vendredi 23 mars 2018

68, année politique.


Au Magic Mirror installé lors de la fête du livre de Bron tout le monde aurait aimé se voir si belle en ces miroirs, mais le printemps était incertain ce dimanche là. Taches et rayures sur nos vieilles peaux n’étaient pas que des marques effaçables sur la vitre des rétroviseurs.
J’ai assisté à une table ronde entre écrivains, au titre clin d’oeil en direction du giscardien Gainsbourg, pour Jean Christophe Bailly
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2011/09/le-depaysement-voyages-en-france-jean.html accompagné de Ludivine Bantigny  qui après un travail d’archives a écrit « 68, de grands soirs en petits matins » et  Tarik Ali figure de l’extrême gauche anglaise.
Nous en sommes restés à resucer ce sucré moment, sans que le demi-siècle qui vient de s’écouler soit mesuré. Le modérateur  avait beau agiter l’épouvantail Sarkosien  qui voulait liquider 68, celui-ci n’effraie plus grand monde mais empêche de penser.
Le mouvement qui mit en grève 10 millions de personnes dans toute la France ne fut pas qu’une poussée juvénile parisienne mais une remise en cause de l’ordre social et moral planétaire dont le souffle a tenu jusqu’aux alentours de 1975.
Depuis janvier 68 des grèves dans la sous-traitance automobile à Rouen réunissaient ouvriers, jeunes agriculteurs et étudiants ainsi qu’à la Rhodia à Besançon et Saint Fons, à Quimper.
A Prague le communisme entamait sa fin et le souhait de la victoire du Vietnam jusque dans les rangs de l’armée américaine marquait la fin de la guerre froide.
Les paysans représentaient 14% de la population et le PC 20%.
Notre pays alors s’est regardé lui-même : la France prenait un coup de jeune. 
Devant la suffisance des pouvoirs, la lassitude avait gagné, l’autorité si engoncée avait été rejetée. Les barricades marquaient la fin d’une époque en mimant La Commune, mais « la répétition générale » n’a pas vraiment connu de « première ».
Le pesant modèle « soixante-huitard » plus proche dans le temps des téléphones à manivelle de la Libération que de nos phones aurait dû éloigner tout fétichisme.
Les préoccupations écologiques et une autre vision de la condition féminine me semblent des acquis de ces années là, plutôt que le mantra de « ce n’est qu’un début » reporté de semaine en semaine, hors vacances scolaires.
Quant au beau projet de mise en commun de pensées par soi même, « les capacités d’écoute de toutes les singularités »ne s’avèrent toujours  pas évidentes, lorsqu’un intervenant dans la salle agaçant comme c’est souvent le cas, évoque Jankélévitch, tout de suite Bailly fait la grimace.
Lorsque le pape fait figure de progressiste, que la nation la plus religieuse est le pays de  Bob Dylan alors que le Pakistan était majoritairement laïque il y a un demi siècle, que le vide culturel a été comblé par des monstres, et que bien des intervenants à la tribune s’accordent sur le rôle déterminant des aumôneries dans les coordinations lycéennes, nous savons que nous avons changé d’ère.
Alors Malraux : « Le XXIe siècle sera religieux… spirituel… mystique ... » ?
Il ne nous reste plus qu’à sourire rétrospectivement avec les « folles » du service d’ordre du  Front homosexuel d'action révolutionnaire (FHAR) courant vers les CRS en criant : «  papa, papa ! »
Et se retrouver complètement dans cette remarque de Télérama qui sur le coup a filé une maille du châle politiquement conformiste tissé semaine après semaine :  
« Après un demi-siècle d’alternance de gloriole et de procès idéologiques, les héros de 68 sont fatigués, voire fatigants, et ils le savent. Entre les anciens combattants de la rue Gay-Lussac, moins mobilisés par leur identité de gauche que par l’affection de leurs petits-enfants, et les enfants de l’an 2000, dépolitisés, la menace du fiasco plane sur les commémorations de 68 ! »
…………….
Le dessin du « Canard » de la semaine :

1 commentaire:

  1. Mai '68...
    J'ai toujours fait scandale en France en insistant sur la primauté du corps.
    En '68, la génération baby boomers après la guerre, avec une démographie homogène que l'Occident n'avait peut-être pas connu depuis... la peste ? était adolescente.
    Nous savons ce qui se passe à l 'adolescence, non ?...
    Et maintenant, la génération baby boomer se trouve devant la glace dans ce moment o combien difficile où, encore une fois, j'invoque la primauté du corps...de la créature sur tout le reste, Guy.
    Pour la condition de la femme, en tant que femme, je continue à avoir une position nuancée sur la chose, et je... constate, encore une fois en invoquant la primauté du corps, que ce qu'on gagne sur un champ de bataille, et bien, on le perd sur un autre.
    Pour mai '68, il m'est venu il n'y a pas si longtemps que ça que cette bouffée de folie collective a eu lieu à peu près en même temps que le chamboulement de Vatican 2. Je ne crois pas du tout que cela fut une coïncidence. Chaque fois que l'empire de l'Eglise cède du terrain devant la poussée rouleau compresseur compétitive de la société civile qui tient tant à séculariser le religieux de l'église, et bien, Eglise ET société civile flanchent ensemble.
    Le cas François n'est pas une exception en la matière.

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