mercredi 13 octobre 2010

J6. New York : histoire.

Le ciel arbore à nouveau ses couleurs des beaux jours, mais la température prouve qu’on n’est pas encore en été. Notre logeuse met à notre disposition son téléphone pour que nous communiquions avec nos familles et french friends.
Nous sommes contraints de quitter notre Métro bondé pour un problème de portes qui ne ferment pas normalement. Une charmante dame s’inquiète de notre sort et nous oriente pour poursuivre notre chemin, nous ne nous en sortons pas mal après avoir demandé à des employés municipaux rassemblés, vêtus de vert, jaune, orange fluo (sont-ils en grève ?)
Nous nous faufilons avec bonheur dans la queue des propriétaires du sésame Pass City, plus rapide que l’autre file sans billet. Il faut passer un contrôle de sécurité avec portique et vérification des sacs par des machines vidéos, enlever veste, montre, ceinture, vider ses poches, c’est à peine s’il ne faut pas découdre les fermetures éclair tant les engins sont sensibles. Les postes sont nombreux, les policiers diligents et organisés et la foule des touristes s’entasse dans les ferries assez rapidement. Nous nous installons sur le pont supérieur dont les bancs sont inutiles, nous sommes mieux debout pour découvrir la vue du quai et des gratte-ciel que nous laissons dans notre dos, et pour photographier Miss Liberty qui nous regarde approcher.
Le ferry se vide presque entièrement. Nous louons des audio-guides en français pour 7 $ et commençons par contourner la statue de Bartholdi, véritable mastodonte sur son piédestal. Nous devons confier obligatoirement nos sacs à dos à la consigne et devons subir un deuxième contrôle de sécurité qui fait râler ma femme d’ordinaire patiente. Pour la première fois nous testons le portique scanner qui nous propulse de l’air par le bas et nous fait dresser les cheveux sur la tête. Nous enchaînons avec le portique traditionnel avant de pouvoir nous rhabiller. Enfin nous sommes autorisés à pénétrer dans le musée, très bien fait où nous découvrons que Violet Leduc puis Eiffel ont contribué à fabriquer la structure métallique intérieure de la statue, avec une armature suffisamment souple, comme pour les ponts, nécessaire pour affronter la puissance des vents. La statue fait face à la France en signe de reproche envers le manque de libertés sous le règne du « dictateur Napoléon III ».
Nous faisons le tour du monument, et au moment de récupérer les sacs à la consigne, nous sommes refoulés d’urgence vers l’entrée du site, au-delà de l’esplanade au drapeau américain dont l’espace vidé est seulement occupé par une policière et un soldat lourdement armé. On attend la levée de l’alerte pour savoir qu’il s’agissait d’un sac trouvé abandonné : les américains sont chatouilleux sur les questions de sécurité, nous avait- on dit.Le ferry nous transporte à deux brasses de là, à Ellis Island, l’île qui vit passer la multitude des immigrants pauvres (12 millions) du vieux continent entre1892 et 1954. Toujours avec l’audio guide après une coupure repas sandwichs-frites dans une salle du musée, qui servait de réfectoire, nous suivons le périple de l’immigrant débarqué : la salle des bagages, la salle d'enregistrement. Des médecins, postés en haut des marches, faisaient un premier diagnostic en observant comment les immigrants montaient les marches. 2% étaient repoussés.
C’était la porte de la terre promise, au risque d’être écarté par un signe à la craie tracé sur le vêtement. La nourriture paraissait parfois exotique aux nouveaux arrivants ; comme cette polonaise qui engloutit une banane avec la peau, ou cet autre ayant donné son plat aux oiseaux. Etaient refoulés les gens présentant des maladies contagieuses, ainsi se servant de retourne boutons, les médecins vérifiaient-ils les yeux malades.
Tout était prévu pour lâcher ensuite les immigrants à l’aventure : banque, provisions, plan des chemins de fer… Les lieux sont gardés tels quels, avec leurs carrelages muraux blancs et des pans de murs avec graffitis sont conservés. Beaucoup de panneaux présentent des portraits, des bateaux « faisant leur beurre » grâce aux troisièmes classes peu exigeantes en service, mais entassées en grand nombre sans confort. L’exil s’explique par les pogroms, les persécutions en Europe… Nous n’avons pas le temps de finir complètement la visite, la fermeture est proche ainsi que le dernier ferry qui nous mène à Manhattan au Battery Park.
Nous longeons l’Hudson sur une promenade piétonne aménagée bien agréable pour les touristes, les joggers et les chiens tenus en laisse ; nous sommes attirés par un bâtiment en verre à l’intérieur duquel nous apercevons de palmiers. C’est le World Financial Building qui une fois traversé, nous place face à la fosse gigantesque laissée par les tours jumelles. Déjà neuf ans. Plaie qui tarde à cicatriser, vaste chantier qui ne s’élève pas vite. Nous ne voyons aucune marque, aucune indication, aucun commentaire qui retrace la tragédie.
Nous rejoignons à pied Wall Street, la Bourse et la statue de Washington. Nous cherchons le taureau emblème du quartier de la finance, symbole de l’optimisme, au contraire de l’ours, pessimiste, ainsi les investisseurs haussiers ou baissiers. Cette bête puissante et virile en bronze d’Arturo Di Modica inspire les touristes en quête de photos souvenirs.
La nuit tombe, l’obscurité s’installe vite entre les buildings qui rivalisent de richesse et de hauteur.
Nous prenons le chemin du retour par le Métro C.La photo 2 est de Dany et la 3 du musée.

