samedi 23 mai 2020

Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon. Jean Paul Dubois.

Depuis la prison à Montréal où il est incarcéré, le narrateur, ancien régisseur d’un immeuble de luxe, alterne les souvenirs de sa vie et le récit d’un quotidien qu‘il partage avec un Hell Angels tenant une place et demie dans leur 6 m2.
 « A cette époque, la prison n'était encore pour moi qu'un concept théorique, une facétie de jeux de dés vous enjoignant de passer votre tour enfermé dans la case pénitentiaire du Monopoly. »
245 pages succulentes où l’humour adoucit les tragédies, et la poésie rachète par exemple les paysages les plus dévastés par les mines d’amiante, où avait été nommé son père.
« Et, ça et là, de grands lacs, semblant tombés du ciel, gorgés d'une sublime eau émeraude, petite mer de joaillier, quasi surnaturelle et luminescente dans ce paysage dégradé de cicatrices, de tristesse et de grisés. »
Celui là né au Danemark, après avoir exercé comme pasteur à Toulouse où il s’était marié avec la gérante d’un cinéma d’art et d’essai puis séparé, avait fini au Canada et perdu la foi.
« Autrefois, tu pouvais acheter l'âme d'un homme avec une image pieuse sans qu'il demande autre chose qu'une bénédiction. Aujourd'hui, pour obtenir ce que je suis venu chercher, il faudra accompagner ce frère, répondre à ses questions, calmer ses inquiétudes et le border avec les gestes patients d'un référent fatigué des Alcooliques Anonymes. »
Les personnages sont haut en couleurs, les dialogues délicieux.
Nous ne saurons qu’à la fin  pourquoi ce gentil Paul Hansen est puni. On aura eu le temps de le comprendre et de l’approuver, conduits habilement par le lauréat du Goncourt.
Ce roman riche est agrémenté de digressions charmantes tels les inconvénients de l’abus du point virgule dans la question référendaire relative à l’indépendance du Québec en 1979 :
 «  … l’architecture de cet empilement, au comble de son impéritie, fait en un seul texte et à trois reprises, usage du point-virgule, ponctuation de l’embarras et du doute, révélatrice d’un esprit timoré hésitant entre la tentation d’en terminer un bonne fois pour toutes ou de continuer la phrase pour voir jusqu’où elle nous mène. »
J’ai trouvé de quoi satisfaire également mon goût  de découvrir des mots dont je ne connaissais pas la signification : « le mojo » : le charisme, le sex appeal, le charme, le pouvoir magique.

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