mercredi 11 novembre 2009

J8 : La baie d’Along

Réveil à 6h 30, nous avons 200 km à parcourir. Il pleuvine et le ciel ne laisse pas présager d’amélioration : le typhon numéro 5 est annoncé, il s’abattra sur Hanoï.
Nous traversons la région la plus pauvre du Viet Nam, avec ses rizières, la seule activité de la région. Pendant la guerre, elle a nourri gratuitement les armées du Nord. Tout au long de la route, les paysans pataugent dans les champs en eau, le dos courbé, repiquent le riz en espaçant les plans. Plus loin des jeunes coordonnent leurs gestes pour collecter l’eau d’un petit canal dans un panier fixé au bout de cordes et chasser l’eau dans la rizière. Nous remarquons beaucoup de cimetières. Nous nous rapprochons de Haiphong où l’activité est industrialisée. Nous stoppons dans un petit estanco à l’abri de la pluie fine. Nous nous régalons avec de petits ananas saupoudrés de sel. Le chauffeur reprend le volant jusqu’à Along qui signifie « le dragon qui descend ». Nous n’apercevons que la ville touristique et moderne, composée d’immenses hôtels luxueux et de casinos destinés à une clientèle chinoise. Un pont à haubans de construction japonaise nous fait penser à … celui de Saint Marcellin. Nous patientons avec un thé et nous montons sur un petit canot pour atteindre la jonque de notre croisière. C’est le ravissement ! Bateau sur trois niveaux, nous sommes dirigés directement dans une très jolie salle à manger aux nappes blanches et vraies roses sur les tables. Nos deux cabines sont en en bois sombre du sol au plafond.On accède à une petite salle de bain attenante par une porte à claire voie. Nous passons à table, c’est maintenant le ravissement de papilles. Au menu : soupe vietnamienne gluante, coques, crabes, crevettes, poisson grillé, légumes verts, riz et pomme. Nous prenons notre café à l’étage supérieur sur la terrasse aérée qui nous permet de découvrir le paysage d’où nous parviennent les chants des cigales semblables au cri des mouettes tant elles ciclent fort. Nous sommes « les rois du monde ». Des pains de sucre, des crocs, des chicots émergent des eaux émeraude sous des cieux superbes et des lumières changeantes. Nous sommes invités à quitter la jonque pour une petite embarcation afin de nous rapprocher de la grotte de la surprise » (Seing Sot). On y pénètre au bout de nombreuses marches. Ce qui nous surprend d’abord c’est la taille grandiose de ces salles que l’on traverse par un cheminement aménagé et éclairé tout confort. Le plafond est tapissé d’alvéoles naturelles à l’aspect artificiel. Stalactites et mites prennent des formes de bouddhas, de phallus obliques, de dragons, de tortues, d’une femme portant sa fille à cheveux longs. Le circuit accompli nous rejoignons notre petit bateau puis la jonque le temps de déguster un ananas préparé pour le goûter. Dix minutes plus tard nous reprenons le petit bateau pour visiter cette fois un îlot avec une pagode avec la possibilité de profiter d’une plage de sable. Nous escaladons les 420 marches de bonne taille. Mais nous ne regrettons pas notre suée. Nous débouchons sous un abri circulaire ouvert à 360° sur le paysage surprenant et légendaire. Couleurs, nuages, soleil qui s’y cache. Nous prenons toute la mesure de cette merveille du monde la dominant du regard. Je me sens si petit, niveau photo : comment s’y prendre pour refléter ça ?
Nous redescendons vers la plage car l’heure du rendez-vous approche. De gros nuages ardoise effleurés par moment par un rayon de soleil mettent en évidence les verts de la végétation des pains de sucre et les tons foncés de l’eau. Tout d’un coup le vent s’excite. Nous regagnons le petit bateau quand brutalement la pluie s’abat, en rideau sur la mer, vidant la plage et l’îlot de ses visiteurs. Malgré le toit de l’embarcation, la pluie pénètre à l’intérieur, cingle les occupants et leurs serviettes de baignade, surprenant les plus protégés dans une bonne humeur partagée de gens heureux. Nous regagnons nos cabines avant l’heure du repas, instant propice pour les photos, le jour décline vite et le temps se calme après le grain de la mousson. Nous aurons eu tous les temps, bruine, soleil, nuageux, grain. La jonque se déplace et part mouiller un peu plus loin. Les bateaux ont allumé leurs lumières qui se reflètent sur l’eau. Le repas du soir surpasse encore celui de midi. La compagnie nous offre un verre de vin blanc de Dalat et le repas défile à un tempo que nous voudrions ralentir pour prolonger notre émotion dans ce lieu grandiose où nous nous trouvons, subjugués. Au menu : soupe, crevettes avec tomates, mangues et fleurs de concombre, crabes farcis excellents, « panne d’électricité » pour les nems présentés autour d’un ananas évidé pour placer une bougie.Retour de l’électricité pour le riz cantonnais, des légumes blancs et pastèque ; un festin !
Nous gagnons nos couchettes cabines pour écrire ou lire, le réveil est branché sur 5h 30 heure du lever du jour, après une nuit dans un décor de rêve.

