vendredi 9 avril 2021

Poisons d’avril.

J’avais trouvé cette année le premier avril bien terne, dépourvu de créativité, il est vrai que "Le Gorafi" tend à s’épuiser depuis 10 ans face à une concurrence quotidienne dans l’absurde. Certains ne croient aucune information émise ce jour là mais avalent toutes les fake-news tout au long de l’année.
Les températures en hausse rencontrent la durée des calendriers où les fêtes religieuses qui le rythmaient se font de plus en plus discrètes.
«Les amandiers en fleur annoncent le printemps
Au noir figuier qui ne veut pas les croire» Louis Brauquier
Sur l’éphéméride les rendez-vous sont incertains, pourtant des choix s'annoncent, alors il va à nouveau être question de la jeunesse, carrefour des options. 
Surinformation et ignorance, le déni de la létalité du Coronavirus touche surtout nos héritiers qui ont accentué l’aveuglement, que nous boomers, cultivions face à la mort. Conformément aux attitudes pleurnichardes contemporaines, ils vont se montrer compatissants en paroles vis-à-vis des vieux, mais provocateurs en acte.
Quitte à forcer le trait du tragique pour se poser vis-à-vis de l’inconscience d’adolescences prolongées, je vois le jeunisme occulter les souffrances des vieillards abandonnant bien vite toute parole aux jeunes pousses. Les fragrances printanières n'obligent pas à la démagogie.
Alors que nous avons été pris de court par la pandémie, l’exécutif s’est doté d’un Haut-commissaire au Plan. L’appellation sera-t-elle la signature paradoxale de la disparition de toute vision prospective comme la revendication du « respect » quand celui-ci devient denrée si rare ?  En tous cas des échéances vont venir pour des trajectoires amenées à se préciser après des formations perturbées, quelles orientations pour les sortants d'années d'étude?
Je n'insiste pas sur mon antienne : « plus personne ne veut être boulanger » pour regretter un effet pervers de la revendication de « chances égales pour tous » qui a tourné au mépris réciproque envers ceux qui ont accédé à des professions bien rémunérées, à des postes de responsabilité plus visibles, et ceux qui n’y sont pas parvenus. L’intériorisation de l’incapacité de l’école à réduire les inégalités, sans cesse proclamée, fait que chacun se défausse de toute responsabilité.
Malgré les odes en l’honneur des premières lignes, sur fond de croyance fallacieuse d’un accès de tous aux feux de la rampe, est entérinée une hiérarchie des dignités. On se gardera de dire qu’il est plus noble d’être trader qu’assistante maternelle mais qui préfèrerait-on épouser ? 
Variation sur le thème distance actes/paroles :  
« Sauvons la planète, mais qui va sortir les poubelles ? »
La valeur humaine étant indexée sur le salaire, est venu le temps de l’indignation quand les métiers essentiels se trouvent être les plus mal payés. Cependant la bataille idéologique sera rude quand  bien des jeunes gens branchés accolent à « jobs » le terme « bulshit » pour dire « boulot de merde » ; élevé au cul des vaches je ne peux accepter cette hiérarchie des taches.
Le respect du travail « manuel » figurait dans bien des discours, mais laisserait entrevoir un potier plutôt que le ripeur de nos bacs à déchets. Je ne jouerai pas non plus avec le mot « bac » quand s’expriment les regrets à l’égard d’un diplôme dévalué alors que ceux qui font de la musique sans avoir appris le solfège ou sont familiers de Proust sans avoir assisté aux cours, paradent sur les plateaux. Les vérités contradictoires s’additionnent dans un contexte où la valeur travail est mise à bas. Le « progressiste » comme on disait jadis, qui avait sur la poitrine marteau et faucille ne touchait pas forcément des mains calleuses.
Par contre il faudrait remettre au goût du jour le terme « publiciste » qui désignait au XIX° siècle les journalistes, ils ajoutent à leur militantisme peu discret, un conformisme navrant qui les voit reprendre sur plusieurs supports la même expression «  tour de vis »  pour désigner les mesures visant à limiter la propagation du virus.
 « La liberté d'expression se mesure à ceci : tant que les journalistes peuvent dire que tout va mal, c'est le signe que tout va bien. » Geluck.
On va très bien !
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Dessin de Chapatte dans le journal "Le monde"

1 commentaire:

  1. Ailleurs sur Internet, je lis des extraits de Castoriadis, qui avait trouvé l'expression "insignifiance" pour qualifier la mentalité de l'homo modernicus. Cela me semble assez approprié, et j'approuve, d'autant que, en tâtonnant en... autodidacte, j'ai fini par arriver au même constat sur nos contemporains, et notre mode de vie. Comment nous en sommes arrivés à devenir insignifiants remplirait des livres, mais l'épisode du Corona Virus peut être étudié à la lumière de l'insignifiance, avec profit.
    J'ai entendu des propos délirants dans le style qu'on ne "croyait pas que le virus existait", etc. (Un peu comme ma belle mère, retraitée dans une maison de retraite m'a affirmé dernièrement que Jésus n'avait jamais existé...)
    Quand on en arrive à ce degré de bêtise ? d'insignifiance ? comment s'étonner du niveau du "débat publique" ?
    Si certains me lisant estiment que je suis méprisante, et pète plus haut que mon cul... et bien, tant pis. Je n'y peux rien pour eux, et certainement pas changer leur opinion.
    Je regrette bien qu'à l'heure actuelle la société française, mais pas seulement ? fasse tout pour achever son système d'éducation public national, tout en sachant que ça fait des années maintenant que LA FOI de la société dans l'éducation nationale s'amenuise. A force de perte de foi dans la mission de l'éducation nationale SUR LA DUREE... et bien, les citoyens deviennent ignorants et facilement manipulables, d'autant plus que les savoirs qu'il faudrait posséder, la capacité d'interpréter AVEC RECUL et MESURE les graphiques scientifiques nécessitent une maîtrise de l'ordre symbolique qui fait défaut... en Occident en ce moment au plus grand nombre (si tant est que cette maîtrise a jamais été bien accessible AU PLUS GRAND NOMBRE...). (Ceci ouvre le débat des savoirs nécessaire pour faire un honnête citoyen/homme, mais je ne poursuivrai pas plus loin ici.)
    Je me demande même si nos gouvernants, et notre "élite" possèdent la capacité d'interpréter correctement les chiffres, AU LIEU D'EN FAIRE UNE COMPTABILITE BRUTE. J'ai quelques doutes, tout de même.
    L'ignorance, le REFUS d'apprendre, de prendre le temps pour comprendre, par sentiment d'infériorité, par paresse, par "manque de temps" (que je mets entre guillemets, bien entendu...) font des ravages dans notre société.
    Et nous voilà tombés bien bas, à mon avis...
    Au moins que nous arrêtions de nous gargariser du mot "démocratie" si le peuple ne veut pas prendre le temps pour s'instruire, et pas (seulement) à la télé. La démocratie dépend de citoyens... ECLAIRES et responsables. Je ne vois aucune indication à l'heure actuelle que NOUS voulons être éclairés ou responsables...

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