Avec cette conférence des amis du musée de Grenoble, je
pensais en savoir un peu plus sur celui dont je croyais qu’il avait donné son
nom à un quai des bords de l’Isère, mais il s’agit d’un autre : Stéphane
Jay, maire de Grenoble de 1896 à 1904 qui avait organisé le réseau électrique
de la ville. Louis Joseph a aussi sa rue et tout au long de sa biographie, nous
pourrons aussi avoir une idée plus précise d’autres noms familiers aux rôles oubliés
sous leurs plaques de tôle.Le premier conservateur du Musée de Grenoble est né à Saint
Hilaire de la Côte en 1755, il est mort à Vienne en 1836. Fervent jacobin, il avait peint une « Liberté »,
tableau dont on n’a pas retrouvé trace, mais c’est surtout comme professeur
qu’il est reconnu d’abord à Montpellier où il se lie à Jacques Augustin Catherine Pajou qui
a réalisé le portrait en tête de ce compte-rendu. Champollion fut son élève, ainsi
que Stendhal :
« M. Jay, ce grand hâbleur, qui avait si peu de
talent comme peintre, en avait un fort grand pour allumer l'émulation dans nos
cœurs, et à mes yeux maintenant, c'est là le premier talent d'un
professeur. »
En ces années de révolutions, il revient à Grenoble dont le
maire est Joseph Marie de Barral impliqué dans « La
journée des tuiles » qui avec Joseph Chanrion évita les excès de
la Terreur, place Grenette où ne tombèrent dans la sciure que deux têtes. C’est en ces moments de saccages que l’abbé Grégoire utilise pour
la première fois le terme de « vandalisme » après avoir regretté les
destructions d’« objets
nationaux, qui, n’étant à personne, sont la propriété de tous. »
Le terme de « patrimoine »
fait aussi son apparition, Alexandre Lenoir, crée le Musée des monuments
français, le deuxième musée, après le Louvre où sont présentées des sculptures
qui ont pu échapper aux dévastations.
« Les barbares et
les esclaves détestent les sciences et détruisent les monuments des arts, les
hommes libres les aiment et les conservent. »
Louis-Joseph Jay, nommé professeur à l’école centrale de
Grenoble, établissement remplaçant depuis 1795 les
collèges religieux de l’ancien régime, est bien accueilli. En 1796, il est nommé commissaire chargé d'inventorier les
objets d'art du dépôt de La Tour du Pin.
Il va à Paris pour acheter avec
des assignats de peu de valeur, des moulages de plâtre et des œuvres à imiter
pour ses élèves car l’éducation citoyenne se fondait sur l’Antique, l’étude des
bosses (le relief) et l’anatomie.
L’« Apollon
du Belvédère » peut représenter ce « Bel idéal » d’alors
théorisé par Winkelmann, quand l’artiste doit représenter plutôt la
perfection du créateur que les imperfections de ses créatures. Ses conférences ouvertes connaissent le succès. A la suite
de Bonaparte, il va en Italie acheter des tableaux et des dessins. « Dans ses voyages, il emporte des
bouteilles de ratafia de Camille Teissere pouvant servir de monnaie
d'échange contre des objets d'art! »
et le portrait de son collègue « Gaspard Dubois Fontanelle »,
professeur de belles lettres, bien vivant avec son regard pétillant et son
sourire malicieux.
Il lance deux pétitions pour la création d’un muséum dont il
deviendra la conservateur en 1798 « Plaque des fondateurs du musée située
dans l'ancien Musée bibliothèque de Grenoble ». Déboires et tracasseries vont faire subir plusieurs
déménagements aux objets d'art recueillis (177 tableaux, 80 dessins, 45
sculptures). Installés d’abord à l’Ancien évêché, avec le Concordat, un repli
doit être effectué au deuxième étage de l'École centrale (maintenant lycée
Stendhal). Le préfet Joseph Fourier s’était montré plus accommodant que son
prédécesseur Ricard. Devenu receveur principal des « droits réunis » (contributions
indirectes) grâce à son ami François de Nantes, Jay est envoyé en mission en Italie
d’où il reviendra avec un « Recueil de lettres sur la peinture, la sculpture,
et l'architecture » qui lui assurera une certaine reconnaissance,
bien qu’il paye son engagement républicain d’une destitution de son poste de
conservateur en 1815, sous la Restauration. Le stendhalien Victor
Del Litto avait écrit « Un dauphinois méconnu : Louis-Joseph Jay »,
la conférencière lui a consacré un roman historique :
« Guidé par le beau idéal,
Louis-Joseph Jay »
Compte rendu très instructif et salutaire, Guy...
RépondreSupprimerJ'aime bien l'idée de chérir LE RELIEF, quand on songe combien nos contemporains sont globalement incapables de regard intégrant la perspective et la proportion devant nos déboires actuels.
Les portraits sont réussis ; il faut du talent pour faire ça.
Merci pour "vandalisme" et "patrimoine". Edifiant.
La conférencière a bien voulu apporter quelques précisions :
RépondreSupprimer1 - J'ai, volontairement, omis la citation de Stendhal qui a attendu le décès de Jay pour faire une critique le concernant.Henry Beyle avait alors quatorze, quinze ans et s'il pouvait avoir un avis sur le fait que Jay ait pu être un bon enseignant, il semblait difficile qu'il en ait un concernant Jay en tant que peintre. Comme on peut le constater à partir des rares tableaux que nous possédons encore Jay n'était pas un mauvais peintre.
2 - Le sujet de la conférence était également le rôle du musée à l'époque de sa création. Le musée a été à la fois un moyen de propagande de la part du pouvoir en place, mais aussi du point de vue de l'enseignant un lieu indispensable pour compléter la formation des apprentis peintres.