jeudi 24 janvier 2019

Culte et femmes dans le temple de Karnak il y a 3000 ans. Florence Gombert.

La conservatrice des antiquités égyptiennes au Louvre, commissaire de l’exposition grenobloise « Servir les dieux d’Egypte » qui se tient jusqu’au 27 janvier 2019,
a consacré deux conférences devant les amis du musée de la ville de Champollion, au rôle des femmes adoratrices du dieu Amon et à leurs suivantes, chanteuses, de 1069 à 664 av. J.-C.
 https://blog-de-guy.blogspot.com/2019/01/servir-les-dieux-degypte-au-musee-de.html
Le sujet est pointu pour l’auditeur dont la dernière mise à jour sur le thème date d’ « Astérix et Cléopâtre » avec Djamel Debouzze.
Cette « Troisième Période intermédiaire » dura donc 400 ans, quand l’ancienne Thèbes, maintenant Louxor demeurait un lieu politique important malgré l’effondrement  de l’empire de Ramsès et des pouvoirs situés désormais dans le delta. Le pharaon est toujours en relation étroite avec Karnak puisque les adoratrices sans enfant adoptent à tout coup une fille d'un nouveau pharaon.
La ville du bord du Nil aux horizons montagneux a fourni une grande part du riche fonds égyptien du musée de la Place Lavalette.
Une théocratie s’était mise en place avec un clergé au service du dieu Amon-Rê qui était en capacité d’être interrogé directement. Ces hommes et ces femmes sont issus de la noblesse thébaine et des familles royales dont les dynasties se succèdent rapidement, voire entrent en concurrence.
Une allée de criosphinx, mi-béliers, mi-lions à l'entrée du temple de Karnak, puissants et énergiques, accueille le dieu et 3 millions de touristes annuels.
Amon qui signifie « le caché » a emprunté à Ré, dieu solaire, et à Atoum  «  l'Indifférencié ». Il porte deux hautes plumes de faucon, comme Horus « l’éloigné », planant haut dans le ciel, avec un œil soleil et l’autre, la lune. Dieu primordial, il a donné naissance au monde et s’engendre lui-même.
 
Mout, « la mère », son épouse, peut se transformer en lionne. Souvent coiffée d’une double couronne, celle de la haute Egypte et celle du delta, elle porte sur les épaules la dépouille du céleste vautour, celui qui toujours protège ses œufs, ardemment.
Knonsou, « le voyageur », leur fils complète cette triade thébaine.
Les déesses et les dieux sont polymorphes et la perception du temps, cyclique, différente de notre vision linéaire.
Ainsi le solaire œil de Rê, qui prit aussi l’aspect d’une lionne, de retour de Nubie, ayant apaisé sa fureur dévastatrice, devint l'uræus, le cobra femelle protecteur du pharaon.
Les traits du visage des statues touchant à l’éternité peuvent ne pas être idéalisés, mais individualisés, ils prennent parfois l’aspect d’une adoratrice.
L’une d’elle, Chépénoupet a adopté Aménirdis qui jouera un important rôle diplomatique. Portant tous les attributs du pharaon : fouet, sceptre, diadème, elle possède personnel dédié, chambellan et intendants, un domaine agricole et bien que de dynastie en dynastie, les conditions changent, le terme de recluse lui est attribué, elle réside dans un harem. Je ne connaissais de « main de Dieu » que celle de Maradona, pourtant elle désignait depuis belle lurette, cette prêtresse particulière chargée d’apaiser et d’exciter le dieu et pas seulement, si j’ai bien compris,
avec des sistres, hochets métalliques à fort potentiel dissonant pour assurer sa régénération, lorsque sa barque est accompagnée en procession de fêtes en fêtes.
Les symboles foisonnent : sur le contrepoids du collier incrusté de lapis lazuli, le soleil émerge d’un lotus.
Il est question rien moins que de la naissance du monde, de l’affrontement du bien et du mal dans la légende d’Isis qui reconstitua le corps de son mari et frère Osiris démembré par son frère cadet Seth.
Isis a élevé son fils Horus, parmi les papyrus des marécages et elle allaite celui qui sera au bout de tant de péripéties, l’héritier du trône.
Parmi de nombreux objets relatifs au culte nous revenons à l’origine palpable des mots tel que l’« égide », un bouclier.
Un étui  raffiné en bronze, matière rare, incrusté d’or rose et d’électrum (alliage d'or et d'argent) représente la face bienveillante du dieu, aux yeux insistants.
Un miroir assemble le disque solaire et un croissant de lune.
« Le sol ardent pétille, et l’Anubis d’airain
Immobile au milieu de cette chaude joie
Silencieusement vers le soleil aboie. »
José Maria de Hérédia.

