samedi 13 novembre 2021

La volonté. Marc Dugain.

Le titre justifié par la qualité évidente d’un père atteint de poliomyélite insiste sur la contradiction contenue dans ces 280 pages entre l’admiration dont ce livre témoigne et le côté impersonnel du terme général pour désigner celui qui ne sera jamais nommé. 
Ce n’était guère la mode autrefois d’appeler son père par son prénom.
Les ambigüités sont passionnantes, les flous laissent de la place aux lecteurs, mais, à mon goût, encore pas assez dans ce livre.
Le père, personnage principal, est devenu expert dans le nucléaire et espion sans doute. Son fils écrivain affiche ses valeurs « humanistes » sans explorer davantage le passage d’une tradition communiste au service zélé des pouvoirs en place.
Mon plaisir de lecteur avait commencé fort, dès l’incipit : 
« La plus belle des fictions est celle qu’on entretient sur ses proches dans des souvenirs qui jalonnent une mémoire flottante. Ce n’est pas la biographie d’inconnus, c’est un vrai roman. » 
Des pages sont magnifiques quand il est question de la fin du père et de leurs rares moments d’intimité. 
« J’allais mourir une première fois avec lui et il me faudrait ensuite trouver la force de la résurrection, seul. Je n’avais jamais imaginé que si jeune, au seuil de mon existence, j’allais être confronté à la violence d’une telle épreuve. La question de la dépression qui allait suivre risquait de se poser mais j’en avais déjà démonté les mécanismes : ne sombre dans ce cancer de l’âme que celui qui refuse le monde tel qu’il est. Il faut savoir s’avouer vaincu si l’on veut perdurer dans son être, et toutes les illusions sont permises pour persévérer. »
Résolution sans faille, ambition pour sortir d’une condition modeste, travail acharné, leur description fait du bien d'autant plus que ces vertus ne sont plus guère à la mode, surtout lorsque est sacrifiée la tendresse à l’égard des enfants, voire une présence que sa mère non plus n’a pas assurée.
J’ai eu plus de mal quand des considérations parfois anachroniques alourdissent le récit pourtant aventureux qui a mené le père fils de marin à vivre en Nouvelle Calédonie ou au Sénégal. Les conditions favorables de son existence en tant qu’expatrié sont peu explorées bien que le récit soit parsemé de réflexions anti colonialistes décidément tendances, comme n’est pas divulgué le nom de la ville de Grenoble où ils ont vécu. 
« La ville est comme un estomac rétréci aux deux bouts par des vallées étroites où se concentrent des industries chimiques, qui libèrent des vapeurs colorées comme si le ciel leur appartenait. »

1 commentaire:

  1. Ça a l'air assez intéressant, mais tes réserves m'éloignent.
    Et puis, avec le temps, les exhortations à faire face à la réalité telle qu'elle est me semblent reposer sur des illusions qui s'ignorent comme telles. A quoi bon jouer au jeu de "ma réalité est plus réelle que la vôtre ?"
    Je peux m'occuper autrement. Surtout dans un monde où les incertitudes ont recommencé à prendre la place qu'elles n'auraient jamais dû perdre.

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