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jeudi 27 mai 2021

La revue du Crieur. N°15 février 2015.

Paraissant trois fois par an, cette publication répond à un des intitulés : « plongée dans la fabrique des idées ».  Mais il convient de prendre son souffle, sans croire qu’il s’agit comme une autre publicité le proclame « sans chapelles » : c’est une publication de Médiapart, intéressante et quelque peu orientée.
La date de parution a son importance. La question posée dans un article «  Doit-on protéger les enfants ? » laissant entendre que la notion de protection est un signe de la domination adulte serait sûrement à revoir. « La vulnérabilité supposée » des enfants parait scandaleuse aujourd'hui.
Le constat sur le long terme concernant l’éducation nationale de Nathalie Quintane ne laisse aucune illusion : il est titré « R.I.P. ». Ses descriptions où une trousse, les toilettes bouchées , prennent toute la place et traduisent avec verve l’ennui de collégiens, comme une visite à la médiathèque voisine provoque rire amer et désespoir. Les photographies d’une sinistre école Robespierre ou Babeuf un jour d’hiver, voire la fière inscription Rosa Parks sur un collège de Gentilly ponctuent 40 pages sur 160. L’écrivaine est plus convaincante que la politique : bien qu’encore jeune, elle a la nostalgie de professeurs rebelles des années 70 et sa radicalité qui la conduit à mettre tous les ministres dans le même sac d’Haby à Blanquer ne la rend pas très crédible.*
L’enquête sur l'Organisation Internationale pour les Migrations offrant des subventions à des artistes africains pour dissuader leurs compatriotes de mettre leur vie en péril en traversant la Méditerranée m’a paru une démarche intéressante, plutôt qu’un scandale quand le rédacteur parle de messages « sédentaristes ».
A la rubrique « Monde des idées », les mots nouveaux, pour un étranger au monde universitaire, ne manquent pas: à vocation intersectionnelle l’ « écologie queer » se cherche, comme les « undercommons », alors que les « maintenance studies » iraient à l’encontre des innovations bien que «  l’accélérationnisme de gauche » comporte des angles morts. C’est qu’il ne convient pas de s’appesantir sur le « cognitariat ». 
Si la critique d’Uber essentiellement sous l’angle spéculatif ne rend pas compte des motifs du succès éclair de cette entreprise, 
l’approche des évolutions du marché de l’art négligeant les caractéristiques de la matière même des objets de ces transactions est également partielle.
Le portrait de Renaud Camus, l’obsédé du « grand remplacement » est documenté, mais que penser de la critique de cette idole des suprémacistes blancs et de son esthétique vénérant la violence, le chaos, 
alors que la bombe aérosol, dont l’histoire est contée par ailleurs, va
 se heurter avec ses graffs « aux stratégies de maintien de l’ordre social et esthétique des villes »?
Voir dans la panne d'électricité à New York de l'été 1977, « une fenêtre sur l’émancipation » est tout aussi excessif que le terme « nuit des animaux » qui avait alors été retenu par la presse américaine.
Il est aussi question de « StripTease », la défunte émission de télévision, politiquement incorrecte, 
et de sex-toys qui bien qu’évoqués en écriture inclusive concernent essentiellement les femmes.
Le reproche adressé aux créateurs qui se sont exprimés sur l’Europe, recourant à des « oppositions faciles et usées » pourrait s’appliquer à bien des rédacteurs de cette revue.
.....................
 * Le livre de Nathalie Quintane « Un hamster à l’école » dont sont extraits plusieurs chapitres, développe sur 198 pages une vision désespérante de l’école où les enseignants et les élèves  s’ennuient. Mais ce parti pris ironique, vachard, est fascinant, porté par une écriture peut-on dire poétique ? Oui. Les ouvrages à propos de l’école sont souvent le fait de profs remarquables, elle, est en retrait, en surplomb, tout en ne se donnant pas forcément le beau rôle. Son tranchant, revigorant, à la lucidité vaine, s’il change des propos nostalgiques et des vœux pieux, est le reflet amer d’une époque qui a abandonné ses ambitions éducatives.

samedi 8 mai 2021

Secouez la neige. Alain Rémond.