mardi 12 octobre 2010

Broderies. Poulet aux prunes. Marjane Satrapi.

Parce que « parler derrière le dos des autres est le ventilateur du cœur », les bavardages des femmes iraniennes à la fin d’un repas de famille sont rafraichissants. Dans « Broderies », elles ne s’adonnent pas à d’inoffensifs travaux pour dames, mais on apprend que manier l’aiguille peut servir dans certaines circonstances. Les langues sont alertes et dévoilent bien des secrets épicés des couples, avec une liberté étonnante. Nous sommes dans les années 50.
Le dessin est toujours aussi évident, les noirs aussi agréables, le récit familial autour d’un joueur de tar original et dépressif nous intéresse par la grâce de la narration.
« Poulet aux prunes » autre livre doux amer publié par l’association garde ce ton original né de l’intime et nous livrant des images d’une société mal connue.
Nous comprenons que Marjane Satrapi soit devenue une auteure de B.D. majeure.

lundi 11 octobre 2010

Poetry

Mon échantillon n’est pas très étendu, mais je suis frappé par la proportion de films coréens traitant de la culpabilité avec un regard acéré porté sur les familles, c’est le cas d’ailleurs dans le cinéma asiatique en général.
La poésie mise à l’affiche n’est pas nunuche, elle s’inscrit dans un quotidien loin d’être rose.
La belle actrice principale (65 ans) aime les couleurs pastel et les chapeaux élégants, elle illumine ce film par sa douce intensité dans sa recherche des mots justes, malgré un début d’Alzheimer. Seront-ils ceux de la vérité ? Film violent sous des airs paisibles.
Nous prenons le temps de faire notre chemin, loin de nos repères familiers tout en fouillant du côté de nos craintes, de nos lâchetés, vers la vieillesse.

dimanche 10 octobre 2010

"La prairie parfumée où s'ébattent les plaisirs”

En prolongeant l’été dans la cour du vieux Temple, malgré les promesses du titre où il est question d’érotisme en terre d’Islam, difficile d’oublier le sort de Sakineh Mohammadi Ashtiani, l’iranienne menacée de lapidation.
Alors les écrits du XV° siècle du cheikh Nefzaoui mis en scène peuvent apparaître comme des mots lointains échappés d’un livre ancien décoré d’arabesques moyen orientales légèrement surannées.
Le lieu rappelle les proximités du off avignonnais mais il manque un brin de folie, à ce recueil de textes étonnants qui soulèvent le voile avec malice et poésie.
Si les comédiens avaient été maghrébins la pièce aurait moins parue simulée. La valeur des huit acteurs amateurs des « Aériens du spectacle » n’est pas en cause, ni la mise en scène de Gilles Escalona qui offre de jolis moments de spontanéité dans les intermèdes où de jeux dans les contes. D’autres moments souffrent, d’après moi, d’être répétitifs, comme l’énumération des dénominations nombreuses de « l’huis » et de « l’instrument » dont le charme a trop tendance à être indexé sur la dimension.
Il a fait bien bon entendre ces paroles dans des pays dont la religion était venue d’un prophète aux onze épouses, quand des barbus ne conçoivent pas des amoureux « à poil » :
« Ne conjoins la femme qu’après avoir badiné avec elle, jusqu’à ce que son eau soit près de descendre. »
« Quelque soit le chemin que tu prennes pour arriver à la jouissance et au plaisir par le pilonnage, le tapotage sur l’huis, la rencontre des deux touffes et tous les moyens employés pour approvisionner la sensation, les joies les plus savoureuses se trouvent réunies dans l’opération de la conjonction, de l’enfournement. »

samedi 9 octobre 2010

Books.

