samedi 23 mars 2019

Sérotonine. Michel Houellebecq.

J’ai lu ce livre avec dans l’oreille la voix de Lucchini s’accordant au désespoir primesautier de l’auteur encore plus tragique lorsqu’il s’essaye à l’amour dans une ferme normande typique.
« Jamais la lumière pourtant n’avait été si belle, jamais l’air n’avait été aussi frais, revigorant, jamais le vert des prairies n’avait été aussi intense, jamais le miroitement du soleil sur les vaguelettes de l’océan presque étale n’avait été si enchanteur ; jamais non plus, je crois, je n’avais été si malheureux.»
Dans la première partie classiquement désabusée, il pétille d’humour, et les 347 pages nous comblent comme une armoire (normande) qui aurait été destinée à conserver les objets et l’esprit d’une époque.
« Les lettres personnelles sont devenues si rares qu’elles ont toujours un impact, c’était surtout la sensation de mon incompétence qui m’avait fait abandonner l’idée. »
L’écriture est efficace, la multiplication des réflexions n’alourdit pas une lecture menée avec dans le coin un sourire sarcastique, me sentant comme ce patron de bar :
« Le patron avait achevé Paris-Normandie, mais s’était lancé dans une lecture tout aussi exhaustive de France Football, c’était un lecteur exhaustif, il en existe, j’avais connu des gens comme ça, qui ne se contentent pas des gros titres, des déclarations d’Édouard Philippe ou du montant du transfert de Neymar, ils veulent aller jusqu’au fond des choses ; ils sont le fondement de l’opinion éclairée, le pilier de la démocratie représentative.
Les mouvements de l’humeur du  narrateur sont influencés par la prise d’anti dépresseurs.
Je ne sais si la littérature a les mêmes effets, mais ce pessimisme définitif m’a convenu au point que je me suis écouté « Child on Time » de Deep Purple évoqué dans une séquence pour être dans l’ambiance.
J’ai différé la conclusion de l’ouvrage pour mieux le déguster, me régalant d’une tension parfaitement entretenue. J’ai adoré le va-et-vient de petites histoires particulières et de dégagements généraux qui ne se prennent pas au sérieux.
 «  Lorsque sa mère avait rendu sa  vilaine petite âme à Dieu-ou plus probablement au néant-le troisième millénaire venait de commencer, et c’était peut-être, pour l’Occident antérieurement qualifié de judéo-chrétien, le millénaire de trop … »

1 commentaire:

  1. Je sais qu'avant de mourir, Bernard Maris était arrivé à la même conclusion que moi, c'est à dire, que la littérature est notre bouée de sauvetage, et qu'il avait conçu une admiration certaine pour Houellebecq.
    Je n'oublie pas que Bernard, que j'ai lu, et admiré comme un grand intellectuel, avait aussi été un fervent... mais très désenchanté... marxiste. Je remercie Dieu de m'avoir fait échappée à cette (mauvaise...) foi.
    J'ai feuilleté quelques livres de Houellebecq, qui m'ont laissé l'impression que me laisseraient certains actes sexuels que je serai suffisamment pudique pour passer sous silence.
    Autrement dit, la lecture de Houellebecq peut aller pendant quelques minutes, mais je crains qu'à la longue, elle finisse par corrompre, et faire perdre les toutes petites particules d'innocence qui nous restent, l'âge avançant.
    C'est un enjeu important de pouvoir non pas se refaire une virginité/naïveté, mais protéger les lambeaux qui nous en restent. Si. Dans le meilleur des cas, il nous reste quelques lambeaux.
    Soyons tendres et miséricordieux envers nous-mêmes...

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