mercredi 15 novembre 2023

Cité de l’histoire.

Dans le quartier de la défense aux allures des plus modernes,
La cité de l’histoire ouvre ses espaces à un passé classiquement traité avec les moyens les plus contemporains.
Le temps est révolu où les bornes interactives étaient toujours en panne. Celles-ci d’ailleurs ne risquaient pas de manipulations abusives tant il y avait plus d’employés que de visiteurs.
Et c’est dommage que ce lieu ne soit pas plus fréquenté car la visite est intéressante.
Dans une salle où les projections se font à 360°, à travers les lettres de Victor à Juliette Drouet, « Hugo, l’homme révolutions » est une bonne introduction à une traversée des siècles immersive dans le parcours suivant.
« La clef des siècles » met en scène: 
- barricades du XIX°,
- vue sur les îles du temps de la colonisation,
-
une salle de classe avec actrice interpelant sur le travail des enfants,
- une cuisine renseignant sur les habitudes alimentaires de l’heure.
En 17 stations les évènements majeurs de notre histoire sont bien racontés par Franck Ferrand, depuis une salle où apparaît Edith Cresson sur un écran de télévision en remontant jusqu’aux invasions du début du moyen-âge.
« Le couloir du temps »
propose 400 dates universelles avec des quizz adaptés à des niveaux divers permettant de réactiver quelques chiffres acquis de fraîche date.
Ces rappels paraitront trop rapides pour un public non averti, alors que l’érudit méprisera cette approche trop ludique, pour persister dans les appréciations grincheuses envers toute nouveauté, alors que ce genre de proposition peut convenir au grand-père en ses révisions d’images de tableau Rossignol et à sa petite fille en mesure de compléter sa frise chronologique au cas où des impasses auraient été opérés.

mardi 14 novembre 2023

Cool parano. Benoit Carbonnel.

Ce « testament graffiti » c’est trop de la bombe !
Le volume de 140 pages dit tout sur les pratiques, le vocabulaire des « gueurstas » sans ignorer les oppositions qu’ils suscitent et rappelle en avant propos le montant des amendes : 3750 €.
Les motivations des vandales : égo, adrénaline, appropriation de la ville, sont exposées à travers une présentation pédagogique illustrée par des récits personnels teintés d’autodérision au moment où l’auteur est en âge de dresser un bilan de son parcours par la BD, idéale pour informer sur ce genre d’expression envahissante.
A travers leur jargon initiatique marquant la jouissance d’appartenir à un ensemble clandestin fermé, tous les mots viennent de l’empire U.S. : « writer », « wild style », « hall of fame » …s’effaçant au moment du « buff » (nettoyage), nous assistons à la concurrence féroce des « crews » (groupes).
L’auteur qui sévissait sous le pseudo de « Coin-coin » se représente en canard au milieu de troupes aux têtes d’animaux dans une caricature enfantine du monde, totalement dans la mode régressive actuelle quand l’affirmation de soi tonitruante et persistante, méprise le passé tout en l’utilisant comme support.
Ces signatures agrémentaient la face cachée des villes le long des voies ferrées, mais depuis les friches le domaine de la souillure s'est étendu jusqu’à être emblématique des entrées de Grenoble, barbouillant même des fresques officielles de « Street  Art », histoire de ne pas confondre tags et fresques, les récupérés, des irrécupérables.

lundi 13 novembre 2023

Killers of the Flower Moon . Martin Scorsese.

Un grand film qui permet de vérifier que la notoriété n’est pas toujours illégitime quand on retrouve des acteurs familiers, De Niro, Di Caprio, à la hauteur et le réalisateur octogénaire au sommet de son art
Plus de trois heures de projection permettent de nous immerger dans la beauté de l’Oklahoma et d’apprendre ce qu’était, après la première guerre mondiale, la condition des indiens Osage rendus très riches avec le pétrole exploité sur leurs terres.
Comme avec les chasseurs de phoque du pôle Nord  
je complète les images colorées des westerns manichéens de jadis
où le blanc était le bon et l’indien le méchant, ou l’inverse ces dernières décennies. 
Cette fois les crimes des malfaisants longtemps impunis vont être enfin divulgués. 
Complexité et ambigüités sont abordées, manipulations et trahisons développés. 
On vérifie que la bêtise et le conformisme participent efficacement à la noirceur de l’âme humaine. 
Mais la lâcheté, la violence, le cynisme peuvent aussi croiser l'amour, la confiance, le respect.
Film ample, profond, fort sans être assommant, beau sans être esthétisant, donnant à réfléchir sans affirmer lourdement.

dimanche 12 novembre 2023

Le sacre du printemps. Marie Josèphe Jude Jean François Heisser.