Le titre principal de ce mensuel, que je découvre à son numéro 16, concerne « les 50 millions d’amis » en évoquant évidemment ceux de Facebook. Mais la toile n’est pas la vie, et l’un des plaisirs de la langue, c’est bien de jouer avec les mots, ses différentes dimensions.Ces amis d'ordi ne font pas écran à ceux de la vie.
« Books est une invitation à la lenteur réflexive, à la prise de distance » tout le contraire des réseaux dits sociaux. Le rédacteur en chef vient de Courrier International, il en adopte la démarche en éclairant l’actualité par les livres du monde. Et c’est le même plaisir qu'avec le référent international qui n’amoindrit pas notre regard sur notre pays mais au contraire l’aiguise. Il n’y a qu’à voir l’image de la France renvoyée par l’étranger. Nos Pujadas et autres larbins en sont ramenés à de plus justes proportions.
Avec la liste de best seller au Pakistan ou en Italie ou le succès d’un Pascal Bruckner aux E.U. nous avons une image de l’état du monde qui dépasse l’anecdote.
Stendhal est vu comme gros et impuissant par un biographe allemand et l’interview de Matt Ridley parait tout à fait iconoclaste : c’est un optimiste !
« La nature humaine n’a pas changé, c’est la culture humaine qui a changé »
« Nous sommes collectivement plus intelligents parce que nous combinons, accumulons et échangeons nos idées plus largement que nos technologies. »

Il est question dans les 100 pages aussi bien de la passion de celui qui fit construire le Taj Mahal, que du précurseur argentin de Truman Capote, tué par la junte, qui mêlait journalisme et récit romanesque.
Une américaine cherche en milieu carcéral à conduire les criminels à regarder leurs actes en face, pour les éloigner d’une récidive inévitable pour les 2/3. Entre 20 et 34 ans, 1 noir sur 9 est en prison.
« … Ce type de technique de justice réparatrice fait de plus en plus l'unanimité, à gauche comme à droite. Tandis que cette démarche est en phase avec les notions conservatrices de responsabilité personnelle certains programmes conservateurs d'inspiration religieuse acceptent l'idée progressiste selon laquelle il faut s'occuper du manque d'instruction et d'opportunités d'emploi.A vrai dire, la principale résistance envers ce type de programmes émane de certains « gauchistes »bien intentionnés mais doctrinaires, qui estiment absurde d'attendre un changement de comportement d'hommes qui continuent de subir le racisme, le chômage, les écoles minables et tout l'héritage des inégalités en Amérique. Certes, les conditions dans lesquelles grandissent nombre d'Africains-Américains sont traumatisantes. Mais l'idée qu'on ne pourra traiter les questions de violence, de drogue, de SIDA tant que « ces gauchistes » simplistes n'auront pas la satisfaction de nous voir vivre tous dans une société égalitaire, voilà qui est en soi une forme de racisme, fondée sur la conviction paternaliste que les êtres ne peuvent modifier leurs comportements individuels et collectifs. Quand les hommes ont le courage de faire face à leur propre violence, ils sont capables de surmonter les situations les plus atroces. Aider les hommes violents à trouver des formes plus constructives d'expression de leur virilité pourrait bien être la manière la plus rapide d'améliorer leur avenir et celui de leurs familles. De toute évidence à plus long terme, ce ne sera là qu'une partie de la solution au problème de la violence. La honte et la culture toxique quelle engendre sont cultivées dans les écoles surpeuplées et inefficaces d'Amérique ; dans une économie qui, en période de croissance, profite surtout aux riches … ».
C’est moi qui ai ajouté des guillemets à « gauchiste ».
Heureusement, un récit d’un écrivain Péruvien nous fait sourire : il donne dix sols dans la rue à un vendeur de livres piratés pour acquérir son propre livre : celui-ci vérifie évidemment si le billet n’est pas faux.
Il est question aussi de failles dans le Darwinisme ou dans la démocratie qui n’est pas toujours le meilleur garant de la paix, de la prospérité, de la liberté… Un texte intéressant sur de Gaulle à l’heure où des profs s’opposent à voir figurer « Les mémoires de guerre » au bac : « A la prochaine alternance, devons nous enseigner… l’essai sur le mariage de Léon Blum ». Une bonne occasion de réviser le beau raccourci de Pierre Assouline : « le génie gaullien a été d’offrir à la nation des mensonges qui élèvent plutôt que des vérités qui abaissent. »

vendredi 8 octobre 2010

Elus socialistes et apparentés de ST Egrève: "laisse béton!"

