vendredi 8 décembre 2023

La clef des champs et autres impromptus. André Comte-Sponville.

La sagesse, la clarté, propres à l’accessible philosophe nous apaisent dans ces 275 pages aérées en  douze chapitres traitant pourtant de sujets graves :
euthanasie, mort des enfants, handicap, suicide… 
« C'est la joie qui est bonne, 
mais d'autant plus méritoire et belle qu'elle est souvent difficile. » 
Le retour sur la période de la pandémie et le confinement relativise mes agacements quand les chœurs médiatiques pleurnichaient sur la jeunesse sacrifiée : 
« Le panmédicalisme est la maladie sénile de l’humanisme ». 
Dans les hommages rendus à des  auteurs : Marcel Conche, Anne-Lyse Chabert et à son ami Jean Salem, « le rouge », la force acquise dans une enfance douloureuse vécue auprès d’une mère suicidaire permet d’aller de l’avant : 
« Puissent nos désespoirs, comme il est dit dans Shakespeare, 
contribuer à enfanter une vie meilleure ». 
L’humanisme des lettres du capitaine Dreyfus depuis l’Île du Diable où il était emprisonné dans des conditions effroyables n’en prend que plus de force : 
« Etre heureux si l’on peut, c’est la sagesse ; 
rendre les autres heureux, c’est la vertu ».  
Lorsqu’il est question des « Trois mousquetaires » la santé de D’Artagnan est enviable: 
«  sans remords dans le passé, confiant dans le présent, plein d’espérance dans l’avenir. »
Il admire Spinoza, Montaigne, Pascal, et en bon pédagogue, livre quelques extraits légers et naturels de ses compagnons de réconfort qui en arriveraient à devenir familiers. 
« Le présent que nature nous ait fait le plus favorable, et qui nous ôte tout moyen de nous plaindre de notre condition, c’est de nous avoir laissé la clé des champs » Montaigne
Il cite Brassens dans le chapitre intitulé «  Mourir sans Dieu »: 
« J’ai quitté la vie sans rancune,
J’aurais plus jamais mal aux dents :
Me v’là dans la fosse commune,
La fosse commune du temps »

jeudi 7 décembre 2023

Bruxelles art nouveau.