La notoriété de l’auteur encore présente dans mes souvenirs
m’a conduit à choisir ce petit livre de 76 pages comme on en fabrique de plus en plus.
Las, la maigre intrigue autour de coups de téléphone entre Jérome Epilogue et son amoureuse aurait pu tenir au format d’une nouvelle, voire une brève chronique comme il savait en rédiger avec légèreté jadis.
Le caractère cocasse revendiqué est téléphoné, plombé par des répétitions barbantes qui veulent signifier l’incommunicabilité entre les êtres mais ne débouche que sur la déception de voir s’abimer une plume sans l’humour que j’eus apprécié. L’absurde des situations est laborieux, les sentiments absents.
Le titre appelant la poésie, était déjà démenti par le bandeau qui proclamait : « Irrésistible Epilogue » du nom de l’employé de bureau né à Romorantin, pâle et triste narrateur de cette histoire dispensable.

vendredi 30 avril 2021

Et après ? Hubert Védrine.

Ces 136 petites pages pourraient être rassurantes de la part d’un commentateur délivré de ses missions diplomatiques (5 ans au Quai d’Orsay) aux propos modérés et documentés  toujours agréables à entendre.
Le titre marque l’urgence, bien que « les renardeaux s’invitant au père Lachaise » portent la marque d’un premier confinement dont on retient la pureté du ciel, alors que celui-ci s’est assombri depuis.
Le « monde d’avant » n’a pas vu venir la pandémie, est-ce que celui d’ « après » dont les contours sont fantomatiques, pourra concilier la solidarité et l’interdépendance, la technologie  et l’humain ? Etre plus équitable ? 
«Outre ce que la pandémie a révélé brutalement aux plus distraits, il y a aussi  des risques qu’elle a réveillés, toutes les régressions possibles dans les comportements internationaux vers un monde plus brutal encore, à commencer par le bras de fer entre les Etats-Unis et la Chine, l’affirmation hégémonique de la Chine en Asie du Sud Est, les affrontements au sein de l’Islam, etc. » 
Le fin connaisseur des rouages de la mondialisation développe une de ses réponses : « l’écologisation » comme processus de transformation de l’agriculture, de l’énergie, des transports, du bâtiment, du système financier, de l’industrie (l’activité numérique représentait en 2019, 4% des rejets de gaz à effet de serre, plus que le trafic aérien).
Au pays le plus pessimiste du monde :« nous ne le sommes pas à cause de nos handicaps, mais handicapés par notre pessimisme », la modestie de celui qui est un expert se remarque. 
Il cite beaucoup d’autres responsables, des géopoliticiens, des écrivains, des PDG et parmi les économistes : 
« Daniel Cohen s’attend à la fin du capitalisme mondialisé, à une accélération du capitalisme numérique, de réseaux, à une économie sans croissance ».

jeudi 29 avril 2021

Ceux de 14. Figaro hors série.

