A l’approche des 90 ans de la construction de la Tour emblématique de la ville
de Grenoble, la conférence du docteur en histoire de l’art et architecture
devant les amis du musée dépassait le simple exposé, en appelant la nécessité
de restaurer le bâtiment fermé au public depuis les années 60.
Le montant de la facture évalué à 7 à 8 millions risque de
s’élever encore, suivant la vitesse exponentielle des dégradations. Elle qui ne
coûta à l’époque que l’équivalent de 130 000
€ ; ce fut d’ailleurs un des
arguments pour qu’Auguste Perret emporte le concours d’architectes par ailleurs
bien aménagé en sa faveur.
Marie Dormoy critique littéraire l’introduisit dans les milieux de l’art, et leur liaison amoureuse n’est pas anecdotique:
« Tu ne peux pas
savoir très cher à quel point je suis touchée d’avoir la Tour comme filleule.
Je l’accepte avec joie
et qu’elle soit l’image de notre amour. »
L’influence du maire Paul Mistral conjuguée à celle du
conservateur du musée Pierre-André
Farcy fut déterminante. Franc maçon, l’architecte travaillait aussi avec
son frère qui dirigeait une entreprise de construction.
« La tour pour regarder les montagnes » de section
octogonale, mesure 95 m
de haut avec la flèche au dessus de fondations allant à 15 m de profondeur. Ses huit
piliers réunis par des anneaux forment une colonne de style ionique dont
l’érection ne suscita pas de polémique, seulement des jalousies d’autres
architectes.
Lors de l’inauguration, par Paul Painlevé président du conseil,
deux députés sont restés coincés dans l’ascenseur et enfermés dans la tour.
Herriot était un de ceux là, ce fut peut être la seule fois où il sauta un
repas.
Fils d’un tailleur de pierres, le « seul architecte du
vingtième siècle, aimait-il à dire, avec Le Corbusier », il est l’héritier
d’une démarche rationaliste et classique.
Il mit en valeur le béton, fleuron à l’époque du
« style français », et va innover avec cette structure légère et
continue qui a nécessité un chantier
complexe mené en seulement sept mois. Les coffrages sont modulaires et les
moules pour pré-fabriquer des éléments
de remplissage sont réemployés à partir d’une église qu’il avait construite au
Raincy.
Le ciment ne provient pas des dizaines d’entreprises qui
rivalisent alors sur Grenoble, mais de Marseille.
Redonner une seconde jeunesse à la première tour en béton
armé du monde, peut être un projet excitant pour les labos de recherche sur le
ciment de L’Isle d’Abeau, l’école d’architecture, les artisans, les chercheurs
en sismologie de l’Université Joseph
Fourier, les artistes et les techniciens. Retrouver la vocation première de la
tour, seul vestige de l’Exposition internationale de la Houille Blanche et du tourisme
est un beau défi. Au pays de la recherche et des sciences, quelque lumière
devrait apparaître ; tous les partis politiques s’étant prononcé pour
cette restauration. Les hautes technologies au service du patrimoine :
quoi de plus consensuel ?
Le défi technique complexe est passionnant car il s’agit de
traiter fer et béton, de trouver des formules de matériaux de réparation qui
accrochent par-dessus des ciments « Le Flambeau » qui ne se font plus.
La porosité des substances nouvelles doit être identique et ne pas se décolorer
différemment des supports qui doivent rester primordiaux par rapport aux
restaurations.
L’architecture loin d’être immuable connait les contraintes
du temps qui passe, des aménagements, des ajouts, des transformations, dans ce
cas la tour qui connut une belle table d’orientation à 60 m du sol , est « dans
son jus » initial contrairement aux bâtiments qu’Auguste Perret construisit
à Amiens, ou au Havre « un exemple
exceptionnel de l'architecture et de l'urbanisme de l'après-guerre ».
« L’architecture,
c’est ce qui fait les belles ruines » disait-il.
Une association "Ensemble pour la Tour Perret de Grenoble" s'est montée,