jeudi 26 juin 2025

Poitiers #2

Nous suivons les conseils de notre logeuse et partons à pied en ville que nous atteignons 20 - 25 minutes plus tard (environ 2km 2).
Nous devons attendre 11h l’ouverture du palais afin de nous inscrire à la visite guidée de la cathédrale de ce matin à 11h 30 et celle des hôtels particuliers de cette après-midi, comme  nous l’a recommandé l’employée de l’Office du tourisme hier.
Notre avance nous laisse le temps d’un café près de l’université et face à l’église Notre Dame.
A l’heure dite, nous rejoignons  La Cathédrale Saint Pierre où nous attend Valentine chargée de mener la visite ; elle s’avère très compétente et intéressante.
L’extérieur de l’édifice relève du gothique poitevin ou Plantagenêt. Ce style se différencie  du gothique de l’île de France  par son côté massif, sa hauteur moins importante, une absence d’arcs-boutants au profit d’épais contreforts, une absence d’abside et de chevet, remplacé par un mur droit, ses parois nues et une absence de vitraux bas. Par contre, la façade s’inspire  davantage du style gothique français avec ses 3 portails et sa rosace entièrement reconstruite au XIXème siècle.
Les  trois tympans de la façade représentent, à gauche, la dormition de la Vierge, au centre, le jugement dernier, et à droite, Saint Thomas touchant la plaie du Christ.
Pour le choix de Saint Thomas, il convient de rappeler qu’il incarne le saint patron des bâtisseurs
mais peut-être évoque-t-il aussi Thomas Becket ( évêque qui s'était opposé au roi d'Angleterre) ? Au-dessus du tympan central, dominent Saint Pierre puis encore plus haut au sommet, Saint Michel. Autrefois, le « bas peuple » pénétrait par une  entrée située sur le côté gauche. Plus petite, elle n’en était pas pour autant négligée.
En effet elle possède de ravissants chapiteaux racontant Hérode et le massacre des innocents,
la fuite en Egypte de Marie et Joseph,
ou reproduisant  les rois  mages dont l’un doit se recroqueviller par manque de place.
C’est par cette porte (porte Saint Michel) que nous pénétrons à l’intérieur.
Le sanctuaire comprend  trois travées, nef et bas- côté, sans chapelle,  surmontées de voûtes à niveau égal. Il s’en dégage une impression de vastitude.
Un dessin de labyrinthe  peint sur un mur près de l’entrée que nous avons empruntée attire l’attention. Il remplace et rappelle sans doute celui détruit qui était tracé au sol au centre de l’église.
Installés dès 1791, considéré comme l’un  plus fameux de France, l’orgue de François Henri Clicquot, échappa aux ravages de la révolution. Valentine nous fournit une explication que je connaissais mais à propos d’une autre église où un musicien du nom de Balbastre composa des variations sur « La Marseillaise »  et « Ah ça ira » pour prouver que le répertoire de cet instrument pouvait se mettre à un autre service que celui de la religion. Ainsi les révolutionnaires ne fondirent pas les tuyaux pour fabriquer des munitions.
Rendant hommage au saint patron de la cathédrale, Saint Pierre assis sur son trône bénit les croyants d’une main et tient  sa clé de l’autre. Sa statue ressemble fort à celle du Vatican avec ses pieds frottés et lustrés par les fidèles.
Concernant les verrières, le vitrail de la crucifixion constitue l’un des must de la cathédrale. Il illumine la partie centrale de l’édifice depuis 1160-70, c’est l’un des rares dans le monde chrétien à avoir pu traverser les siècles sans encombre. Bien sûr il a subi des nettoyages et de petites restaurations, mais il conserve une palette de couleurs  riche avec des rouges et des bleus magnifiques et son graphisme dénote d’une certaine modernité notamment pour Jésus. 
Outre la crucifixion du Christ, centre du vitrail, apparait celle de Saint Pierre, la tête en bas, et le supplice de Saint Paul. Le haut du vitrail présente l’ascension du fils de Dieu placé dans une mandorle et encadré par 2 anges à la posture chorégraphique. En-dessous du vitrail dans un quadrilobe, les donateurs Aliénor d’Aquitaine son époux Henri II  Plantagenet  et leurs quatre fils se mettent humblement sous la protection de l’église, avant de se déchirer quelques années  plus tard dans un conflit sans merci opposant la mère et les enfants contre le père.
Des peintures murales, il ne reste que peu de traces, à part des atlantes à la tête sculptée et au corps peint.
Cependant, des fresques du XIIIème siècle  cachées sous un badigeon depuis le XVIIIème furent mises à jour en 2012 lors de travaux dus à une fuite d’eau.  Réalisées sur les voûtes du transept, elles relatent des scènes de l’ancien testament remarquables par la fraicheur des coloris  « bleu foncé et rouge profond » : quatre épisodes ont été identifiés :
le sein d’Abraham, le Christ juge, le couronnement de la vierge, les anges tenant des couronnes. Notre guide insiste davantage sur le sein d’Abraham, autrement dit le paradis, dans lequel les élus prennent l’apparence d’enfants innocents et facétieux, alors que des adultes  non reconnus et rejetés regrettent dans leur coin : « Je ne vous connais point »
La cathédrale a conservé comme mobilier religieux les stalles d’origine du chœur, classées aux monuments historiques.
Elles aussi datent du XIII ème siècle et disposent de 74 sièges en bois de chêne répartis sur deux rangs,  avec dans des écoinçons des sculptures alternant anges et animaux, ou anges et vices. Pour dégager l’espace autour de fresques, des statues de saints furent déplacées et entreposées à un endroit inhabituel et sans doute provisoire, derrière les stalles à même le sol. Nous pouvons ainsi juger de leurs proportions déformées, prévues en fonction de leur positionnement en hauteur.
Comme nous l’avions constaté de l’extérieur, le bâtiment ne comporte ni abside ni chevet. Mais  à l’époque baroque, des transformations permettent de donner l’illusion de leur présence en creusant le mur du vitrail et en créant trois renforcements.
La visite terminée, lorsque nous ressortons, notre guide nous montre encore deux curiosités avant de nous quitter :
les signes gravés laissés par les compagnons tailleurs de pierre lors de la construction de l’édifice, et les gros impacts des boulets projetés par les protestants, qui n’ont  réussi  ni à ébranler la bâtisse ni à atteindre le vitrail, bijou de la cathédrale.
 