Du temps de ma jeunesse, lecteur de Libération, il se disait quand passait un corbillard que le Figaro perdait alors un lecteur, je ne lis plus Libé et les crématoriums se sont installés loin des rues passantes.
La devise due à Beaumarchais « Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur. » figurait en dernière page du journal d'une droite plus fréquentable que le camp des populistes aux matins désenchantés.
Le thème de « La Grande Guerre  de 14 /18», d’ailleurs rarement écrit sous cette appellation  tout au long de ces 114 pages, est toujours porteur de sentiments forts, quand se comptent en dizaine de milliers les morts en un jour ou les volontaires défilant avec Hemingway à New York avant de traverser l’Atlantique.
Les productions sont encore nombreuses à ce sujet,
Cette publication au moment où Maurice Genevois, était reçu au Panthéon
«  Ce que nous avons fait, c’est plus qu’on pouvait demander à des hommes »  
permet de réviser quelques acteurs de cette guerre. 
« Tu n’en reviendras pas 
Toi qui courais les filles 
Jeune homme dont j’ai vu
Battre le cœur à nu 
Quand j’ai déchiré ta chemise » Aragon
Du « Dieu que la guerre est jolie » de Guillaume Apollinaire 
à Cendrars : «  Cette pute d’existence »,  
Péguy mort au front :  
«  Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles 
Couchés dessus le sol à la face de Dieu », 
Barrès: «  Debout les morts » : 
les citations peuvent pleuvoir, toutes remarquables, elles nous excuseront de ne pas retourner «  A l’Ouest rien de nouveau », ni approcher «  Le feu », pas plus que « La comédie de Charleroi » de Drieu la Rochelle, pourtant : 
«  Les hommes qui ne savent plus créer de statues, des opéras, ne sont bons qu’à découper du fer en petits morceaux. Ils se jettent des orages et des tremblements de terre à la tête, mais ne deviennent pas des dieux. Et ils ne sont plus des hommes ».
Les présentations sont variées et la liste de tous ces auteurs considérables serait bien fastidieuse menant jusqu’à Radiguet dont « Le diable au corps » fit dire à Paul Morand  
« Une peinture effrontée de grandes vacances au milieu des croix de bois ».
Des présentations bien écrites dynamisent la lecture et mettent en évidence l’absurde chez Barbusse: 
« Cette guerre c’est la fatigue épouvantable, surnaturelle » 
alors que chez Dorgelès la vie l’emporte. 
Dès 1929, Jean Norton Cru, ancien fantassin,  jugeait  
« sacrilège de faire avec notre sang et nos angoisses de la matière à littérature », 
avait classé deux cents quarante six auteurs, de l’excellent Genevois au nul Montherlant.

jeudi 22 avril 2021

Le dernier enfant. Philippe Besson.

Mon enthousiasme pour ces 200 pages contredit les avis mitigés que j’avais pu porter sur deux des ouvrages précédents de Philippe Besson, à ne pas confondre avec Patrick Besson, ni avec les Tesson
L’émotion élémentaire qui vient avec ce récit retraçant le départ hors du nid du petit dernier de la famille, tient à la clarté de l’écriture, à l’évidence de ces heures, à la sobriété de l’histoire. 
«  Anne- Marie a toujours aimé les déjeuners au restaurant avec ses enfants, sans doute parce qu’ils étaient rares. Ils n’avaient jamais vraiment le temps et ils n’avaient pas vraiment les moyens. Et puis Anne-Marie est une excellente cuisinière : à quoi bon aller jeter l’argent par les fenêtres pour manger moins bien qu’à la maison. »
 La situation est banale et les sentiments universels sont d’autant plus forts qu’ils sont retenus. Les plus petits détails ont leur beauté, non telles les images que Delerm encadre, mais s’inscrivant dans un quotidien terriblement ordinaire où le tragique n’est jamais loin. Et l’amour aussi.  
« Certes le départ de Théo l’affecte beaucoup, elle l’admettrait sans difficulté, si son mari ou qui que ce soit lui posait la question, elle répondrait oui, oui bien sûr, comment il pourrait en aller autrement, il faudrait être insensible, ne pas avoir de cœur pour se comporter comme si rien n’était, et d’ailleurs, il n’y a pas de honte à ça, personne ne lui ferait le reproche, tout le monde sait que c’est douloureux le jour où les enfants s’en vont… »

jeudi 1 avril 2021

Nouvelles complètes. Ernest Hemingway.