mardi 10 novembre 2009

Ce jour-là

Et puis ce jour là dans le clair obscur de notre demeure nordique, je me suis vue dans le miroir disposé sur le buffet. C’était l’époque où les Arts Décos influençaient jusqu’au mobilier bas de gamme des foyers populaires. J’avais été gravement grondée, peut-être même battue par une mère sans cesse excédée. Pour mon esprit de six ans, la réprimande était injuste et je n’avais pu m’en expliquer. Il en était ainsi dans une famille où l’on ne savait parler. Les enfants filaient doux, menaient leur vraie vie dehors avec leurs bandes (peut-être en est-il toujours ainsi dans ce que les medias et les politiques appellent les quartiers sensibles). On rentrait au logis pour manger, déféquer et dormir ou se prendre une raclée pour absence prolongée, jamais un bisou (ce mot n’existait pas). Au mieux on se retrouvait le dimanche sur des genoux, entre des bras fatigués : le chat ou le chiot faisaient aussi bien l’affaire. Dans le commerce surtout si celui-ci est artisanal, en l’occurrence dans une boulangerie, il n’y a pas de place pour les enfants. Ils se débrouillent, pratiquent l’évitement des petites tâches : va porter ce pain à Mme X., surveille le lait, recharge le poêle, va ici, va là. Ne pas se faire chopper, se glisser en catimini dans la rue et courir, courir vers les jeux, courir vers les autres enfants. Liberté conditionnelle… dont les lois étaient la faim et le sommeil. Liberté réelle : l’apprentissage de la débrouillardise.
Peut-être avais-je sauté le repas de midi ; cette mère électrique qui parlait peu, mais gueulait fort, veillait scrupuleusement à la survie de ses rejetons, les gavant de nourriture « fortifiante » , les persécutant de lavements intestinaux si elle soupçonnait un fonctionnement défaillant de leurs tubes intimes. Une mère qui ne pense qu’à vous remplir selon ses désirs, selon ses peurs, selon les souffrances de sa propre enfance nécessiteuse.
J’avais pris une torgnole - pas grave, comme on le dit aujourd’hui, surtout si c’est douloureux. En prime j’avais reçu la haine, la folle haine dans les yeux de ma mère, ses cris. En morceaux je me voyais dans les yeux de ma mère. J’étais promise à la destruction. Furieuse aussi, je l’étais …
Me voilà réfugiée, au plus noir de la salle à manger, grimpée sur une chaise, secouée de sanglots, suffoquant, crachant, expulsant ma morve.
Je lève les yeux et je la vois. Qui est-ce, celle-là ? C’est un visage de fillette blonde, elle essuie son visage, le salissant. Elle a les yeux comme des flaques d’eau. Des yeux de fée ou de princesse qui coulent sur ses joues. Elle renifle et me regarde. Comme elle est intéressante ! Comme Je suis belle !
Consolée. La vie est admirable ! Je ris : ma mère est moche, mais moche. La pire des sorcières !

Sorcière bien-aimée, petite enfant des corons sans miroirs, sans robinets, sans électricité. Pour l’intimité, des chiottes au fond du jardin.

Clémence Psyché

lundi 9 novembre 2009

L’amant de JJ. Annaud

Revoir un film 17 ans après sa sortie conduit souvent à déblatérer sur les modes qui passent.
Je n’en ai pas eu l’occasion avec ce film qui conserve quelques belles scènes sensuelles où la jeunesse palpite en perdant son innocence. Les bonus du DVD sont intéressants même si le réalisateur n’apparaît pas à son mieux en monopolisant la parole face à Marguerite Duras. J’étais curieux de retrouver des ambiances tropicales qui m’avaient séduit la première fois, mais de ce côté-là j’ai trouvé le spectacle parfois affadi, artificiel, voire rouleur de mécaniques, c’était format télé. Cependant pris par le charme de Jane March, avec les mots de Duras qui vont si bien à Jeanne Moreau, j’ai apprécié les subtilités de cette histoire violente où la très jeune fille (15ans ½) ne comprend pas, sur le coup, ce qui lui arrive. Croyant vivre sa liberté qui paraît tellement incroyable en ces années 20, elle se débat dans la société coloniale qui la détermine jusque dans ses transgressions. Profond, à fleur de peau, beau et … paquebot.

dimanche 8 novembre 2009

La storia

Après quoi courent-ils les sept jeunes danseurs soulevant sous leurs pas des tourbillons de papiers humides ? Images souvent séduisantes offertes par la compagnie Woo, où les guitares électriques sonnent comme des alarmes, venant après des complaintes acoustiques. Les séquences se succèdent : deux corps nus se cherchent un moment, des soliloques accompagnent des parades animales… De l’énergie, des beaux gestes, où l’obscurité plus ou moins épaisse va bien aux stridences, des ombres déchirées. Les amorces sont prometteuses mais souvent inachevées.
Une poésie noire recherche nos origines, elle court après le temps avec des reprises d’icônes contemporaines en parodie mais sans humour.

samedi 7 novembre 2009

Déchets dans l’agglomération grenobloise.

