rien de lui avant cette soirée à l’Hexagone garni d’un public répondant au quart de tour aux propositions de l’artiste. Plaisir de la découverte. Il dit lui-même, avec un humour direct, qu’il est sur le créneau « chanteur dépressif », mais il m’a paru trop plein de santé pour que l’émotion me saisisse. Sa musique est agréable, sa voix aussi, ses textes poétiques, mais j’ai mesuré mon âge en gardant mes distances sur ses tristesses qui me conviendraient mieux exprimées avec plus de rides et de rauques accents. Un piano, un pinceau de lumière, du bon travail. Un hommage sympathique à Richard Desjardins que je me suis empressé de retrouver, l’auteur transperçant de « Tu m’aimes tu », dont il interprète une de ses chansons créée pour Elisapie Isaac : « Moi Elsie », et nous quitte sur
« On dort les un contre les autres
on vit les un avec les autres
on se caresse
on se cajole
on se comprend
on se console
mais au bout du compte on se rend compte qu'on n'est toujours tout seul au monde »

Sa « boutique fantastique » est bien achalandée, et rapidement il sait impliquer le public :
« Celui qui était fort hier
Ne sera que poussière demain
Malgré la grandeur des refrains
Et malgré l'arme qu'il a à la main
Tout ce qui monte redescend
Celui qui tombe se relèvera
Si aujourd'hui je pleure dans tes bras
Demain je repartirai au combat
Ce n'est sûrement pas de briller
Qui nous empêchera de tomber
Ce n'est sûrement pas de tomber
Qui nous empêchera de rêver »

Et son « bar des suicidés » emporte tous les applaudissements :
« Allez, on va danser
au bar des suicidés
comme autrefois, on gardera les yeux fermés
allez, on va danser
au bar des suicidés
laisse tes pas, un à un devant toi s'aligner
tu aimes encore et aimes toujours
ce bel amour à l'imparfait
ce bel amour aux yeux trop clairs
ce bel amour aux yeux trop vrais »

samedi 4 juin 2011

Causette.

Le titre de la revue bimestrielle est une promesse d’humour de bon aloi qui ne va pas chercher midi à quatorze heures. Ce magazine féminin est à « Elle » ce que « So foot » est à « France football » : décalé, vif, avec un ton, et parfois des angles originaux.
J’ai vraiment aimé la vivacité de touche de l’article qui relate le licenciement d’employées de Tati pour avoir fait profiter de leurs bons d’achat à des amies, à la hauteur du scandale « Le bon (d’achat) la brute et le puant ». Je voulais prêter ce numéro à une de mes copines pour un sujet où il est question du « Blues des mamans d’Ambert » après la fermeture de la maternité mais les sept pages suivantes « Prendre un pénis par la main » m’ont fait hésiter. C’est que les délices de la plaisanterie, de la dérision, peuvent se prendre pour de la désinvolture ou virer à la lourdeur. Alors je vanterai plus volontiers un portrait sympathique d’Audrey Pulvar, ou la rencontre de Jeanne Moreau et Marianne Faithfull ou avec Christiane Kubrick : toujours les peoples. Si, il y a les femmes en Egypte et en Tunisie et puis Carla Bruni nominée aux quiches d’or ça ne pouvait que flatter mon antisarkosisme primaire. De bonnes photographies de l’agence « tendance floue » et pas de publicité. Pour les Saint Egrévois : celle qui fut la candidate écologiste aux cantonales Mathilde Dubesset est citée à deux reprises dans un article concernant le mouvement féministe : « Episode # 1 : Les féministes n’aiment pas les hommes. Et si le mythe était fondé ? »

vendredi 3 juin 2011

Allah n’y est pour rien. Emmanuel Todd.

Un format bref de 89 pages, pour un éclairage original sur « les révolutions arabes et quelques autres » par l’historien démographe iconoclaste qui apporte souvent avec vigueur des éléments puisés dans le temps long.
Il s’agit de la transcription augmentée d’une émission d’ « Arrêt sur images » qui lui donne un côté très pédagogique.
Depuis la vieille Europe (âge médian 40 ans en France et 44 en Allemagne) que comprenons nous de l’Egypte (24 ans d’âge médian) ?
L’auteur du « Rendez-vous des civilisations » réfutant le livre De Samuel Huntington « Le choc des civilisations » montre que l’évolution des structures familiales et du niveau éducatif sont plus déterminants que l’économie et les préceptes religieux pour avancer vers la modernité.
Au passage, il nous amène à réviser notre révolution française avec des familles égalitaires dans la transmission de leur patrimoine portant des valeurs préexistantes aux Lumières.
Les taux d’alphabétisation qui progressent et à la taille des familles qui diminue se nuancent avec la spécificité des mariages endogames dans certaines zones.
Le mariage entre cousins était une règle, celle-ci évolue d’ailleurs rapidement.
Nous passons avec les questions de l’exigeant Schneidermann de l’Algérie à La Chine en retournant vers l’Europe, le ton est vif et ces lignes stimulantes.
Todd fait parler les statistiques : « la manière dont les êtres humains s’aiment, s’unissent, et se perpétuent, leur éducation, leur durée de vie » c’est de l’Histoire millénaire qui dépasse le lancinant débat sur l’Islam comme l’annonce la quatrième de couverture.
………
« Le Canard » de cette semaine m’a paru un peu fade, Sempé, jamais:

jeudi 2 juin 2011

Dans l’intimité des frères Caillebotte. Jacquemart-André.

Alors que Jean Dufy est exposé avec son frère Raoul à Marmottan, le beau musée du Boulevard Haussmann accueille Martial Caillebotte le photographe avec les toiles de son ainé Gustave. Manière de présenter une fois encore le peintre, sponsor des impressionnistes qui mérite sa notoriété par ses cadrages inédits, ses perspectives audacieuses, ses plongées qui appartiennent justement au vocabulaire de l’art au bromure d’argent.
Prévoir une bonne heure d’attente pour accéder aux salles où sont regroupées d’abord des scènes d’un Paris qui se transformait. Les paysages de la modernité traversés par des trains, où les structures métalliques organisent efficacement la toile, ont une force intacte.
Le musée est situé dans les quartiers peints et photographiés depuis les balcons qui servirent de points de vue aux deux frères. Mais est-ce de se retrouver non loin du ministère de l’intérieur et de la demeure de Sa Sérénissime Toute-Puissance (Patrick Rambaud) que mon plaisir a été quelque peu émoussé ?
Jusqu’alors les impressionnistes éveillaient chez moi des images de bonheur lumineux, cette fois j’ai vu aussi les privilèges d’une classe sociale où on s’adonne à des loisirs créatifs.
Malgré la générosité de Gustave qui a beaucoup aidé d’autres artistes, les vues de jardins sont celles de leur belle propriété familiale, les intérieurs sont toujours de « la haute », les femmes sont à la couture ou se font servir, et au bord de l’eau, le chevalet, la chambre noire, sont posés à proximité du chantier naval qui leur appartient. Là, une embarcation à voiles de soie pour le yachting se mettait au point.