Des lettres ponctuent 78 nouvelle  en 1252 pages. Ce volume est impossible à lire sans faire des pauses entre chaque histoire intense mise en place dès les premières lignes, de Venise à Paris, des rivières du Wyoming aux neiges du Kilimandjaro, des défenses immenses d’éléphants aux cornes des taureaux, de guerre civile espagnole en pièges sanglants après le débarquement, de bars sombres en infinis océaniques …
Limpide et informé :  
« Le pré était humide de rosée et Nick voulait attraper des sauterelles comme appât avant que le soleil n'eût séché l'herbe. Il trouva beaucoup de belles sauterelles; elles se tenaient au pied des pousses d'herbe. Parfois elles étaient suspendues aux lames d'herbe. Elles étaient froides et mouillées par la rosée et étaient incapables de sauter avant que le soleil ne les eût séchées... »  
Corsé : 
« Quand vous avez eu la langue bien brûlée par de la lessive, le vin fait dans votre bouche le même effet que l’eau croupie, la moutarde a pour vous le même goût que de la graisse d’essieu » 
 Objectif :  
« Le grondement crépitant de l’artillerie dont les batteries étaient installées derrière nous et les coups sourds des explosions que suivait l’apparition de nuages de poussière jaune se gonflant en volutes. Mais nous étions juste un peu trop loin pour prendre un bon film. »
 Ses correspondances marquent sa confiance et sa rectitude : 
« Pour votre information dans les histoires concernant la guerre j’essaie d’en montrer tous les différents aspects, l’abordant lentement et honnêtement et l’examinant de plusieurs manières. Ne pensez donc jamais qu’une histoire représente mon point de vue car les choses sont plus compliquées que ça. » 
«  Trois de ces histoires sont trop terribles pour les écrire mais je m’efforce de les écrire très simplement et délicatement mais avec les vrais mots »  
De belles leçons d’apprentissage : 
« Nous pourrions aller au marché ensemble ou à un combat de coqs et ensuite chacun de nous écrirait ce qu'il a vu. Ce qui se passait et que tu as vu et qui est resté. Des choses comme les éleveurs qui ouvrent le bec de leur coq et leur soufflent dans la gorge quand l'arbitre les laisse les prendre et les manipuler, avant que le combat reprenne. Les petites choses. Pour voir ce que chacun de nous a vu. »

jeudi 18 mars 2021

Lettre à ce prof qui a changé ma vie.

Je n’aurais pas acheté ce livre composé de 40 lettres demandées à des « personnalités » après la mort de Samuel Paty, pour éviter l’impression de m’attarder dans un mausolée.
Mais jamais vraiment sorti d’ « Entre les murs » des écoles,
il fallait bien qu’on m’offrit ces 156 pages.
Bien entendu les contributeurs souvent artistes ou écrivains ont privilégié les souvenirs de profs de français, il aurait été intéressant d’avoir des témoignages de médecins, de caissières, de chauffeurs de taxi… : 
« La plus belle chose que vous m'ayez apprise, c'est de mettre des points d'interrogation au bout de mes certitudes. » 
Le premier texte d’Abd Al Malik m’a pris à contrepied par rapport à quelques impressions critiques à l’écoute de certaines de ses interventions empesées. 
« Mon professeur de lettres, de latin, de français et de culture religieuse au lycée (en seconde et terminale) - qui allait m'apprendre, par le moyen de ces différents disciplines, que notre humanité n'était pas exclusivement fondée sur la notion de liberté, mais bien sur aussi l'entrave, la limitation, le refus volontaire d'agir comme bon nous semble, de se laisser porter par ses envies, ses obsessions ou ses pulsions. » 
Dans le genre bonne surprise, j’ai apprécié également la poésie de Cali et confirmé mes faveurs à l’égard de Jul, drôle et profond : 
«  Il serait de mauvaise manière d’élire parmi les profs croisés tout au long de l’enfance une ou deux figures d’exception qui éclipseraient par leur esprit et leur charme le travail constant d’une nuée d’enseignants : en vérité chacun d’entre eux a tissé la trame du vêtement qui nous drape aujourd’hui. » 
La diversité des approches, relevant toutes de la reconnaissance chaleureuse, de Christiane Taubira à  Marc Levy, rend la lecture agréable.
Il n’y a qu’Albert Algoud qui sous couvert d’originalité est hors sujet : le prof remarquable, c’est lui ! Même s’il est vrai pour tant d’autres contributeurs, qu’il était inévitable de parler de soi, quand la principale qualité d’un prof est de vous révéler à vous-même. 
« C'est là le plus grand don des professeurs, transmettre le savoir pour ouvrir les esprits, faire naître des désirs, et une farouche envie de vivre. »
 Un fanatique a décapité un prof et certains l'ont oublié bien vite.