 

mercredi 23 janvier 2019

Lacs italiens # 7. Maison de d'Annunzio

Journée prometteuse malgré quelques nuages. Nous partons pour SALO et GARDONE RIVIERA qui font face à Torri del Benaco.
Le GPS indique plus d’une heure de trajet en passant par l’autoroute où les camions circulent en grand nombre. Nous arrivons à Gardone vers midi ; nous souhaitons voir « Il vittoriale degli Italiani » mais comme la visite semble importante et demande du temps, nous préférons fureter un peu dans les environs et nous restaurer pour éviter ensuite les moments de faiblesse.
Nous tombons par hasard sur une bonne adresse du Routard 2018, la Pizzeria ai pines (piazza Garibaldi, 25083 Gardone Riviera) qui a l’avantage d’offrir une grande terrasse ombragée surplombant le lac scintillant de soleil. Nous nous y installons pour déguster notre 1ère pizza du séjour (à 6 ou 8 €), consistante.
Le ventre lesté, un café à grimper aux rideaux pour digérer, nous nous acheminons vers l’entrée de la « villa » de Gabriel d’Annunzio. Nous bénéficions de tarifs séniors à 13 €, moi compris grâce à la gentillesse ou la compassion de la caissière lorsque je demande timidement « e professore » ? 
Nous pouvons nous promener dans les jardins avant la visite guidée en français prévue à 14h 42.
A l’entrée, des bougainvilliers roses explosent en pleine santé avec des grappes parfaites de fleurs colorées. Trois femmes s’activent à nettoyer, cimenter ou peindre des parties architecturales intégrées à la nature.  
Nous ne sommes pas vraiment convaincus par les sculptures exhibées, que ce soit les aigles, une oreille rose posée sur la pelouse ou autre (comme l’adolescence) en matière gris sombre et sale qui donne un aspect morbide.
Nous déambulons dans la chaleur vers le théâtre, la roseraie, le cimetière des chiens où des petites statuettes à têtes canines surgissent de terre, à côté de la tombe de la fille du poète à l’ombre des cyprès.
En contrebas, on aperçoit « le lac des danses » tout petit au bout d’une ravine ponctuée de statues.
Nous nous rapprochons du « Prioria », nom de la villa, et attendons à l’ombre l’heure de la visite intérieure. Nous avons droit à une guide pour nous quatre, parlant parfaitement le français. Que retenir de cette maison ?
- Entrée assez étroite, très sombre avec en haut de quelques marches 2 accès différents :
à droite de la colonne centrale, étaient dirigés les créanciers et les politiques, soit les indésirables
à gauche, les intimes et les amis.
- A droite : salle d’attente. Une phrase du propriétaire écrite à propos du miroir sur lequel elle est inscrite invite celui qui patiente à réfléchir ; on peut voir aussi un joli lustre vénitien et un meuble à gramophone, une radio.
- Salon de musique avec 2 pianos à queue destinés à la dernière compagne de d’Annunzio qui vécut ici ses 17 dernières années. Il a voulu reproduire une tente du désert en disposant des tentures  aux murs et au plafond. Des citrouilles en verre coloré diffusent une belle lumière cependant parcimonieuse, car elle le faisait souffrir, il y  était photosensible  suite à la guerre où il  avait perdu un œil. Il appréciait la musique, et la maison dispose de plusieurs pianos ainsi que de 2 orgues.
- La villa avait le confort le plus  moderne de l’époque, équipée  de  WC, de salles de bain ; mais même ces endroits intimes sont submergés par la présence d’objets collectés souvent d’origine orientale.
- Beaucoup de livres, de bibliothèques tapissent la plupart des murs, dont une collection d’ouvrages en français dans le bureau du « manchot ».
Dépassé par le courrier des politiques ou les relances des créanciers, il évitait de répondre en se faisant passer pour manchot. Pratique. A côté, il inventait des mots dans un atelier.
Il y mentionne que  « Pour ne pas mourir », il fait don de cette villa au peuple italien. Ironie ?


mardi 22 janvier 2019

Le syndrome de Stendhal. Aurélie Herrou.

