vendredi 25 janvier 2019

Nous sommes dans de beaux ou de bas débats ?

L’ouverture du Grand Débat ne signifie pas l’acceptation de toutes les revendications, de toutes les opinions, de toutes les propositions, mais peut amener l’énarque à considérer le prix du gasoil pas seulement comme une donnée statistique et pour le Gilet Jaune qui vise à « construire plutôt qu’à occuper », à envisager la complexité.
« Se construire plutôt que s’occuper », pourrait-on dire aussi, quand bâtir une cabane à un carrefour matérialisait un besoin de convivialité, mais les palettes qui brûlent ne réchauffent que ceux qui s’agglutinent autour et leur lueur est fugace.
J’hésite entre la confiance en la sagesse de mes concitoyens et la prudence envers une procédure qui permet de sortir des blocages sans garantir une paix sociale durable. La violence a montré son efficacité et elle a impacté le corps social au-delà des ecchymoses. L’équilibre sera difficile à trouver entre écouter et garder le cap coûte que coûte. 
La métaphore du colibri apportant sa goutte a beaucoup servi, mais n’est plus de mise quand il faut apporter sa part au débat, et l’insoumytho de se tortiller : « la question est mal posée ».
Drogué de l’actualité, j’essaie d’en user avec modération, j’ai cependant apporté brièvement des suggestions sur Internet quant à l’élection du Sénat au suffrage universel et à la proportionnelle, histoire de ne pas ébrécher l’efficacité de l’Assemblée, et souhaité voir réaffirmer la priorité à donner au fret ferroviaire.
Pour sortir des effets stroboscopiques du présent, j’essaye de revenir à des durées plus longues sans pouvoir articuler ces quelques bouffées hasardeuses.
A tellement fréquenter des évidences, nous ne les voyons plus, comme nous ne sommes pas les mieux placés pour nous rendre compte que nos enfants ont grandi.
Les lectures de l’histoire se font avec retard, les questions qui dérangent se sont entassées sous les tapis. Rien qu’en rappelant que mêler politique et préoccupations existentielles ne date pas d’aujourd’hui, une coloration vintage aux accents de Saint Germain des Prés vient ternir la carte postale.
Il y avait bien deux gauches irréconciliables, même avant Rocky (Rocard, 2° gauche) et Mimit (Mitterrand), et nous nous sommes abimés, les ambitions intellectuelles bouffées par les consoles consuméristes.
La dictature du prolétariat a mis bien des années pour disparaître des en-têtes, mais les hypocrisies, les double-langages ont fini par suinter et les prudences pour ne pas décourager l’électeur ont fait place à des zigs-zags affolés.
Et il y aura toujours ceux, qui, courant après le premier Poujade venu, préfèrent le changement par la rue plutôt que par les urnes, la violence des poings à celle des points de vue.
Le recours au terme "fasciste" pour une « quenelle » ou pour quelques gnons, banalise des tendances plus lourdes, quand la démocratie ne se défend pas avec vigueur.  
« Lorsque nous serons tous coupables, ce sera la démocratie véritable. » Camus
L’ « unissez-vous » des travailleurs de tous les pays était un rêve, les frontières se sont écroulées et les murs en parpaing voulant faire croire à leur survie ne sont que stèles funéraires qui n’empêchent pas la circulation des informations et des capitaux.
Le capitalisme financier épuise la planète mais a produit aussi avec le numérique une révolution technique et culturelle qui nous a désintégrés. L’explosion des innovations a ébranlé bien des habitudes et le regret devient plus porté que le progrès. Les carrières proposées aujourd’hui  ne privilégient-elles pas la préservation plutôt que de nouvelles conquêtes, la protection individuelle que la projection vers le bien commun ? L’école que nous avons sapée a produit surtout des burn-outés et des outrés du glyphosate plutôt que des ingénieurs. L’autonomie des individus tourne à l’individualisme ne s’interdisant pas cependant d’en demander toujours plus au collectif.

1 commentaire:

  1. Si ça peut te rassurer, Guy, je viens de découvrir un auteur merveilleux que je lis en anglais : E.M. Forster, dans "Howard's End", le nom d'une maison de campagne d'une famille qui a prospéré grâce à l'innovation (masculine...) capitaliste, et qui attire, et est attirée par, une famille de rentières bien intoxiquées par ce que le roman appelle "l'Art et la Littérature", à différencier de notre vulgaire (oui, oui...) "culture".
    Cette conjugaison/union est explosive, mais en fin de compte, la propriété de Howard's End parvient à joindre l'homme et la femme dans la nécessité de l'entretenir, et de la transmettre. (Je dois ajouter que la propriété est DANS LA NATURE, disons, plus qu'un mètre carré d'herbe tondu ras, avec une petite maison, pas dans la prairie, mais dans le béton.)
    Ce que tu racontes sur notre tourmente... actuelle est déjà bien évident dans la tourmente du roman de Forster, écrit en 1910, donc.. AVANT LA GUERRE DE 14.
    A vrai dire, je suis assez certaine que notre tourmente était déjà bien présente au moment où William, en 1600 et des poussières, écrivait ses pièces pour un Londres qui n'en finissait pas d'engloutir les environs, et attirer les électrons libres qui y étaient aimantés en très grand nombre à son époque.
    Je suis assez certaine aussi que la possibilité de se dire que notre tourmente N'EST PAS NOUVELLE tend à DEDRAMATISER notre sort, car l'urgence, le climat de l'urgence créé une monstrueuse pression sur la fragile créature charnelle que nous sommes, ET AGGRAVE LES CHOSES.
    Ce n'est pas souvent que j'ouvre un roman qui me fait rire aux éclats de la perspicacité d'un romancier qui connait si bien le coeur humain, et la différence irréconciliable entre l'homme et la femme...Un régal. Un antidote pour l'inconséquence de notre époque. Si je peux, je lirai Forster pendant que le monde.. brule autour de moi. Les puérils appels à l'action dans la modernité me semblent très puérils maintenant.
    Ces puérils appels ne font pas l'action mais.. l'agitation.
    La nécessité de différencier entre l'action et l'agitation doit tarauder l'Homme depuis le Néolithique, probablement.

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