Sur la carte où figurent les places fortes où l’Art nouveau s’est épanoui, la jeune capitale du royaume de Belgique a des arguments à faire valoir entre 1890 et 1910, « Maison Saint Cyr », comme nous le fait savoir le conférencier devant les amis du Musée de Grenoble.
La ville libérale veut prospérer et les zones résidentielles s’étendent au-delà des boulevards qui ont recouvert les anciennes fortifications. Le deuxième foyer de croissance économique après Londres comptait 280 000 habitants en 1870, 800 000 en 1910.
500 maisons Art nouveau représentent 5% des constructions sous le règne de Léopold II , surtout entiché d’art classique français et soucieux de sa fortune personnelle, mais dont les collections ethnographiques pour l’exposition universelle de 1897 apparaissent dans des décors conçus par les novateurs, en « style Congo »
« La section coloniale Tervueren ».
Gustave Serurrier- Bovy
était de ceux là : «  Paravent à trois feuilles » comme Henri Van de Velde considéré comme l'un des acteurs majeurs du mouvement moderniste à la rencontre du mouvement viennois de la « Secession » précédant « le Bauhaus ».
Les lignes en coup de fouet de son « Chandelier à six branches » prétendent faire valoir la beauté pour tous.
Paul Hankar
est des leurs, 
sa « Maison Ciamberlani » du nom du peintre qui l’a commandée est décorée de sgraffites (griffures).
« L’hôtel Tassel » porte le nom du propriétaire, professeur franc-maçon, il est organisé autour de l’escalier, résume les options du
baron Victor Horta le plus célèbre des architectes belges. : lignes courbes, organiques, fusion entre ornement et structure, verre et métal. 
Les innovations techniques s’intègrent parfaitement dans un espace lumineux aux couleurs harmonieuses. Un radiateur à ailettes est installé dans le seuil. 
« Sachez rejeter la feuille pour mieux saisir la tige ».
L’ « Hôtel van Eetvelde », bâti en trois phases, a la façade audacieuse, mais la femme du propriétaire, administrateur du Congo, trouvait que le métal faisait trop « peuple »
comme dans la « Maison du peuple » aujourd’hui disparue 
bien que restituée numériquement. 
« Construire un palais, qui ne serait pas un palais mais une « maison », où l’air et la lumière seraient le luxe si longtemps exclu des taudis ouvriers ».
L’ « Hôtel Solvay »  de Horta comporte 23 variétés de marbre.
Et la « Maison Van Rysselberghe » à Ixelles a utilisé 12 variétés de bois exotiques.
« L’hôtel Otlet »
d’ Octave Rysselnerghe frère du peintre impressionniste Théo est comme modelé avant que les lignes orthogonales de l’art déco deviennent à la mode.
Des décors floraux de l’art nancéen ont été importés 
pour « La Maison Hannon » construite par Jules Brunfaut 
Paul Baudouin a réalisé les fresques des pièces occupées par des meubles de Gallé.
Dans le quartier saint Boniface, Ernest Blerot a construit 17 maisons sur le même modèle mais toutes différentes, aux balcons aux dessins originaux, aux bow-windows à des niveaux variés.
On ne peut éviter de jouer sur les mots en remarquant les demi et pleines lunes de 
l' «  Atelier du maître-verrier Clas Grüner Sterner »  par Ernest Delune.
Pour illustrer l’étendue de l’empreinte de art nouveau, on retiendra le décrottoir de la maison d’ Albert Roosenboom qui adoptera des manières plus géométriques comme Paul Cauchie.
« Le Palais Stoclet »
aux motifs dessinés par Klimt conçu par Josef Hoffman, recueille le chant du cygne des
lignes souples del’Art nouveau et annonce l'Art déco. 
« La vie est courte, l’art est long ». Hippocrate

mercredi 6 décembre 2023

La cantatrice chauve. Ionesco.

Crée en 1950 la première pièce de l’auteur du Rhinocéros est jouée sans interruption au Théâtre de la Huchette depuis 1957.
Au-delà d’une réponse à notre curiosité, nous avons pris du plaisir à cette réjouissante mise en scène de l’absurde qui vaut bien mieux que tant de productions présomptueuses.
Les familles Smith et Martin sont interchangeables, comme sont vides les phrases prononcées, les situations insensées. 
« Ma femme est l'intelligence même. Elle est même plus intelligente que moi. En tout cas, elle est beaucoup plus féminine. » 
Devant un décor peint comme on n’en fait plus mais convenant parfaitement à cette « anti-pièce », une « bonne » et un pompier intervenant au milieu de dialogues bizarres entre deux couples d’un conformisme des plus désuets, font naître rires et sourires parmi un public qui remplit toujours la salle, il est vrai bien petite. 
 « Prenez un cercle, caressez-le, il deviendra vicieux ».

mardi 5 décembre 2023

Le retour de Lagaffe. Delaf.

Pour contrarier les puristes  qui nous puristent la vie en ne voulant pas de successeur à Franquin, j’avais un à priori favorable envers ce nouveau 
Lagaffe  très bien saisi par Delaf.
«  Remettez moi tout ça en place !… Bam ! » 
Le lunaire débonnaire est plus que jamais indispensable, sa gentille fantaisie, son inventivité renouvelée nous manquaient depuis l’enfance. 
« Rogntudju ! »
L’indolent ne manquant pas d’énergie était parti en vacances, il retrouve sa boite de petit chimiste, sa mouette, son chat et mademoiselle Jeanne, dont ma petite fille regrette que ses sentiments ne soient pas reconnus par le propriétaire du Gaffophone. 
« M’enfin ! » 
Gaston désormais va en salle de sport et utilise un Aïe-Phone, Longtarin s’habille en civil et un psychanalyste peut s’avérer utile.
Bien que fidèle à l’univers du paresseux, des innovations scénaristiques surviennent bien naturellement chez l’inventeur hyperactif d’un purificateur d’air à essence. 
« ZZZZZ Rôôôô »
Il peut bien se reposer de temps en temps. 
« Wouaa Hahââ »

lundi 4 décembre 2023

Napoléon. Ridley Scott.

