dimanche 11 décembre 2022

Le Roi Lear. Georges Lavaudant. Shakespeare.

La MC2 nous a proposé une prestigieuse soirée dans la salle Lavaudant où Georges Lavaudant 
mettait en scène pour trois heures trente, l’œuvre la plus connue depuis 1606 de Shakespeare,
servi par le puissant Jacques Weber essayant de surmonter les fragilités de ses 73 ans.
« Sache que les hommes sont ce qu'est leur époque. » 
D'après Leir roi de l’île de Bretagne d’avant la conquête romaine, la pièce du célèbre Anglais, devenue légendaire aurait inspiré « Le père Goriot » autre monument de la littérature, pour ce qui concerne les liens d’un père et ses filles. 
Mais une lecture abusivement psychologisante aurait tôt fait de percevoir que la lourdeur de ses chantages affectifs annoncent les lézardes à venir. Lear porte surtout sur ses épaules toutes les métaphores du pouvoir, de la folie, de la vieillesse. 
« Des mouches aux mains d'enfants espiègles, voici ce que nous sommes pour les dieux ; ils nous tuent pour s'amuser. » 
La mise en scène épurée, accompagnée de musiques discrètes où surprennent quelques éclats, respecte l’auteur avec une hécatombe finale teintée d’ humour pour éviter une conclusion trop kitch.
Le novateur metteur en scène de « Maître Puntila et son valet Matti » est devenu un classique qui rassure le spectateur chenu. Prenant de la distance avec les émotions que pourraient faire naître la déchéance d’un souverain en fin de parcours, je n’ai pas fait de pont  non plus avec des évocations d’enjeux de pouvoir contemporains, encore que : 
« La sagesse et la bonté semblent viles à ceux qui ont l'âme vile. »
 Parmi tant de belles formules d’une langue à la foi verte et vigoureuse, dorée et chantournée, j’ai voulu retenir : 
« Je n’ai pas de chemin, n’ai donc pas besoin d’yeux. » 
plutôt que le trop facile : 
« Le malheur du temps est que les fous guident les aveugles. » 

1 commentaire:

  1. J'ai loupé Lavaudant dans "Le Roi Lear". Cela fait des années que la modernité ne rend ni justice, ni honneur à un auteur qui est devenu un intime pour moi, et que je traduis en collectivité. Trouvant que dans l'ensemble l'époque réduit le langage à une triste affaire de code, je n'ai pas voulu m'infliger l'histoire sordide de "Lear"... si on fait abstraction de la poésie. J'ai travaillé en tant qu'actrice avec des metteurs en scène qui ont systématiquement coupé la poésie de Shakespeare, estimant qu'elle ne faisait pas avancer l'intrigue, et maintenant, j'ai abandonné ce bateau, par dépit et lassitude.
    Mais je ne me lasse pas de revisiter les pièces, car j'y trouve toujours... du nouveau, et pas le nouveau de notre époque si friande de vulgaire, "vulgus" oblige.
    Dernièrement il m'est arrivé de penser que "Lear" raconte l'embrasement de deux qui ne parviennent pas à se quitter : Lear, et Cordelia, et qui emportent le monde avec eux.
    C'est triste et beau. Surtout avec la poésie.
    Oui, pour le jugement si juste sur notre époque et les viles âmes. Et oui... quand on a des yeux pour ne point voir, on ne voit rien. Pas même l'ombre d'un chemin... dans le désert. C'est quand on n'a plus les yeux pour voir que des fois on devient... visionnaire. C'est connu.

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