vendredi 22 janvier 2010

La X°biennale à la Sucrière

Je n’avais pas remarqué que l’immeuble à moitié démoli à côté du lieu d’exposition qu’est devenu l’entrepôt de la sucrière à Lyon était une œuvre « qui joue sur l’espace et les alternances diurnes et nocturnes de l’atmosphère ambiante ». L’artiste a fait ajouter quelques panneaux orange et des néons à la bâtisse en cour de destruction. A l’entrée des papiers peints de Tsang Kinwah, genre impression toile de Jouy avec des motifs composés de mots pas toujours délicats mais que l’on peut ignorer de loin. Sa pluie de lettres dans une autre vaste salle rouge est impressionnante. Les phrases circulent, se multiplient, rebondissent : ludique et légèrement angoissant. Les petites voitures téléguidées dans la circulation newyorkaise dégageant des fumées colorées pour dénoncer la pollution sont gentillettes, et la quincaillerie mise en scène par un japonais une multiplication du ready made initial et ressassé de Duchamp. J’ai bien aimé les panneaux lumineux de Robert Milin tel que « Victor Hugo est mort » placé dans des lieux inattendus. J’ai photographié sans retenue - merci la biennale- les dessins de Dan Perjovschi qui fait tracer chaque jour un dessin inspiré par l’actualité sur un immense tableau noir à la craie. Une belle idée du mexicain Pedro Reyes qui recycle le métal des armes en lames de pelles pour planter des arbres; par contre des maquettes de ville où King Kong rencontre et vues à travers des vitres colorées ne sont pas d’une originalité renversante. La profusion des vidéos induit une certaine indifférence : le vent qui perturbe les jeunes spectateurs d’une cérémonie officielle ne m’a pas marqué au-delà d’une image de plus dans notre zapping quotidien. Des graffitis en papier lacéré, les cabanes d’Agnès Varda, des crânes en porcelaine, une poussette montée sur rail avec caméra, des tuyaux d’eau serpentant sur le sol, des gravures sur linoléum, ne valent pas les tours miniatures si graciles que Takahiro Iwasaki a installées sur des serviettes de bain colorées : une autre façon d’envisager les estampes traditionnelles avec humour et poésie. J’avais oublié une photographie de sangliers dans une rue, un cerveau en tube de néon, des tables et des chaises, un portail qui claque contre un mur qui s’effrite et d’autres …que j’ai oubliées. Ah oui le thème de cette année c’était : « le spectacle du quotidien »

jeudi 21 janvier 2010

We are l'Europe

Livre de Jean Charles Massera.
« … mais la vérité c'est que vous pleurez votre mère presque tout ce qui vous aidait à penser jusqu'à maintenant ne marche plus ! C'est évident, vous n'arrivez plus à vous redéfinir ! J'veux dire avant d'nous faire un cours sur les nouvelles données d'la vie, faut peut- être comprendre les nouveaux programmes là ...»
Je ne sais plus qui m’avait recommandé ce livre, que j’avais à mon tour prêté sans l’avoir lu, en me fiant à ce style décontracté, que je jugeais approprié pour cerner ce sujet lointain : l’Europe. Je me repens d’avoir gaspillé le temps de ceux qui m’ont fait confiance sur ce coup, parce que ces dialogues ne sont que bavardages vains. Certes un signe des temps, mais ça ne vaut pas ces 240 pages. Et je ne me fais même plus la promesse de ne pas me laisser tromper par des ouvrages à peine de circonstance, à oublier aussi vite qu’une émission de Denisot où la forme désinvolte arase tout. Et ce n’est pas un hasard que le discours le plus convaincu dans ce compendium des élisions du moment, soit celui de l’adepte des rollers.