Nino 10 ans : J’ai bien aimé ce film car il y avait de la bataille. Des scènes sont choquantes comme à un moment quand Napoléon veut faire déguerpir les anglais de Toulon. Il charge et paf !  son cheval se prend un boulet de canon. A la fin de la bataille, Napoléon prend le petit boulet qui était dans le cœur de son cheval et dit : « pour ma mère !» 
Donc c’était un peu glauque et d’autres fois pareils. Mais j’ai adoré quand même. 
..................
Les commémorations discrètes autour du bicentenaire de la mort de Napoléon en 2021 ont suscité moins de commentaires, me semble-t-il, que le dernier film de l’auteur d’Alien et de Thelma et Louise.
Pourquoi un anglais ne serait-il pas légitime pour présenter sa version ? Quitte à aller voir ce qui est contestable, réviser ou apprendre. Par exemple, j’ignorais tout des relations du tsar Alexandre 1° et de Joséphine dont la personnalité n’est pas secondaire dans cette œuvre de 2h 30 trop courte pour faire valoir la dimension politique de la trajectoire qui a amené le général de la Révolution à devenir Empereur.
Certes on peut trouver contestable l’esthétisation de la violence guerrière mais les images d’actualité font naître encore plus sûrement des cauchemars chez les enfants, peu nombreux à cette séance de fin d’après midi, quand l’ignorance de l’histoire se cultiverait sous de lénifiantes intentions essayant de masquer la sauvagerie du monde. Ils ne sauront que mieux  en apprécier bonté et beauté.
A voir.

samedi 2 décembre 2023

La fille qu’on appelle. Tanguy Viel.

Le maire d’une ville au bord de l’Océan va devenir ministre, Max son chauffeur boxeur remet les gants pour le combat de trop dont la fille (jolie) Laura cherche un appartement : le déroulement de l’intrigue est sans surprise, avec méchant bien identifié et jeune innocente.
Les couleurs ne manquent pas aux métaphores. 
« C’est comme ça donc que la fusée blanche largua dans l’espace son premier étage désormais inutile, Max comme des lambeaux de métal qui exploseraient dans la nuit dont l’éclat ne serait plus l’éclairage des piscines plutôt les néons des bars à l’heure de la fermeture, avec ce teint jaunâtre qu’on se trouve dans le miroir des toilettes, et l’envie de frapper à mains nues dans son propre reflet. » 
La simplicité psychologique des personnages et l’évidence du scénario contrastent avec une écriture qui pour être travaillée en parait affectée, artificielle. 
«… elle s’était à nouveau barricadée derrière la fatalité, celle d’une jeune fille qui n’était pas née pour prendre des décisions et se laissait faire depuis longtemps par ceux qui savent s’y prendre- elle si clairvoyante en même temps, si capable de sonder toute situation, effarée elle-même peut être par la stérilité de sa propre intelligence. »
Les pensées parfois tarabiscotées des personnages n’empêchent pas leurs actes brutaux.
Cette distance entre réalité et raison, renvoie à notre époque ou le sens des responsabilités devient une denrée rare alors que la victimisation est le moteur de la vie sociale. 
« Elle a senti sa respiration se couper, comme un clou qu'on aurait enfoncé dans une horloge pour en arrêter l'aiguille, et elle n'a plus bougé pendant de longues secondes, interdite en somme, le cerveau à l'arrêt... »
Cependant le questionnement autour du consentement pour devenir banal n’en est pas moins intéressant à traiter avec quand même moins d’emphase. 
« Mais pour l’heure il lui semblait que du fond de l’océan toutes les déesses de la mer se dessinant sur l’écume chuchotante avaient décidé de parler, ou non pas lui parler mais pérorer comme elles savent si bien faire en commentant l’action. Et c’était comme un coryphée antique posé au coin du soir, une assemblée tenue par cinquante naïades qui psalmodiaient autour d’elle : Oh qu’as-tu fait, Laura ? Qu’as-tu fait ? »
Le chœur des déesses de l’Obs et de Télérama a bien aimé ces 170 pages. Pas moi.

vendredi 1 décembre 2023

Artificielle Intelligence.

