jeudi 7 mars 2019

Le Luxe parisien. Fabrice Conan.

Au XVIII° siècle, Paris est la capitale de l’Europe du goût et de la création, des décors.
Les « marchands merciers » d’alors, dont le musée Cognacq-Jay, présente quelques produits d’exception jusqu’au 27 Janvier 2019, innovent, font éclore les styles. « Salons de l'hôtel de Donon ».
Tiens, à propos qui était celui qu’on connaissait dans l’expression «  A vous Cognacq-Jay ! » depuis des temps en noir et blanc ?
C'était le fondateur de La Samaritaine.
Le conférencier devant les amis du Musée de Grenoble nous présente cette corporation « Marchands de tout et faiseurs de rien » comme disait Diderot.
« Travaux préparatoire d’une enseigne pour Gersaint » de Watteau. Parmi les drapiers, les épiciers-apothicaires, pelletiers, bonnetiers, et orfèvres, ils échappent aux travaux mécaniques.
Ils revendent, assemblent, vont permettre la diffusion de l’art et du luxe français. Nicolas Raguenet : « La Joute des Mariniers, entre le pont Notre-Dame et le pont au Change »
« L'Enseigne de Gersaint » Watteau. Situés près du Louvre, du Palais Royal, à proximité de leurs aristocrates commanditaires, pas toujours bon payeurs, les ancêtres des décorateurs, designers, font travailler bronze, porcelaine, bois précieux, laques par les artisans situés plutôt dans l’Est parisien. 
Boucher participe aussi à leur promotion publicitaire.
La « Commode avec laque » de Van Riesen Burgh est toute en sinuosités. Madame de Pompadour et Marie Antoinette étaient amatrices de tels objets.
« Le meuble dans l’encoignure » de Carlin pour Madame Victoire épouse les formes de la pièce.
Jean-François Oeben réalise cette «  Table à deux fins » inspirée des motifs d’indiennes et munie d’un mécanisme qui permet de la transformer.
Ces « vases-girandoles» (candélabres) viennent de Sèvres.
La porcelaine se plaque sur les commodes, celle-ci était destinée à madame du Barry. Le tableau « L’agréable société » figure au centre.
Le style Louis XVI inspiré de l’antique  sera moins galbé que celui de son grand-père mais tout aussi raffiné.  Pour « Le coffre à Bijoux de Marie-Antoinette » la marqueterie est de bois de rose et de sycomore, les filets de buis et d’ébène.
Le « pot pourri »  surmontant un éléphant était destiné à recevoir des fleurs séchées.
Provenant de Versailles et livrés en 1787, « Les bras de lumière », où le doré contraste avec la patine, portent des bobèches, destinées à recevoir la cire.
Une « Cage à oiseaux » de fer peint est garnie de fleurs de porcelaine venant de la manufacture de Vincennes, le bouquet de la Dauphine en comptait 470.
Une «  Pendule à colonnes »  en biscuit annonce le goût néo classique.
En 1793 la corporation des marchands merciers disparaitra.
« Qui n'a pas vécu dans les années voisines de 1789 ne sait pas ce que c'est que le plaisir de vivre. » Talleyrand.
En 2018, ce sont les chiffres qui parlent : mode, parfumerie, cosmétique, joaillerie, mobilier, arts de la table, décoration, hôtellerie, restauration…  d’origine française représentent 36 % du chiffre d’affaires mondial du luxe. D’une façon plus générale, la culture contribue 7 fois plus au PIB français que l'industrie automobile. 
« Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l’ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l’âme en secret
 
Sa douce langue natale. »  
Baudelaire

2 commentaires:

  1. Quelques questions, Guy, sur ton exposé :

    A partir de mon dictionnaire étymologique, le Dictionnaire Historique de la Langue Française, sous la direction d'Alain Rey, je vois que le mot "mercier" appartient à cet énorme complexe qui nous parvient du latin, "merc...", qui nous a donné "mercenaire", "merci", "mercantile", "marchandise", et... "mercier", (peut-être, d'ailleurs, en spéculant sur de très lointains origines qui remontent dans la nuit des temps, depuis le dieu Mercure, censé être le dieu du commerce, si mes souvenirs sont bons (oui, dieu protecteur des commerçants). En tout cas, "Mercure" commence bien avec... "merc...".
    Il faudrait méditer pendant des heures l'enchevêtrement de tous ces mots, et surtout la présence pas si saugrenue que ça, mais surprenant pour les modernes, du mot.. "merci", dans le lot... Ces heures de méditation, de retour sur notre passé collectif seraient bénéfiques pour les pressés que nous sommes devenus.
    En suivant ton exposé, je vois le commentaire.. péjoratif dans la bouche de Diderot que les MERCIERS/commerçants sont des gens qui se contentent d'être des intermédiaires qui laissent couler les marchandises FABRIQUEES par d'autres (MAINS...) entre les leurs, à destination d'acheteurs.
    Comme quoi, notre civilisation a un mépris pour le commerce qui remonte jusqu'à la nuit des temps aussi, et reflète une.. foi de charbonnier que le commerçant est un.. SALE PROFITEUR, parce qu'il ne fabrique pas avec ses mains.
    Ce mépris (mépris ambivalent, parce que les commerçants.. ne se salissent pas les mains dans la fabrication) viendrait-il de notre héritage greco-romain des fois ?...
    A l'heure actuelle, je mets ma main au feu pour dire que FAIRE du commerce est un art, et non pas une science, et si on peut l'apprendre, c'est difficile de l'apprendre... dans les livres de SCIENCES HUMAINES ou dans les ECOLES DE COMMERCE modernes.
    Une toute petite mise en garde : j'ai banni le mot "produit" de mon vocabulaire à l'heure où il est devenu un symptôme d'un nouveau... totalitarisme, et en vraie fanatique, je le réserve au produit d'une multiplication MATHEMATIQUE. C'est un mot dont l'extension devrait être restreinte à mes yeux, et non pas.. MULTIPLIEE A L'INFINI...
    Les.. objets sont très beaux.
    Baudelaire avait raison dans sa fascination pour le luxe (français, mais surtout DE L'ANCIEN REGIME, comme il le pressentait, comme il pressentait peut-être que la révolution industrielle sonnait le glas du luxe.. français).
    Merci pour ce billet intéressant. Mes questions : Comme ça, il y avait des boutiques sur les ponts parisiens, comme ailleurs ? Elles ont disparu quand ? J'ai cru que c'était sous Henri IV. Les merciers étaient donc des intermédiaires qui intervenaient entre clients/acheteurs, et corps de métiers, en supervisant des commandes ? Mon Robert me dit que le corps des merciers était le troisième corps des marchands, divisé en vingt classes : il comprenait les marchands de drap et de toile, les marchands de pelleterie (des peaux ?), etc. Sais-tu quelque chose de cette organisation, et à quoi il correspond, QUELLES SONT SES VALEURS ?

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  2. Merci. Lecteurs ,qu'on se le dise,les commentaires valent le coût, même s'ils n'ont à vendre qu'un peu de temps pour mieux savourer les mots.

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