samedi 1 février 2020

Tous, sauf moi. Francesca Melandri.

Le titre donne une idée de la croyance d’Attilio Profeti vis-à-vis de la mort, c’est vrai qu’il a eu de la chance tout au long de sa vie, lui qui a failli porter le prénom d’Attila en l’honneur d’un opéra peu connu de Verdi, mais qu’il aurait pu conserver tant il a pu commettre des actes horribles. Sa fille va avoir envie de connaître ce passé quand un jeune éthiopien se présente chez elle avec les papiers d’identité où figure dans son patronyme « Attilaprofeti ».
Sur 565 pages, en Italie et en Ethiopie, une histoire du dernier siècle se révise à travers le destin de toute une famille.
« L’Italie était un ancien alcoolique qui, comme tout nouvel adepte de la sobriété, ne voulait pas être confondu avec le comportement qu’il avait eu lors de sa dernière et tragique cuite. Elle ne désirait que les petits progrès quotidien du bien-être moderne, qui germait comme les pissenlits de mars sur les décombres. »
Un livre puissant où les époques se mêlant ne constituent pas un procédé qui embrouille mais offre un moyen efficace pour mesurer le poids de l’histoire dans les problèmes du présent.
« Quand on avait le « grazie »
Avec ton savon
Tu te lavais toi.
Quand il y avait le « thank you »
Avec ton savon
L’Anglais se lavait.
Maintenant il y a l’ « amaseghenallo »
Et ton savon
Tu le manges parce que tu as faim. »
J’en étais resté à l’idée que l’Ethiopie était le seul pays d’Afrique à ne pas avoir été colonisé, alors que les fascistes italiens ont occupé le pays partiellement cinq ans durant mais ont perpétré des massacres et tenté d’humilier tout un peuple. Ceux qui ont été l’instrument de ces ignominies ont été marqués aussi et sur plusieurs générations.
«… le but était d’enseigner aux 70 élèves, « notre langue, nos coutumes, nos mœurs, les amenant ainsi à une vie éduquée, cherchant à leur inculquer des sentiments aimables, le germe du Bien, l’amour du Devoir et du Travail, la gratitude envers l’Italie qui fait tant pour leur éducation. »
Mais le ton n’est pas à la condamnation à postériori, et les contradictions, les éléments de compréhension autour du parcours qui a amené aux malheurs rendent plus fortes les révélations. 
Le phénomène des réfugiés qui arrivent en Italie est traité avec une profondeur historique passionnante. La psychologie complexe des personnages rend la lecture agréable d’autant plus que le style est efficace et original.
« Tu sais la confiance, c’est comme une corde. On doit la tenir à deux, sinon ce n’est pas valable »
La formule m’avait plu mais peu après son énonciation, elle est démentie par la vie.
D’autres ont la saveur de l’expérience :
« Les malheurs marchent comme les chèvres, un derrière l’autre. »
« Les définitions définissent celui qui définit, non pas celui qui est défini. »
« Ne te regarde pas trop souvent dans un miroir […] si tu veux savoir qui tu es, regarde comment te regardent les autres. 

1 commentaire:

  1. Cela a l'air intéressant. Je vais le demander pour la bibliothèque (c'est bien un livre, je crois..).

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