Bien des remplisseurs de colonnes de journaux dénigrent systématiquement la France et nourrissent les haineux. Pourtant ils sont les premiers à vouloir accueillir tous ceux qui en canots essayent de rallier notre pays avant de le railler.
Patrick Boucheron critique une vision trop dramatique de l’histoire au Puy du Fou tout en vantant son dernier livre « Le Temps qui reste » sur deux pages du « Monde » et brode lui-même en noir : 
« Lorsqu’on a le sentiment d’aller cap au pire, on ne peut se contenter de s’en remettre au jeu convenu des routines, des postures et des tribunes. »
Cette critique des « bien pensants » médiatiques, ne me vaut pas, j’espère, d’entrer forcément dans la catégorie des démagos toujours brocardant les experts, pour mieux se fier à quelques délirants conspirationnistes.
Je mesure trop la difficulté de se gouverner soi même, alors le Moyen-Orient !
Mais je manque d’indulgence à l’égard des lanceurs d’alerte fascinés par les ZAD (zone à défendre) bien timorés pour défendre les ZFE (zones à faibles émissions) ou les ZAN (zéro artificialisation nette), mesures concrètes pour lutter contre le réchauffement de la planète.
Leur courage est resté dans la sacoche de leurs vélos. 
Notre civilisation attaquée, rongée de l’intérieur, accueille les autres civilisations dans ses Instituts, ses musées, ses hôpitaux, ses universités, ses cuisines.Tant de décolonisateurs ont trouvé chez nous les munitions pour s’émanciper de la métropole et plus récemment des officiers formés en France sont à la pointe de l’anti-occidentalisme sous les yeux énamourés des Russes et des Chinois dispensés forcément de toute leçon de démocratie.  
Un islamiste a tué un prof de français, il cherchait un prof d’histoire. La destruction de l’école n’est pas que métaphorique, combien de salles de classe ont brûlé pendant les émeutes de juin ?
Quelques restes d’optimiste jeunesse d’un autre siècle me permettent de ne pas désespérer tout à fait d’une espèce terrestre attachée à sa perte.
Lecteur fervent d’ « Actuel » du temps des nouveautés excitantes, et du progressisme jadis marqueur de gauche, je ne suis pas effrayé par l’intelligence artificielle aggravant pourtant la confusion entre réel et virtuel. Elle est humaine, forcément humaine, et fait ses preuves dans nos vies chaque jour, en évitant par exemple quelques fautes d’orthographe.
Nous n’en sommes plus aux cartes routières et autre chambre noire, même s’il faut veiller à  ne pas devenir machines nous-mêmes, quand sur les réseaux sociaux, l’anonymat réduit les mots à d’anodines abstractions et les émetteurs à des fantômes. 
« La modernité, c'est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l'art, dont l'autre moitié est l'éternel et l'immuable. Il y a eu une modernité pour chaque peintre ancien. » Baudelaire
Les rues crient, les réseaux sociaux braillent, les institutions (ONU) sont paralysées.
Peut-on ranger dans la liste des paradoxes, les positions de la Turquie membre de l’OTAN soutien du Hamas avec d’autres incongruités ?
- L’extrême droite française fille du « détail » se retrouve à côté de l’extrême droite israélienne
- Des organisations LGBT+ défendent le Hamas, tueur d’homos
- Que disent les féministes, fan de l’abaya, des Iraniennes à l’indécente chevelure ?
Tiens l’interdiction à l’école de cette robe couvrante n’a guère suscité les vagues annoncées, bien qu’une collégienne de mes connaissances m’ait expliqué que « muslim, c’est tendance ! ». 
« L'homme prie pour obtenir le mal, comme il prie pour le bien.
L'homme est toujours trop pressé. » 
Le Coran
………….
Sous le titre « d’artifices » j’ai déjà tourné autour du thème où pastiche et contrefaçons ne sont pas loin, il n’y a pas si longtemps.