mercredi 20 janvier 2010

J 18. Dalat

Aujourd’hui nous prenons la route pour Dalat, sur 180 km. Le bitume ne recouvre pas toujours la chaussée qui parfois comporte de sérieux nids de poule (« d’éléphants »). Nous traversons des paysages de montagne magnifiques, couverts de bambous et de champs de manioc, de caféiers et de pins. Nous ne sommes pas gênés par la circulation. Nous remarquons une ou deux femmes en costume traditionnels des ethnies du Nord. Cette région longtemps déserte a été peu à peu exploitée par des populations immigrées.
Pendant le trajet qui a duré près de cinq heures, notre guide nous donne quelques informations sur sa vie avec son père et ses frères envoyés en camp de rééducation. Elle a du se louer pour des travaux des champs. Pour éviter « le service civil » imposé elle a préféré se marier. Mais en nous révélant les engagements de son fils en France avec la droite extrême nous garderons désormais nos distances et l’ambiance devient pesante.
Nous arrivons à Dalat à 1500 m d’altitude pour le repas de midi que nous prenons dans un petit restaurant : riz, crevettes ou calamars farcis ou porc, soupe. Nous nous rendons à la pension excentrique Hang Nga (« crazy house ») à l’architecture délirante imaginée par une femme qui fit ses études en Russie, fille d’un haut personnage politique. « Le père était un réaliste, sa fille une surréaliste ». Les bâtiments tarabiscotés foisonnant de décorations sont reliés par des passerelles en béton. Les chambres sont toutes différentes, caractérisées par leurs cheminées zoomorphes : ours, aigle, kangourou, tigres, rehaussés d’ampoules électriques rouges. Peu d’angles droits, les miroirs sont de formes variées. Les lits adoptent des formes contournées. Beaucoup de recoins romantiques ; des travaux d’agrandissement se poursuivent. Le petit jardin très fleuri et arboré déborde de surprises avec sa gigantesque toile d’araignée, sous l’œil d’une girafe escalier. Le délabrement des matériaux ajoute, pour moi, au charme. Les codes graphiques de l’Asie traditionnelle sont réinterprétés et cette imagination naïve m’a ému et rappelé le facteur Cheval, Walt Disney, Gaudi, Hundertwasser, halloween, un peu de tout. Alice fait un tour à Uriage sous les tropiques.
Nous reprenons la voiture : Thien veut nous montrer une pagode moderne à la sortie de la ville financée par la diaspora vietnamienne. Rien d’époustouflant à part les jardins ; la pluie apparaît timidement. Nous passons à l’hôtel Resort Hoang Anh, grand luxe, où on nous accueille avec un jus d’artichaut. Nous logeons dans le pavillon mimosa dans de grandes chambres où le bois domine avec balcon et salle de bain en marbre noir. C’est princier !
Nous ne nous attardons pas et reprenons la voiture avec un arrêt à la gare (Ga) construite par les français sur le modèle de la gare de Deauville, elle ne sert plus que pour un petit train à crémaillère. On peut y voir la salle d’attente première classe avec fauteuils en cuir cossus et de vieilles machines en exposition. Un couple de mariés profite du décor pour prendre des poses théâtrales imaginées par le photographe d’art secondé par ses arpettes et la maquilleuse. Nous poursuivons le tour de cette ville qui fut un lieu de villégiature pour les colons accablés par les chaleurs tropicales. La ville de 150 000 habitants garde des traces de ce passé avec quelques villas au style de différentes provinces françaises.
C’est dimanche, à la cathédrale, les fidèles arrivent progressivement jusqu’à remplir la nef repeinte de frais en jaune. Nous jetons un œil sur les vitraux du grenoblois Balmet (1940). La cérémonie se prépare : tandis que les fidèles chantent, des hommes en costume cravate portant une écharpe en bandoulière, des femmes mûres en Ao Daï, un homme portant la bible, deux enfants de chœur en aube avec l’encensoir et les huiles saintes et enfin le prêtre se mettent en place au fond de l’église dans l’allée centrale qu’ils remontent jusqu’à l’autel. Nous nous éclipsons à ce moment là.Nous nous promenons dans les rues du centre ville, puis dans le marché à plusieurs étages. En haut : habits, droguerie, parfumerie, au deuxième étage : les restaurants, en bas : les graines de toutes sortes : riz, maïs…et tout autour les légumes, très variés : brocolis, choux fleurs, artichauts s’ajoutent à ceux que nous avons rencontrés sur d’autres marchés. Nous rentrons à pied par une avenue large « les ramblas » puis longeons le lac, sur lequel passent des pédalos en forme de cygne. La circulation est dense, les gens s’amusent avec des tandems, les cerfs volants volent, les manèges tournent, les footballeurs jouent : ambiance de vacances. Nous nous restaurons près de la gare dans un décor soigné en présence d’un sapin de Noël enguirlandé. Pour un prix très raisonnable des crevettes, des nems, un steak frites. Nous goûtons le vin rouge de Dalat dans lequel on glisse une sorte de fruit sec à noyau curieux. A l’hôtel, ordinateur, lessive.
La couette de l’hôtel est la bienvenue, la clim' n’est pas prévue dans ce 4 étoiles.

