jeudi 18 novembre 2021

Louis Joseph Jay et la création du musée de Grenoble. Béatrice Besse.

Avec cette conférence des amis du musée de Grenoble, je pensais en savoir un peu plus sur celui dont je croyais qu’il avait donné son nom à un quai des bords de l’Isère, mais il s’agit d’un autre : Stéphane Jay, maire de Grenoble de 1896 à 1904 qui avait organisé le réseau électrique de la ville. Louis Joseph a aussi sa rue et tout au long de sa biographie, nous pourrons aussi avoir une idée plus précise d’autres noms familiers aux rôles oubliés sous leurs plaques de tôle.
Le premier conservateur du Musée de Grenoble est né à Saint Hilaire de la Côte en 1755, il est mort à Vienne en 1836.
Fervent jacobin, il avait peint une « Liberté », tableau dont on n’a pas retrouvé trace, mais c’est surtout comme professeur qu’il est reconnu d’abord à Montpellier où il se lie à Jacques Augustin Catherine Pajou qui a réalisé le portrait en tête de ce compte-rendu.
Champollion fut son élève, ainsi que Stendhal :
« M. Jay, ce grand hâbleur, qui avait si peu de talent comme peintre, en avait un fort grand pour allumer l'émulation dans nos cœurs, et à mes yeux maintenant, c'est là le premier talent d'un professeur. »
En ces années de révolutions, il revient à Grenoble dont le maire est Joseph Marie de Barral impliqué dans « La journée des tuiles » qui avec Joseph Chanrion évita les excès de la Terreur, place Grenette où ne tombèrent dans la sciure que deux têtes.
C’est en ces moments de saccages que l’abbé Grégoire utilise pour la première fois le terme de « vandalisme » après avoir regretté les destructions d’
« objets nationaux, qui, n’étant à personne, sont la propriété de tous. » 
Le terme de « patrimoine » fait aussi son apparition, Alexandre Lenoir, crée le Musée des monuments français, le deuxième musée, après le Louvre où sont présentées des sculptures qui ont pu échapper aux dévastations. 
« Les barbares et les esclaves détestent les sciences et détruisent les monuments des arts, les hommes libres les aiment et les conservent. »
Louis-Joseph Jay, nommé professeur à l’école centrale de Grenoble, établissement remplaçant depuis 1795 les collèges religieux de l’ancien régime, est bien accueilli. En 1796, il est nommé commissaire chargé d'inventorier les objets d'art du dépôt de La Tour du Pin. 
Il va à Paris pour acheter avec des assignats de peu de valeur, des moulages de plâtre et des œuvres à imiter pour ses élèves car l’éducation citoyenne se fondait sur l’Antique, l’étude des bosses (le relief) et l’anatomie.
L’« Apollon du Belvédère » peut représenter ce « Bel idéal » d’alors théorisé par Winkelmann, quand l’artiste doit représenter plutôt la perfection du créateur que les imperfections de ses créatures. Ses conférences ouvertes connaissent le succès. A la suite de Bonaparte, il va en Italie acheter des tableaux et des dessins. « Dans ses voyages, il emporte des bouteilles de ratafia de Camille Teissere pouvant servir de monnaie d'échange contre des objets d'art! »
Son « Etude d’arbres près de Voiron » est classique
et le portrait de son collègue « Gaspard Dubois Fontanelle », professeur de belles lettres, bien vivant avec son regard pétillant et son sourire malicieux.
Il lance deux pétitions pour la création d’un muséum dont il deviendra la conservateur en 1798 « Plaque des fondateurs du musée située dans l'ancien Musée bibliothèque de Grenoble ». Déboires et tracasseries vont faire subir plusieurs déménagements aux objets d'art recueillis (177 tableaux, 80 dessins, 45 sculptures). Installés d’abord à l’Ancien évêché, avec le Concordat, un repli doit être effectué au deuxième étage de l'École centrale (maintenant lycée Stendhal).
Le préfet Joseph Fourier s’était montré plus accommodant que son prédécesseur Ricard. Devenu receveur principal des « droits réunis » (contributions indirectes) grâce à son ami François de Nantes, Jay est envoyé en mission en Italie d’où il reviendra avec un « Recueil de lettres sur la peinture, la sculpture, et l'architecture » qui lui assurera une certaine reconnaissance, bien qu’il paye son engagement républicain d’une destitution de son poste de conservateur en 1815, sous la Restauration. Le stendhalien Victor Del Litto  avait écrit « Un dauphinois méconnu : Louis-Joseph Jay », la conférencière lui a consacré un roman historique : « Guidé par le beau idéal, Louis-Joseph Jay »

2 commentaires:

  1. Compte rendu très instructif et salutaire, Guy...
    J'aime bien l'idée de chérir LE RELIEF, quand on songe combien nos contemporains sont globalement incapables de regard intégrant la perspective et la proportion devant nos déboires actuels.
    Les portraits sont réussis ; il faut du talent pour faire ça.
    Merci pour "vandalisme" et "patrimoine". Edifiant.

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  2. La conférencière a bien voulu apporter quelques précisions :
    1 - J'ai, volontairement, omis la citation de Stendhal qui a attendu le décès de Jay pour faire une critique le concernant.Henry Beyle avait alors quatorze, quinze ans et s'il pouvait avoir un avis sur le fait que Jay ait pu être un bon enseignant, il semblait difficile qu'il en ait un concernant Jay en tant que peintre. Comme on peut le constater à partir des rares tableaux que nous possédons encore Jay n'était pas un mauvais peintre.

    2 - Le sujet de la conférence était également le rôle du musée à l'époque de sa création. Le musée a été à la fois un moyen de propagande de la part du pouvoir en place, mais aussi du point de vue de l'enseignant un lieu indispensable pour compléter la formation des apprentis peintres.

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