jeudi 25 avril 2019

Gérard Garouste. Christian Loubet.

Dans le « teasing »  auquel s’est livré le président des amis du Musée de Grenoble avant la conférence, cette phrase tirée du livre de Garouste : « L’intranquille », le définissait parfaitement:
« Longtemps je n'ai été qu'une somme de questions. Aujourd'hui, j'ai soixante trois ans, je ne suis pas un sage, je ne suis pas guéri, je suis peintre. »
Pourtant il ajoutait : «Le lien légendaire entre la folie et l’art s’est trop souvent changé en un raccourci romantique. Le délire ne déclenche pas la peinture, et l’inverse n’est pas plus vrai. La création demande de la force. »
Entre des façons à la Dali ou Chagall, il est peintre, « Garouste entre Duchamp et Picasso » : « Un tableau est une croûte opaque qui renferme du sens. L’œuvre est tout ce qui vit et se développe sous la surface. »
Gérard Garouste est né en 1946 dans une famille où le père antisémite venait d’être condamné pour spoliation. « Je suis le fils d’un salaud qui m’aimait ». Il va se marier avec Elisabeth Rochline qui est juive, elle aura à supporter bien des crises bi-polaires qui ont valu à son mari quelques internements.
« Jeu de malin ». Il se met souvent en scène, jouant « du double je » échappant au rationnel.
Avec Jean Michel Ribes, qu’il a connu aux Beaux arts, il a passé « Le pacte », a travaillé avec lui au Palace et présenté un spectacle : « Le classique et l’indien » :
« Le Classique est un homme pétri par la norme, il n’inventera jamais rien, ne fera qu’obéir et suivre le mouvement en rêvant d’ascension sociale[…] L’Indien est un intuitif, un insoumis, un créatif.»
Ces personnages se retrouvent en chasseur aveugle et artiste dans la nuit. Ce tableau  s’intitule : « Adhara » d’après le nom d’une étoile située dans la constellation du Grand Chien. Il passe vite aux couleurs vives et si les corps en volume dans un graphisme précis sont charpentés, ils s’allongent, se déforment.
Ainsi « Balaam » du nom d’un devin converti après qu’un ange eut empêché son ânesse d’avancer.« Les libraires aveugles » «Ils ont le livre et ne savent pas le lire ».
L’âne est souvent représenté dans des associations d’idées et d’images comme tant d’animaux. Il mêle les grands mythes avec sa propre histoire, la kabbale et le surréalisme.
« Dina » est fille de Jacob, violée, elle sera vengée par ses frères.
« Diane et Actéon », la belle, surprise, transforme le voyeur en cerf.
Si les vitraux de « Notre dame de Talant » sont apaisés,
le souvenir de son délire après avoir recherché sa propre tombe à « Chartres » est émouvant.
Rabelais, Dante, Don Quichotte, La Fontaine l’ont inspiré et aussi Hergé. 
« Le sarcophage »  des cigares du Pharaon devient véhicule.
Sa rencontre avec le rabbin psychanalyste Ouaknine va l’emmener loin dans les interprétations et les double-sens : « Le rabbin et le nid » «  En chaque mot, il y a un oiseau aux ailes repliées ». La discussion peut être sans fin à propos de la place du nid dans le Deutéronome : « Si par hasard tu rencontres un nid d’oiseaux, tu chasses la mère, tu prends les enfants, la vie sera meilleure pour toi et tes jours seront prolongés. » Je préfère l'histoire de trois rabbins dans un taxi new-yorkais trouvée sur le site de Babelio :
« Le plus vieux dit son ignorance, son éternelle humilité devant le texte,
le deuxième en âge dit : « Mais non, je suis bien plus ignorant que vous ».
Le plus jeune intervient : « Mais vous êtes mes maîtres, c'est moi l'ignorant ! »
Alors le chauffeur se retourne en rigolant : « Arrêtez le concours, s'il y a un ignorant, ici, c'est moi. »
Les trois rabbins se regardent alors, l'air de dire : « Mais pour qui se prend-il celui-là ? »
Devant « Le puits » dont le mot « bear » signifie « interprétation » en hébreu, un antipodiste se trouve face à des pages blanches, et le clown porte un « San Benito » du temps de l’inquisition. Les figues disent l’importance de l’étude.
Il installe « Ellipse » un ensemble de toiles au Panthéon puis à la fondation Cartier et conçoit pour la manufacture d’Aubusson : « Le murex et l’araignée ».  
Il a créé une institution, « La source », qui accueille des enfants défavorisés dans des ateliers animés par des artistes.
« Autoportrait aux quatorze doigts » (2 X 7) Fasciné par la religion juive, à laquelle il se convertit en 2012, il continue d’enchaîner les toiles recouvertes de peinture, dans un monde où l’iconoclaste Duchamp a joué alors que Picasso avait cassé tant de figures.

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