vendredi 18 janvier 2019

« Dis moi qui tu hais, je te dirai qui tu es »

Parmi les gravats d’une société qui brûle ses vaisseaux et pas seulement ses bagnoles, je ramasse la formule où persiste quelque subtilité orthographique. Une formule de plus pour refuge numérique cerné par les algorithmes et les fausses nouvelles.
Mais à Nairobi ou à Gdansk pas de jeu de mots, et ici ce ne sont pas seulement les bourre-pif qui sont violents, les silences lâches m’inquiètent bien davantage.
Le président de la République encaisse tous les ressentiments quand le dispositif se mettant en place pour « Le grand débat » pourrait amortir tant d’agressivité.
Le consentement aux plus ensauvagés des propos, aux plus irascibles postures, à la plus outrancière des haines, devient banal. Ce mot « consentement », familier dans l’expression « consentement à l’impôt », est devenu incongru dans cet usage, la reconnaissance de l’intérêt, des biens communs, voire du sens commun, n’allant plus de soi.
Les mâles slogans (« Macron démifion ») vont de pair avec une disparition des pères.
Des femmes seules étaient bien visibles sur les ronds points, n’ayant peut être pas accepté les compromis de la maturité, comme les pères qui leur ont laissé leurs enfants sur les bras. Ils ne se privent pas de gueuler contre l’autre, le chef.
Les mouvements sociaux se parent bien sûr des couleurs des ancêtres, mais ne serait ce  qu’une guillotine revenue, celle-ci n’en finit pas d’éteindre les lumières : Badinter reviens, ils sont devenus fous.
En 68, nous souhaitions une société nouvelle, en 2019 pour les biberonnés au « vivre ensemble » c’est « pas de société », tout court, qu’ils clament, hystérisant ou fuyant les débats.
Nous avions l’impression au printemps de mettre à bas quelques cathédrales en jetant la culpabilité aux enfers, alors que c’est elle qui nous avait humanisés.
Etranger à soi même, comment ne pas l’être aux autres ?
Les conditions économiques déterminantes n’épuisent pas tant de causes venues de très loin qui ont à voir avec nos manières éducatives, à moins d’être persuadé qu’elles étaient inoffensives.
Quand advient le crépuscule, peut-on entrevoir, à défaut de Dieux, quelques hommes de paroles ? Une ligne dans un magazine où Sylvain Tesson rappelle le sens du mot colère = « hors de soi », fera l’affaire.
Il y aurait bien un million de personnes qui samedi après samedi impressionneraient les écrans que le label « peuple » ne pourrait leur être décerné. Les recalés du pouvoir leur courent après, s’enivrant du pouvoir de nuire au détriment de celui de construire.
«  Et un et deux et braséro ! » plutôt que l’élaboration patiente et courageuse de propositions.
Le journal « Alternatives économiques » qui ne peut être soupçonné de macronisme galopant, dans un numéro sur les campagnes avance quelques données incroyables :
« L’abandon par l’Etat ? Les territoires ruraux restent les mieux dotés en subventions publiques. L’exode ? Il s’est discrètement renversé il y a quarante ans, au point que si exode il y a aujourd’hui, il est plutôt ­urbain. Le déclin économique au profit des grandes villes ? Ce serait oublier que les territoires non métropolitains ont vu, depuis les années 1980, leur situation socio-économique s’améliorer plus vite que celle des métropoles. »
« Une voiture pleine est moins polluante qu’un bus mal rempli, lui-même moins ­polluant qu’un train quasi vide. »
Pour relever ceci, je me mets dans la peau d’une « hyène dactylographe », le mot était d’un dignitaire soviétique à l’égard de Sartre, pour rappeler que les excès ne datent quand même pas d’aujourd’hui, mais n’étaient pas mis à la portée de tous les écoliers pour qui « Macron démission » est devenu une comptine.   

1 commentaire:

  1. Il peut être dangereux de s'appeler "Emmanuel" dans un pays où l'anticléricalisme est tout de même un sport national dans certains secteurs de la population.
    Nous n'oublions pas ce qui est arrivé à Emmanuel, n'est-ce pas ?
    Un déchainement de haine, pour accabler d'injures, et réclamer la peau (en sacrifice..) d'un bouc émissaire qui avait déçu... le peuple.
    Pour l'exode, je pense qu'on pourrait vraisemblablement voir les mêmes choses qu'on voit au Canada : pas mal de citadins qui ont des maisons de campagnes, et viennent les investir pendant les périodes de vacances.
    Question : le citoyen citadin en maison de campagne est-il un rural ?
    Il m'arrive de voir mes amis... "cultivés"... traiter les classes populaires, citadines ou rurales, de pèquenauds. Le mépris des uns par les autres, et vice versa, est à son comble.

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