 

jeudi 25 février 2021

Cher football français. Daniel Riolo.

Luis Fernandez a beau nommer le chroniqueur de RMC « l’intellectuel du foot », ces 240 pages tiennent davantage du pamphlet que de la thèse universitaire. L’écrit proche de l’oral, ponctué de quelques formules mordantes, rend la lecture agréable face à un constat plutôt sombre sur l’état du sport roi. 
« Blanc sans Gasset, c’est une tarte aux fraises sans fraises » 
Le manque de culture des décideurs qui vivent de ce sport n’atteint pas toujours les abysses où Rama Yade nous emmena : 
« A la coupe du monde il faudra se méfier de l’Uruguay, une sélection qui a brillé à l’Euro »
L’ancien abonné de la tribune Auteuil puis Boulogne est convaincant quand il s’insurge contre le mépris des journalistes politiques envers ceux du sport,  mais des sauts dans la cohérence apparaissent parfois. Il signale son changement d’appréciation quant au projet de ligue européenne qui verrait les plus grands clubs s’affronter alors que subsisteraient des championnats nationaux pour les autres. Il ne peut reprocher aux dirigeants de trop souvent choisir la fuite en avant, pour en faire de même. 
« On est le pays qui redistribue le plus et il n’y a jamais assez d’argent » 
S’il écarte les opinions les plus courantes à propos de l’argent-qui-pourrit-tout et remet en cause quelques évidences telles qu’aime les proférer l'efficace Didier Deschamp, sa persistance à donner la primeur au jeu est sympathique.
Les bons résultats de l’équipe de France où sont sélectionnés essentiellement des joueurs exerçant à l’étranger masque la régression des clubs où même la formation n’est plus ce qu’elle était. Le « trading » (spéculation) devient la norme et les jeunes expatriés de vanter dès leurs premières déclarations le professionnalisme de leurs nouveaux employeurs avant d’embrasser le blason du suivant.
« Pour gagner de l’argent, il faut une compétence. Pour le dépenser, il faut une culture. »  Alberto Moravia
On finit par s’intéresser davantage aux tactiques lors d’un marché quasi permanent qu’au prochain match. 
« Le miracle reprend forme en août. Le mercato vend de l'espoir. On perd les meilleurs et on fantasme sur les nouveaux. Les entraîneurs affichent des ambitions nouvelles, les dirigeants confirment. En août, tout est toujours plus beau. Quand le bronzage disparaît, les premières journées d'automne, les premiers matches de Coupe d'Europe renversent tout. Pas de doute, on est toujours aussi nul. » 
A l’instar d’Eric Neuhoff  auteur du « (Très) cher cinéma français », il dézingue et peu d’entraineurs ont ses faveurs en dehors de Galtier ou Bielsa. Par ailleurs il exprime clairement que Benzéma est meilleur que Giroud mais celui-ci est plus utile à l’équipe, loin du politiquement correct et des connivences qui sclérosent les structures du foot où le fait d’avoir joué en pro donne des avantages pour entrainer une équipe pro alors que comme le dit Sacchi : 
«  Il ne faut pas avoir été cheval pour être un bon jockey. »

 

lundi 25 janvier 2021

Soit dit en passant. Woody Allen.

« Il y a une jeune femme à qui j’ai demandé de m’épouser, elle s’appelle Soon-Yi, et par bonheur elle a accepté, mais cette histoire-là viendra plus tard et en recèle une autre. Soit dit entre parenthèses, j’espère que ce n’est pas la raison pour laquelle vous avez acheté ce livre. »
 