mardi 19 janvier 2010

L’homme qui s’évada

Transcription en BD chez Actes Sud du livre d’Albert Londres. Terrifiantes conditions de survie au bagne de Cayenne, quand l’enfer n’est pas une métaphore. Du temps de la bande à Bonnot, un nommé Dieudonné avait été gracié pour un crime qu’il n’avait pas commis mais envoyé là bas, il s’évade : Laurent Maffre raconte cette aventure incroyable où sont atteintes les limites de notre humaine condition. Les traits sont élémentaires, les visages humains ne sont que grimaces. Les forçats cachent leur argent « dans un tube en métal qu’ils appelaient « le plan », pour éviter qu’on le leur vole, ils le placent dans leurs intestins. Quand ils le veulent, ils s’accroupissent. » Lors d’une évasion ils pouvaient tomber sous les balles d’anciens déportés qui s’adonnaient à la chasse à l’homme, ceux-ci leur ouvraient le ventre pour récupérer ces plans.

lundi 18 janvier 2010

Tétro

L’amie avec qui j’ai vu ce film de Coppola était carrément furieuse à la sortie devant le conformisme des critiques qui regrettaient que la palme d’or n’ait pas été attribuée à l’auteur du "Parrain" et d’"Apocalypse Now". Ses films ont compté dans l’histoire du cinéma mais sûrement pas pour cette dernière production ennuyeuse. Les familiers de l’œuvre sont rassurés de voir revenir les mêmes thèmes, mais ceux qui préfèrent les découvertes peuvent se lasser. J’ai été moins virulent au bout de deux heures de projection, seulement indifférent à cette histoire de fils écrasés par la figure du père. L’acteur Vincent Gallo en fait des tonnes. Certes les images sont soignées et Buenos Aires est photogénique mais ce film apprêté sonne le creux. Trop détaché, trop pas intéressant.

dimanche 17 janvier 2010

Sempé à New York, l’évidence.

Comment ne pas aimer les rites,quand à chaque Noël m’est offert un album de Sempé?
Cette année une longue interview du dessinateur bordelais permet de déguster son livre plus longuement et de retrouver dans ses mots, la fraîcheur, la rigueur, la fantaisie et l’humilité, l’évidence de ses dessins. Les couleurs de ces vues sur New York sont plus éclatantes qu’auparavant, mais nous sommes toujours rappelés à notre taille dérisoire en regard de nos désirs d’infinis, malgré les promesses de l’enfance. Lumineux, essentiel. Jamais son humour léger n’est méchant, il va chercher nos pathétiques espérances dans les coulisses des théâtres, en bord de mer, dans les parcs, sur le coin d’un trottoir ou et sur le balcon haut perché d’un escalier de secours ; la fantaisie du monsieur qui chasse les feuilles devant lui. Le subtil aquarelliste est séduit par les taxis jaunes de la ville verticale où quelques chats posent un regard filtrant, pas dupe des ambitions des hommes.

samedi 16 janvier 2010

« Le coup de grâce »

Le magazine trimestriel de la culture en Rhône Alpes s’il titre sur « Gérard Collomb : le petit Sarkozy de province » pour son abandon de l’Hôtel Dieu aux « forces de l’argent » est plutôt bienveillant avec la gestion de J.J. Queyranne à la région en citant René Rizzardo : « les régions jouent désormais un rôle irremplaçable de médiation politique entre les différents acteurs du champ culturel ».
Un entretien avec un mécène qui expose des œuvres dans sa PME, peut inspirer des vocations puisque son personnel peut dire : « on aura vu plus d’expositions que le Lyonnais moyen ». Nous pouvons mieux connaître quelques têtes d’affiche : Gamblin, le réalisateur du fils de l’épicier, Rachid Taha… et mettre un nom sur des rôles : madame Rosa d’après Romain Gary, c’est Myriam Boyer la mère de Clovis Cornillac. Découvrir la fondatrice de l’Université populaire de Lyon, il y en a une comme à Rouen avec Onfray. Suivre la chorale homo : « A voix et à vapeur ». Une maquette très soignée met bien en valeur le travail de la photographe écorchée Elinor Carucci et celui du peintre Jean Fussaro. Des rubriques habituelles donnent envie d’autres lectures, comme ce numéro de Médium de Régis Debray « Nous », en vente au Square. Bien sûr que cette publication s’adresse à ce quart de la population qui lit encore un quotidien (29% de la population en 2008 contre 37% en 1997), ce sont les mêmes qui portent un intérêt à la culture symétrique de la même proportion dont la relation à toute forme de culture est très lointaine. Chiffres tirés de « La scène » qui pose la question : « Le temps passé devant les écrans ne finira-t-il pas par remettre en cause la sortie culturelle au profit de pratiques plus autarciques et familiales? » Quand je vois certains des responsables près desquels j’ai pu défiler, renvoyer ces préoccupations à des activités superfétatoires, je m’inquiète. Yvon Deschamp qui est chargé de la culture à la région dit : « on ne peut vouloir changer la vie si on n’a pas une vision culturelle ». Il prend sa retraite.