Un jeune homme hors du monde, il est duc, bien peu impliqué dans son mariage qui s’annonce, commence un nouvel emploi à Beaubourg comme gardien. Il  découvre l’art moderne.
Les BD, même en dehors des biographies d’artistes, affectionnent de traiter des enjeux, des plaisirs et des consolations que l’on trouve à fréquenter les œuvres d’art, d’autant plus que des musées sollicitent les auteurs pour fournir en produits dérivés les boutiques à la sortie des expos.
Le personnage principal est bien falot et ne s’anime que dans la danse avec claquettes, les propos concernant la création sont assez attrayants mais sans saveur excessive. Les dessins sont agréables et la reconnaissance de tableaux fameux toujours intéressante, quand ce n’est pas  vraiment désagréable de se sentir « happy few ». 120 pages qui se laissent lire.

lundi 21 janvier 2019

Monsieur. Rohena Gera.

Les différences de classe, de caste, ne se résolvent pas si facilement, même avec de la gentillesse et de l’intelligence. Le film révèle dans une Inde contrastée, l’énergie des femmes en particulier, avec des relations entre une servante et son maître sortant des schémas simplistes.
Elle écoute le mélancolique, il donne confiance à la belle et valeureuse Tillotama Shome. 
Au dessus de la ville grouillante dans leur bulle de silence, les acteurs sont émouvants.
Le dernier plan qui laisse croire que l’amour peut permettre d’échapper à tous les tabous séculaires relève-t-il d’un fatal happy end ?
L’utopie est nécessaire pour ne pas se faire une raison de tant de déraisonnables injustices dont la résistance a été finement décrite.
Ceux qui aiment le cinéma en couleurs, les romantiques et les curieux d’une civilisation complexe pourront s’y retrouver.

dimanche 20 janvier 2019

Comme un trio. Jean Claude Gallotta.

Pour les amis avec lesquels je partage des émotions au théâtre et en danse, j’ai joué pendant longtemps le rôle du fidèle au chorégraphe des Alpes, alors que eux s’étaient lassés ; eh bien cette fois, au-delà de l’esprit de contradiction que je chéris, ils ont mieux aimé ce spectacle que moi.
Bien que le format à trois dans la petite salle de la MC 2 et un plateau nu avaient pu se prêter parfaitement  à Camus, http://blog-de-guy.blogspot.com/2015/09/letranger-jean-claude-gallotta.html je n’ai pas retrouvé la désinvolture, la légèreté de Sagan et encore moins la mécanique de «  Bonjour tristesse » prétexte à cette heure de danse en manque de fluidité, semblant se chercher malgré les caractères forts d’une brune et d’une blonde qui expriment davantage la douleur que l’insouciance ou les émois de la jeunesse.   

samedi 19 janvier 2019

Mes amis. Emmanuel Bove.

Sur les conseils d’une libraire, je suis allé voir du côté de chez celui dont Pierre Michon dit que « sa lecture est unique ».
Le format des éditions  de « L’arbuste véhément » est agréable, prêt à être fourré dans une poche quand on met un malin plaisir à se distinguer dans le tram avec un livre.
L’écriture est originale, sincère, claire et nette. Mais le pauvre narrateur vivant d’une pauvre pension après la première guerre, a la solitude pathétique. Elle l’entraine dans une recherche si maladroite d’amis que le malaise s’installe.
« Je songeai à ma vie triste, sans amis, sans argent. Je ne demandais qu’à aimer, qu’à être comme tout le monde. Ce n’était pourtant pas grand-chose.
Puis, subitement, j’éclatais en sanglots.
Bientôt, je m’aperçus que je me forçais à pleurer. »
Toutes ses rencontres sont des échecs et si nous sommes loin des amis abusifs des réseaux sociaux, sa quête est tout aussi artificielle à l’époque où un riche pouvait recevoir un pauvre :
«  Mon brave, je vous ai fait venir parce que je m’intéresse aux pauvres. »
Ces 200 pages écrites dans les années 20 sont d’une facture très actuelle et si certains y voient de l’humour, je ne suis pas parvenu à prendre de la distance avec tant de sombre accablement.
Sa lucidité plaintive ne rend pas sympathique cet homme désœuvré tellement obnubilé par lui même qu’on aurait du mal à devenir l’ami d’un personnage aussi puéril et vétilleux.
Il rencontre enfin une femme :
« Qu’aurait fait Blanche, si nous avions rencontré sa meilleure amie ? M’eut-elle quitté ? Ou bien si, tout à coup une douleur l’eût empêchée de marcher ? Ou bien encore si elle avait cassé une vitrine, ou déchiré sa jupe, ou bousculé un passant. »


vendredi 18 janvier 2019

« Dis moi qui tu hais, je te dirai qui tu es »