Mais bien sûr que si ! Pour la même raison qui a conduit Allan Stewart Konigsberg, dit Woody Allen à s’épancher sur 536 pages et pour retrouver aussi cet humour multipliant les dimensions de nos compréhensions, aujourd'hui menacé en particulier dans son pays où la publication de son livre a été entravée. 
« Tout ce que je réclame, c'est qu'on disperse mes cendres à proximité d'une pharmacie. » 
La première partie évoque son enfance puis comment il est devenu un cinéaste fécond mais  n’a pas la saveur de ses allusions cinématographiques lorsque la légèreté donne de la profondeur à la gravité.  
« Illettré et peu soucieux d’érudition, j’ai grandi comme un prototype de limaçon planté devant la télévision, canette de bière à la main, match de foot à plein volume, la page centrale de Playboy punaisée au mur, un barbare arborant la veste en tweed à coudières d’un professeur d’Oxford. »
L’auteur n’a jamais manqué de se mettre en scène, pourtant la construction est quelque peu répétitive d’autant plus qu’il faut attendre pour que soit abordée « l’affaire » qui a brouillé son image aux yeux des cinéphiles, et bien qu’il semble serein, a noirci une carrière proche de son terme. La désinvolture du titre souligne bien entendu tout son contraire : les étincelles du bûcher ont déjà goût de cendre.
Le récit détaillé du différend vis à vis de Mia Farrow et  de deux de ses enfants est convainquant, illustrant les dégâts de la  « cancel culture » (culture du bannissement) aggravés par un conformisme aux réflexes s’apparentant au maccarthysme.
« Et puis, être misanthrope, ça a du bon…les gens ne vous déçoivent jamais. »

 

samedi 23 janvier 2021

Yoga. Emmanuel Carrère.

J’allais écrire : « je viens de faire avec cet auteur un voyage beau et tranquille » 
et c’est vrai, alors qu’il est question de dépression sévère avec électrochocs, une « autobiographie psychiatrique », de migrants à Léros, de la mort de Bernard Maris dans les locaux de Charlie hebdo. 
Au départ il devait s’agir d’un « essai subtil et souriant sur le yoga ».
« Le yoga dit que nous sommes autre chose que notre petit moi confus, fragmenté, apeuré, et qu’à cette autre chose, nous pouvons accéder. »
Les chapitres sont courts et montent en puissance, le maître écrivain sait y faire. 
Nous sommes concernés comme Sacha, un de ses personnages, chef de la police dans un village russe, qui visionne la cassette mettant en scène son histoire tragique montée en parallèle avec un douloureux épisode personnel du célèbre auteur français : 
«  C’est bien. Tu n’es pas seulement venu prendre notre malheur : tu as apporté le tien. » 
Nous pouvons éprouver le plaisir de la lenteur qu’il nous laisse entrevoir dans ses moments d’exploration intérieure, que nous partageons intimement grâce à sa sincérité, son humour. 
«  Ce que je devrais faire, moi, c’est traquer les phrases qui commencent par « je ». Difficile ? Hors de portée ? Gros dossier. » « Je » nous concerne.
Ivresse, amour fou, sagesse, vie littéraire parisienne et solitude, scrupuleux compte rendus et rapports psychiatriques : un magnifique roman, fort et limpide. 
« Au cœur de cette passion, je ne voulais pas voir qu’elles étaient déjà là, en embuscade, la dépression et la folie. Je ne voulais pas entendre ce proverbe si cruellement vrai : 
« Qui a deux femmes perd son âme, qui a deux maisons perd la raison. » 
Il est question de courage et d’honnêteté: 
«   … si c’est du courage, c’est le courage du général Massu quand il s’applique à lui-même la gégène. Comme lui j’arrête quand je veux, je dis et tais ce que je veux… »

 

jeudi 21 janvier 2021

6 mois. N°20. Automne 20/Hiver 21.