Il y en eut des sacres 
Cette fois la version à quatre mains pour deux pianos et deux tourneurs de pages, nous a bien contentés, même si les couleurs de l’orchestre ont manqué à ma comparse.
La rythmique du Saint-pétersbourgeois est ensorcelante.
Au programme destiné aux enfants et aux néophytes, une sonate de Mozart et un extrait des « visions de l’amen » de Messiaen : à 11 h le dimanche matin c’est l’heure de la messe et une fois par mois une heureuse initiative de la MC2.
Le dialogue des deux pianos convient bien au compositeur grenoblois qui dans ce format parait plus accessible.
Le Viennois est toujours aussi élégant et gracieux.

samedi 11 novembre 2023

Un chien à ma table. Claudie Hunzinger.

« Ecrire ça demande un second temps parallèle au premier. 
Etre au monde intensément, tout en n’y étant plus. 
Etre vivante et morte. » 
L’écri-vaine, dont la finesse d’écriture fait la force, rend compte de la vieillesse qui vient, et des sentiments humains accordés aux vibrations de la nature : un hymne à la vie alors que s’annonce une catastrophe à venir.  
« Soudain dans la boue des batailles se sentir en vie. » 
Au bout du bout d’un chemin accessible seulement en 4X4 au lieu-dit « Les Bois-bannis », au bout de sa vie avec son compagnon ironique caché sous les livres, elle a recueilli une chienne baptisée « Yes ».
« De mon côté, j’expérimentais presque désespérément le fait qu’avec presque plus rien on pouvait se sentir être au monde. Eprouver de la joie. Je devais beaucoup à Yes. Elle était la joie. » 
Depuis ce lieu isolé, elle ne parle pas seulement au cœur des mémères à chien-chien mais aussi aux lugubres dont les indulgences envers ces écolos féministes de la première heure peuvent s’affirmer puisque la condition humaine ici n’est pas dévalorisée par la célébration des animaux et des arbres, au contraire. 
« On ne s'ennuie pas avec lui [l'humain]. Il est le grand personnage du roman de la Terre. Rien d'un héros positif. Non, non, surtout pas. Qu'on arrête avec ça. Plutôt un beau salaud. Sera-t-il condamné ? Va-t-il s'en sortir ? Trouver l'issue ? Ou se suicider ? Surtout, surtout, ne pas raconter la fin. D'ailleurs personne ne la connaît. Ne pas compter sur lui, l'humain. Sur l'humain, on ne peut pas compter. Se méfier de lui. »

vendredi 10 novembre 2023

Claude Monet-Georges Clemenceau : une histoire, deux caractères. Alexander Duval-Stalla.

Les biographies parallèles du peintre consacrant sa vie à son art et du politique emblématique, se fondent sur une amitié profonde entre deux travailleurs obstinés. 
« La relation de Monet et de Clemenceau se nourrit d’une admiration réciproque. 
Monet pour l’énergie de Clemenceau ; 
Clemenceau pour la force créatrice de Monet. 
Elle se nourrit également d’une opposition. 
Celle de l’Impressionnisme et de la République contre les conservatismes et les conformismes. »
20 pages de notes scrupuleuses de références des citations s’ajoutent aux 270 pages d’une écriture agréable : 
« C'est fini? - oui. Et les deux hommes, si grands, s'embrassèrent en pleurant dans ce jardin d'automne où les roses s'étaient retenues de mourir. »
Ce retour vers un monde éloigné peut nous éclairer aujourd’hui quand il est question du « Tigre »
« C’est le sort des hommes politiques- je parle des hommes de combat- d’être exposés à toutes les surprises, à tous les attentats. Autrefois, on les assassinait ; c’était l’âge d’or. Aujourd’hui, contre eux, l’entreprise réputée infâme paraît légitime ; contre eux, le mensonge est vrai ; la calomnie, louange ; la trahison, loyauté… Dans une démocratie où tous les appétits, tous les intérêts, toutes les passions sont publiquement aux prises, quoi de plus tentant que de profiter sans scrupules de tous les incidents pour chercher à troubler l’opinion par des attaques personnelles des plus violentes. » Il se défend : « Où sont les millions ? » La campagne se déroule dans un climat de violence inouïe. Les attaques les plus insultantes et les plus basses sont lancées contre Clemenceau : « Vous sentez le cadavre » est même l’objet d’une affiche.»
(J.-N. Jeanneney, Clemenceau, portrait d’un homme libre, op. cit., p. 39.)
Au tournant des siècles précédents, pour les étudiants arrivés à Paris c'est : 
« La liberté, les idées nobles, l’espoir en l’avenir enivrent les jeunes gens ; ils rêvent d’une république universelle, de la fraternité entre les peuples, de la fin de la misère. »
Après la guerre de 70, celle de 14 : 
« …  qui s’annonce va révéler la vraie nature des deux hommes. D’un côté, un Clemenceau qui s’engage dans l’action et ne vit que pour la politique et de l’autre, un Monet qui s’exile à Londres pour peindre et fuir une guerre qui ne le concerne pas. » 
Si l’un a laissé une trace avec ses  pinceaux lumineux, l’autre d’une lucidité efficacement exprimée nous ravit toujours : 
« Tout le monde peut faire des erreurs et les imputer à autrui : c'est faire de la politique. »

jeudi 9 novembre 2023

Le surréalisme et la photographie. Hélène Orain.