Notre ville se transforme, elle vient de réviser son PLU et va accueillir ce tram, que toutes les listes en présence aux élections municipales appelaient de leurs vœux.
Dès maintenant les banderoles se multiplient : « Le tram Oui, mais … pas devant chez moi , avec des variantes », illustration des NIMBY« Not In My BackYard » « Pas dans mon arrière cour »
« Si les citoyens protestent contre une nouvelle infrastructure uniquement sur la base de sa proximité territoriale sans une opposition rationnellement justifiable, on risque d'entrer dans le syndrome du « seulement dans les arrière-cours des autres ». Dans ce cas, les citoyens s'opposent à un projet tout en reconnaissant sa validité et la nécessité de sa construction, mais ils veulent que la structure soit déplacée dans l'arrière-cour d'autres personnes.» Wikipédia
Et voilà que les élus avec lesquels nous avions mené campagne s’expriment aussi par voie d’affiche pour dire « Non au bétonnage du parc de Fiancey ».
Il est question de construire un bâtiment intergénérationnel, une MJ et une piscine, le long de la voie du tram qui va requalifier un axe important du Nord de l’agglomération.
C’est sur une zone qui avait été réservée pour le lycée du temps où la gauche avait des projets. Elle en avait été empêchée par la droite. Revanche !
Où est la gauche ? A-t-elle perdu tant de ses valeurs, que pour se définir, elle ne sait que dire systématiquement le contraire de la majorité municipale : salle culturelle, imposition… ? Sommairement.
Pour réduire les déplacements et leur lots de nuisances, il faut rapprocher les travailleurs de leur lieu de travail, donc « construire la ville sur la ville », densifier : c’est ce que nous avions compris et approuvé. Les pionniers de la parole se détournent de leurs convictions ; n’ont-elles été que passagères ? La trahison des programmes, voilà ce qui mine la politique.
Une contradiction dans laquelle se retrouvent aussi les Verts pas encore repeints aux couleurs d’Europe Ecologie qui pourtant avaient insisté dans leurs interventions précédentes sur le logement. Le logement en particulier pour les plus modestes faisait partie de nos priorités. Et là en se montrant caricaturaux, nos élus se retrouvent à la remorque de ceux qui veulent que rien ne change : conservateurs.
En contradiction avec des politiques menées par d’autres municipalités de gauche dans la Métro, voir Saint Martin le Vinoux, le programme sur l’Esplanade à Grenoble : incohérents.
La gauche est ici majoritaire à tous les scrutins mais perdante encore et encore aux municipales. L’association RESE qui avait essayé de constituer un lieu d’appui et de propositions pour les élus a éclaté. Cette péripétie n’a pas conduit, un chef de file impétueux, au discernement. « Il va de soi » que ce type d’expression n’a pas été soumis au débat dans les sections, en tous cas pas pour le parti qui s’affiche à cette occasion, dont je reçois encore les publications depuis Solferino.
La démagogie donne des satisfactions fugaces, elle ronge gravement le débat public, elle pourrait décourager ceux qui croient à la démocratie, au progrès, à la fidélité à des convictions, au courage. Des grands mots. Oui.
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Proverbe africain : « Qui avale une noix de coco, fait confiance à son anus »
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Dans le Canard Enchaîné de cette semaine : « la droite remanie…la gauche remanif. »
Et ce dessin :

jeudi 7 octobre 2010

La France de Depardon.

Pour cette promenade dans la France provinciale, les photos du fils de paysans sont vraiment en couleurs : façades de boucherie et du café PMU, des panneaux, des volets…
Il n’a insisté ni sur les ronds points ni sur les zones industrielles, pas plus qu’il n’a évité les poteaux électriques pour ne pas effleurer le pittoresque qu’il fuit. A l’approche de l’exposition de ses photographies à la BNF, Télérama en propose 56 dans un hors série qui accueille aussi J. Rouault, P. Jourde, F. Bon et d’autres écrivains qui apportent leur regard, ainsi que des géographes, des historiens de la photographie, et bien sûr, le bavard Raymond.
« Dans mes photos je me débarrasse d’une certaine esthétique. Volontairement et consciemment. Ce n’est pas ça l’important. C’est plus le lieu qui y apparaît, le lieu habité et moi-même dans ce lieu. »
Ces photos des territoires se situent dans l’entre deux, ni rural profond qu’il connaît si bien, ni les grandes agglomérations. Même s’il s’est débrouillé pour saisir des paysages sans personne, avec sa chambre 20X25, son regard modifie le nôtre, sur La France vue du sol avec ses pointillés, depuis le trottoir avec ses herbes oubliées.
« Le monde est devenu rectiligne. A présent, lorsque nous passons, par la nationale, devant la bande déchirée des bois noirs, nous savons que, derrière, les replis du temps se sont résorbés, l’ombre s’est dissipée, il n’y a plus rien. » P. Jourde.