
Pendant le trajet qui a duré près de cinq heures, notre guide nous donne quelques informations sur sa vie avec son père et ses frères envoyés en camp de rééducation. Elle a du se louer pour des travaux des champs. Pour éviter « le service civil » imposé elle a préféré se marier. Mais en nous révélant les engagements de son fils en France avec la droite extrême nous garderons désormais nos distances et l’ambiance devient pesante.
Nous arrivons à Dalat à 1500 m d’altitude pour le repas de midi que nous prenons dans un petit restaurant : riz, crevettes ou calamars farcis ou porc, soupe. Nous nous rendons à la pension excentrique Hang Nga (« crazy house ») à l’architecture délirante imaginée par une femme qui fit ses études en Russie, fille d’un haut personnage politique. « Le père était un réaliste, sa fille une surréaliste ». Les bâtiments tarabiscotés foisonnant de décorations sont reliés par des passerelles en béton. Les chambres sont toutes différentes, caractérisées par leurs cheminées zoomorphes : ours, aigle, kangourou, tigres, rehaussés d’ampoules électriques rouges. Peu d’angles droits, les miroirs sont de formes variées. Les lits adoptent des formes contournées. Beaucoup de recoins romantiques ; des travaux d’agrandissement se poursuivent. Le petit jardin très fleuri et arboré déborde de surprises avec sa gigantesque toile d’araignée, sous l’œil d’une girafe escalier. Le délabrement des matériaux ajoute, pour moi, au charme. Les codes graphiques de l’Asie traditionnelle sont réinterprétés et cette imagination naïve m’a ému et rappelé le facteur Cheval, Walt Disney, Gaudi, Hundertwasser, halloween, un peu de tout. Alice fait un tour à Uriage sous les tropiques.
Nous reprenons la voiture : Thien veut nous montrer une pagode moderne à la sortie de la ville financée par la diaspora vietnamienne. Rien d’époustouflant à part les jardins ; la pluie apparaît timidement. Nous passons à l’hôtel Resort Hoang Anh, grand luxe, où on nous accueille avec un jus d’artichaut. Nous logeons dans le pavillon mimosa dans de grandes chambres où le bois domine avec balcon et salle de bain en marbre noir. C’est princier !
Nous ne nous attardons pas et reprenons la voiture avec un arrêt à la gare (Ga) construite par les français sur le modèle de la gare de Deauville, elle ne sert plus que pour un petit train à crémaillère. On peut y voir la salle d’attente première classe avec fauteuils en cuir cossus et de vieilles machines en exposition. Un couple de mariés profite du décor pour prendre des poses théâtrales imaginées par le photographe d’art secondé par ses arpettes et la maquilleuse. Nous poursuivons le tour de cette ville qui fut un lieu de villégiature pour les colons accablés par les chaleurs tropicales. La ville de 150 000 habitants garde des traces de ce passé avec quelques villas au style de différentes provinces françaises.
C’est dimanche, à la cathédrale, les fidèles arrivent progressivement jusqu’à remplir la nef repeinte de frais en jaune. Nous jetons un œil sur les vitraux du grenoblois Balmet (1940). La cérémonie se prépare : tandis que les fidèles chantent, des hommes en costume cravate portant une écharpe en bandoulière, des femmes mûres en Ao Daï, un homme portant la bible, deux enfants de chœur en aube avec l’encensoir et les huiles saintes et enfin le prêtre se mettent en place au fond de l’église dans l’allée centrale qu’ils remontent jusqu’à l’autel. Nous nous éclipsons à ce moment là.

La couette de l’hôtel est la bienvenue, la clim' n’est pas prévue dans ce 4 étoiles.

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