Nous abandonnons Valentine le temps du déjeuner pris à la serrurerie comme hier ; au menu, pad thaï ou travers de porc.

2 commentaires:

  1. Les signes gravés par les compagnons, est-ce l'équivalent de signatures, stp ?
    Merci de mettre que la petite porte pour le bas peuple n'était pas négligé... cela me réjouit. Je crois que, même dans notre folie récurrente collective, nous ne parviendrons à faire disparaître les différences entre nous, (je parie que les abeilles et des fourmis sont capables de singulariser leurs... semblables) et ces différences donneront inévitablement lieu à une hiérarchie sociale, mais la hiérarchie sociale ne dispense pas d'accorder de l'attention et de la considération à ceux qui ne sont pas complètement nos semblables dans la société. Où qu'on se trouve comme place dans la hiérarchie sociale, aussi. Cela veut dire qu'il est également de la responsabilité des "petits" de fournir le service minimum de respect... aux grands. Aussi. Comme les "grands" doivent également montrer ce respect, et considération.
    Et les médias ?... je ne saurais pas, je ne les regarde, et ne les écoute plus...

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  2. Comme je ne retrouvais pas les signatures laissées par les compagnons, j'ai joint une planche récapitulative de ces signes . Tu as remarqué les guillemets autour de "bas peuple" . Venant de par là, je me serais bien gardé de le nommer ainsi au premier degré, tant je n'approuve pas cette hiérarchie.

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