Parmi les gravats d’une société qui brûle ses vaisseaux et pas seulement ses bagnoles, je ramasse la formule où persiste quelque subtilité orthographique. Une formule de plus pour refuge numérique cerné par les algorithmes et les fausses nouvelles.
Mais à Nairobi ou à Gdansk pas de jeu de mots, et ici ce ne sont pas seulement les bourre-pif qui sont violents, les silences lâches m’inquiètent bien davantage.
Le président de la République encaisse tous les ressentiments quand le dispositif se mettant en place pour « Le grand débat » pourrait amortir tant d’agressivité.
Le consentement aux plus ensauvagés des propos, aux plus irascibles postures, à la plus outrancière des haines, devient banal. Ce mot « consentement », familier dans l’expression « consentement à l’impôt », est devenu incongru dans cet usage, la reconnaissance de l’intérêt, des biens communs, voire du sens commun, n’allant plus de soi.
Les mâles slogans (« Macron démifion ») vont de pair avec une disparition des pères.
Des femmes seules étaient bien visibles sur les ronds points, n’ayant peut être pas accepté les compromis de la maturité, comme les pères qui leur ont laissé leurs enfants sur les bras. Ils ne se privent pas de gueuler contre l’autre, le chef.
Les mouvements sociaux se parent bien sûr des couleurs des ancêtres, mais ne serait ce  qu’une guillotine revenue, celle-ci n’en finit pas d’éteindre les lumières : Badinter reviens, ils sont devenus fous.
En 68, nous souhaitions une société nouvelle, en 2019 pour les biberonnés au « vivre ensemble » c’est « pas de société », tout court, qu’ils clament, hystérisant ou fuyant les débats.
Nous avions l’impression au printemps de mettre à bas quelques cathédrales en jetant la culpabilité aux enfers, alors que c’est elle qui nous avait humanisés.
Etranger à soi même, comment ne pas l’être aux autres ?
Les conditions économiques déterminantes n’épuisent pas tant de causes venues de très loin qui ont à voir avec nos manières éducatives, à moins d’être persuadé qu’elles étaient inoffensives.
Quand advient le crépuscule, peut-on entrevoir, à défaut de Dieux, quelques hommes de paroles ? Une ligne dans un magazine où Sylvain Tesson rappelle le sens du mot colère = « hors de soi », fera l’affaire.
Il y aurait bien un million de personnes qui samedi après samedi impressionneraient les écrans que le label « peuple » ne pourrait leur être décerné. Les recalés du pouvoir leur courent après, s’enivrant du pouvoir de nuire au détriment de celui de construire.
«  Et un et deux et braséro ! » plutôt que l’élaboration patiente et courageuse de propositions.
Le journal « Alternatives économiques » qui ne peut être soupçonné de macronisme galopant, dans un numéro sur les campagnes avance quelques données incroyables :
« L’abandon par l’Etat ? Les territoires ruraux restent les mieux dotés en subventions publiques. L’exode ? Il s’est discrètement renversé il y a quarante ans, au point que si exode il y a aujourd’hui, il est plutôt ­urbain. Le déclin économique au profit des grandes villes ? Ce serait oublier que les territoires non métropolitains ont vu, depuis les années 1980, leur situation socio-économique s’améliorer plus vite que celle des métropoles. »
« Une voiture pleine est moins polluante qu’un bus mal rempli, lui-même moins ­polluant qu’un train quasi vide. »
Pour relever ceci, je me mets dans la peau d’une « hyène dactylographe », le mot était d’un dignitaire soviétique à l’égard de Sartre, pour rappeler que les excès ne datent quand même pas d’aujourd’hui, mais n’étaient pas mis à la portée de tous les écoliers pour qui « Macron démission » est devenu une comptine.