Le plus gros budget de la Métro (avant la SEMITAG) est consacré à la collecte et au traitement des déchets ménagers. 90 personnes travaillent sur le site d’Athanor à Meylan où convergent les poubelles de 400 000 habitants : 200 000 tonnes par an.
L’incinérateur, un des plus performants de France, produit de l’électricité et permet le chauffage de 25 000 personnes.
Il brûle la moitié du contenu des poubelles vertes (35 000 t) qui n’a pu être valorisé et celui des poubelles grises (100 000 t) débarrassé des matières fermentescibles qui vont composer le compost à Murianette.
Les déchets recyclables après être passés aux cribles rotatifs, à étoiles, dégagés des éléments ferreux (1 200 t) par électro-aimants, séparés des flacons plastiques (2 500 t) subissent un tri manuel.
Ils seront pressés, conditionnés avant d’être achetés par des repreneurs,
ainsi 10 000 t de papiers cartons sont récupérés en une année.
Sur 637 vérifications de camions provenant de Saint Egrève, 37 ont vu leur contenu déclassé. Dans des quartiers de communes où les performances étaient moins reluisantes, des actions d’information au tri sélectif ont été menées. Mais elles ne s’accompagnent pas de progrès notoires si de nouveaux outils ne sont pas proposés. L’installation de poubelles operculées (type poubelle à verre) a pu modifier efficacement les comportements.
Nous sommes passés dans l’Isère de 40 kg d’emballages recyclés par habitant par an en 2007 à 40,9 kg, en dessous de la moyenne nationale à 44,5 kg. L’embauche d’un nombre de personnes encore plus conséquent pour trier plus finement permettrait de progresser dans le recyclage.

vendredi 6 novembre 2009

L’Italie à la paresseuse

Ce petit livre (186 pages aérées) ne pouvait être édité que par "Le Dilettante". L’auteur Henri Calet, inscrit dans nos mémoires pour être l’auteur de la formule : « ne me secouez pas je suis plein de larmes », livre ici un rafraichissant ouvrage, désinvolte, gentiment décalé, élégamment tourné et totalement sincère. Marie Françoise, qui me l’avait fait découvrir, avait retenu un passage pour notre lecture publique, dont voici un morceau d’extrait :
« Nous débouchions en Italie. On ne pouvait s’y tromper : c’était elle. …Je me répétais, en proie à l’excitation la plus vive : « l’Italie, l’Italie ! » Les grandes effusions, tout de même que les grandes douleurs, sont muettes, ou bredouillantes. Combien je regrette de n’avoir pas eu, à cette minute, mon guide sous la main ; j’y aurais pu choisir une ou deux phrases distinguées : « Terre de la beauté et de la douceur de vivre » ou « comment se reconnaître parmi tant de beautés sur lesquelles bute à chaque pas le voyageur ébloui ?... » Au lieu de cela , il me revenait que des bribes de la chansonnette de Tino Rossi… »
La jolie formule de la quatrième de couverture me convient : « il vise « au dessous de la peinture », se refusant à la voie royale des sites et des musées à son cortège de béatitudes convenues »

jeudi 5 novembre 2009

Terrains d’Europe

Paysages du football amateur par le photographe Hans van der Meer, je les avais vu à Arles, je viens de me les approprier en livre. Je les connais ces terrains encore tracés à la sciure pour certains, qu’ils soient anglais, hongrois, portugais, à Salon de Provence, à Bonnieux… l’Europe pour de vrai.
Dimanche après midi, les Gourcuff sont un peu empâtés mais dans leurs gestes, le rêve se frotte à la réalité.
Les plans sont toujours larges: quelques publicités pour le garage local dans des sites sublimes, des immeubles, des peupliers, des cheminées d’usine, l’automne est là, les genêts sont aux couleurs du club, les mottes lourdes excusent les approximations techniques, les alignements défensifs sont parfois hasardeux. Le gardien plonge magnifiquement, le ballon est déjà au fond des filets.
Je vais prêter cet album photo à Ritou qui se tint des décennies derrière les mains courantes des stades des terres froides, seule dérogation au travail des champs et encore quand c’était le temps des foins…
A Manu qui connait ces terres battues, ces abris pour remplaçants qui jouxtent des poulaillers : il arbitre.
Vous connaissez beaucoup d’ouvrages, où le paysan, le pompier, l’instit partagent la même émotion et que c’est pas de la holla trafiquée ?