La conférencière devant les amis du musée de Grenoble, a mis en évidence avec  le « Portrait de Dora Maar aux petites mains » par l’expérimentateur Man Ray, deux grands noms du mouvement surréaliste qui fut essentiellement littéraire, n’insistant pas sur l’image au moment du manifeste de 1924 : 
 « Automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale » André Breton 
Man Ray de son vrai nom Emmanuel Radnitsky né à Philadelphie est le photographe d’un groupe traversé par les fâcheries, ne voulant pas faire école mais élaborant un dogme.
Dans cet « Autoportrait » évanescent, l’éclaireur garde un pied dans la tradition.Il rencontre Marcel Duchamp à New York et avec son complice Dada,
« Rrose Sélavy », tous deux arrivent à Paris.
« La belle Haleine, Eau de Voilette »
La photographie n’est pas un enregistrement du réel et quand le tangible s’éloigne, il convient de montrer au moins ses ombres.
« Femme » « Homme » « dévisagent l’ambigüité du monde ».
Man Ray remet à jour la technique du photogramme qu’il baptise « Rayogrammes ».
Cocteau aux discrets gants de laine se garde de sourire,
et « Gisèle Prassinos lisant son poème "La sauterelle arthritique"  au groupe surréaliste » est bien mise en scène.
Paul Nougé, subvertit les objets dans « La Jongleuse ».
Peut-on tout voir d’un coup dans « Le phénomène de l’extase » photomontage par Dali?
Raymond Queneau
s’amuse dans la cabine du « Photomaton »
et la corde proposée à « Miro » pour qu’il se décide à donner son avis se retrouve en arrière plan du taciturne Catalan.
René Magritte entoura son tableau « Je ne vois pas (la femme) cachée dans la forêt » des portraits d’Aragon, Breton, Buñuel, Dalí, Eluard, Ernst, Tanguy… les yeux fermés pour la revue « La révolution surréaliste ».
C’est l’époque où Gallimard lance l’hebdomadaire Détective
avant « la série noire ».
Berenice Abbott
, un temps assistante de Man Ray réalise l’ultime portrait d’Atget le modeste qui fournissait les peintres en images de Paris.
L’image qu’il a pris d’un groupe regardant une éclipse sera détournée 
en s’intitulant « Les Dernières Conversions »
et le « Passage du Grand-Cerf » sera apprécié particulièrement 
pour une silhouette fantomatique.
La marquise « Louisa Casati » muse et mécène de beaucoup d’artistes apprécia d’être proche de la Méduse.
Kiki de Montparnasse en « Violon d’Ingres » sensuel est transformée en objet
comme dans « Visage de nacre et Masque d'ébène ».
Man Ray
mène avec Lee Miller des recherches sur la solarisation 
découverte lorsqu’elle oublia les négatifs de nus de « Suzy Solidor ».
La photographe de mode, mannequin, 
deviendra correspondante de guerre documentant la découverte des camps
David Scherman  la saisit dans la baignoire d’Hitler. 
« La beauté sera compulsive ou ne sera pas »
André Breton« Explosante fixe ».
La roue de l’ « Erotique voilée » est-elle dans la lignée de la redécouverte de Sade,
« La prière » 
ou « Anatomie »?
« Renée Jacobi »
de Jacques-André Boiffard  vue à l'envers semble flotter.
La « Magique-circonstancielle » de Brassaï est une pomme de terre germée,
celui-ci valorise les graffitis dans une série
« La Magie »
et un « Pilier de Métro » prend des allures fantastiques.
« Les distorsions » d’ André Kertész sont « une fenêtre ouverte vers l’au delà ».
Henriette Dora Markovitch, Dora Maar, crée des univers : « Le simulateur »,
«  Main-coquillage »
,  
et met en valeur « Assia ».
Lucy Schwob devenue Claude Cahun
recherchait un troisième genre : 
« Que me veux-tu ? »
La mort de Dali en 1989 marquait la fin du surréalisme. 
Il a fallu vingt six prises à Philippe Halsman pour réaliser cette image d’une série élevée au rang de genre : la « jumpologie », la première était la meilleure.