Toujours aussi passionnant 
le recueil de photographies sur 300 pages est un des phares de l’information avec sa périodicité permettant d’aller à l’essentiel, où la virtuosité des artistes photographes est au service de nobles causes.
Je croyais tout savoir de la situation des noirs en Amérique et je ne recherchais  pas d’informations supplémentaires après la vague « Black Lives Mater » qui s’était polarisée sur les violences policières et pourtant il y a de quoi apprendre avec trois reportages sous le titre «  Goodbye América » nous rappelant :
- la misère dans 46 états,
- la peur et le combat de femmes noires dans le sud 
« Une femme noire sur cinq est une survivante de viol »,
- l’histoire d’une mexicaine devant franchir à nouveau la frontière.
22 photographes se réinventent lors du premier confinement : la diversité de leurs propositions prouve que la créativité peut être stimulée par la contrainte.
Cette fois c’est le photographe Reza, qui est mis en évidence : de Sarajevo à l’Afghanistan, au cours d’une vie où il a connu la torture et la prison, l’exil, l'Iranien propose des images essentielles.
Les « kumaris »  petites déesses  au Népal ne sont plus vénérées lorsqu’elles ont leurs premières règles : symbole exacerbé de la condition féminine où les menstruations sont un tabou honteux.
Les établissements de l’ancienne URSS dits « sanatoriums » où les travailleurs profitaient des bords de la mer noire ont du charme.
Par contre les portraits d’athlètes aux visages cachés ayant subi des violences sexuelles sont d’une efficacité qui amène à s’interroger sur la similitude des scénarios où le moniteur devenu ami de la famille : « Balance ton sport ».
Y a-t-il pires conditions que celle de ces africains coincés en Libye ?
Aung San Suu Kyi est descendue de son piédestal 
et l’existence d’une jeune femme trisomique en Allemagne est joliment mise en lumière,
dans la favella de Bello Horizonte apparaissent plutôt les moments festifs que la misère et le crime.
Le décor de l’album d’une famille en Ecosse est plus lisse mais la dignité ne masque pas complètement la précarité.  

 

samedi 16 janvier 2021

Un anthropologue en déroute. Nigel Barley.

Jubilatoire.
A travers le récit d’un séjour chez les Dowayo en terre camerounaise, nous nous retrouvons dans la même position d’observation que l’anglais qui est venu chez eux les examiner, et nous vérifions que l’humour est le chemin le plus sûr pour accéder à l’humanité. 
« Les anthropologues se sont assis aux pieds des saints indous ; ils ont vus des dieux étranges et ont été témoins de rites immondes ; enfin ils se sont rendus bravement là où nul homme ne s’était aventuré auparavant. Ils baignent dans les effluves de la sainteté et de la divine gratuité. Ils sont les saints patrons de l’Eglise anglaise de l’excentricité. Il n’était pas question de laisser passer la chance de les rejoindre. »
Pendant 261 pages d’aventures se développe une observation fine des mœurs d’une tribu dont la langue n’est plus parlée que par un petit nombre de personnes dont le narrateur. 
« Une bicoque miteuse se donnait de grands airs, affublée d’affiches vantant les mérites de la loterie nationale et les inconvénients de l’analphabétisme. C’était imparable : « Un adulte illettré est un bon à rien qui reste inaccessible à l’information. Il freine les initiatives prises pour accélérer l’accession du pays à un niveau de développement. » Mais qui pouvait lire cette affiche ? » 
Sans chichis. 
« Les chiens des Dowayo n’ont rien de très séduisant. Celui-ci était particulièrement repoussant. Il n’avait que la peau sur les os, des blessures ouvertes aux oreilles, noires de mouches, de grosses tiques sur le ventre. Il nettoya  l’intérieur du récipient avec ardeur. Après quoi on me présenta la calebasse remplie de bière. » 
Bien des énigmes resteront mystérieuses face à ce type universel de réponses : 
« - Pourquoi-tu fais ça ?
- Parce ce que c’est bien.
- Pourquoi c’est bien ?
- Parce que les ancêtres nous l’ont dit.
- Pourquoi les ancêtres te l’ont dit ? (sournois)
- Parce que c’est bien. » 
Cet ouvrage indispensable de 20 ans d’âge est au cœur des débats de l’heure. 
« Un étudiant noir foulani applaudissait au massacre des blancs au Zaïre sous prétexte qu’ils étaient racistes. Ils étaient blancs donc ils étaient racistes. Mais lui éventuellement, est ce qu’il épouserait une Dowayo ? Il me regarda comme si j’étais devenu fou. »