lundi 26 décembre 2022

Films de 2022.

Pour cette année pas de film qui fera date dans l’histoire du cinéma, mais le souvenir d’un festival de Cannes pleinement retrouvé, condensant tous les plaisirs d’un amateur de salles obscures. 
Un hommage à Sempé et Goscinny partagé avec mes petits enfants. 
Ce polar sans prétention nous interroge sans nous braquer une lampe dans les yeux.
La violence du monde se rappelle à nous dans des lieux où, tellement familière, elle aurait pu passer derrière d’autres calamités plus récentes. 
Le souvenir des juifs pendant l’occupation peut être retracé avec finesse et vigueur. 

dimanche 25 décembre 2022

Jean Louis Murat. La Vence Scène.

Pour d’incorrectes raisons, je suis allé au spectacle de l’incorrect septuagénaire grognon quoique présumé chanteur : il invoque « Guillotin » pour ceux qui sont responsables des problèmes d’approvisionnement en électricité, demande aux cheminots de sortir et marmonne contre ses musiciens intermittents. 
Ce Murat si peu aimable ne revient pas aux rappels, peu insistants d’ailleurs, et dévalorise ses qualités de créateur original à la voix veloutée. 
J’ai essayé de prendre quelques notes dans l’obscurité mais je n’arrive pas à les relire, tant les mots sont emmêlés, à l’image d’une diction proche de celle susurrante de Charlélie Couture.
Je retiens quelques thèmes : la mort (à couper), Noël, les ruptures, quelques fleurs, et que « Montboudif lui dit plus trop ».
Pourtant : 
« C'en est bien fini de l′éternel retour du blues
Je te présente mon chat
La nouvelle princesse of the cool »
 
La musique prend le dessus et les paroles finissent en petits cris inarticulés, 
il chantonne, languide, et le plaisir vient quand on connaît déjà la chanson :
« Frankie », « La pharmacienne d’Yvetot ».
Alors je suis allé pêcher sur le net quelques mots d'éternel adolescent qui se calment sous des rythmes sympas.
« Mais que reste-t-il des chansons 
 Que reste-t-il d’un amour  
Ne reste-t-il qu’un prénom 
Qui ne rime plus avec toujours ? »
A propos de sa chanson « Marylin et Marianne » 
je retiens plutôt une de ses déclarations:
« Je tète le rock par Marylin et je tète l'Histoire de France par Marianne »
que les hermétiques paroles où il serait pourtant question de Samuel Paty:
« Avant j'te méprise
Avant faut qu'j'y aille
Pas souvenir d'un seul pêché​
Avant Marylin
Nu au secret de l'eau
Avant Marianne
Sans penser y laisser la peau » 
Son 24° album se nomme « La Vraie Vie de Buck John », 
« J’aimerions savoir
Où c'putain d'convoi va passer
J'aimerions ce soir
Dormir où Geronimo rêvait »

samedi 24 décembre 2022

Dialogues de bêtes. Colette.

Je me souviens encore d‘un professeur en 6° qui aimait tant Colette qu’il a imprimé chez moi une curiosité persistante envers les livres en général. 
Ma petite fille en étant à cette époque de ses apprentissages, je pensais lui faire aborder la fine écrivaine par ces dialogues entre un chat et un chien. La néo collégienne après avoir lu tous les Harry Potter, a été passionnée par « La guerre des clans » impressionnante série consacrée à des chats sauvages, alors après « Cabot Caboche » et « Toufdepoil » grands classiques de la littérature jeunesse, je tente une occasion de dialogue entre générations. 
« Je veux écrire des livres tristes et chastes, où il n’y aura que des paysages, des fleurs, du chagrin, de la fierté, et la candeur des animaux charmants qui s’effraient de l’homme. » 
Mais je ne sais si j’ai fait le bon choix, elle me dira ou mieux l’écrira.
Pour ma part, alors que la lecture d’un ouvrage constitué seulement de dialogues ne m’emballe guère, j’ai aimé découvrir les caractères typés du chien obéissant et du chat distant à travers leurs boudeuses conversations.
C’est qu’au théâtre trop de pièces auxquelles j’assiste ont remplacé les échanges entre personnages à découvrir progressivement par des monologues souvent déclamatoires désignant d’emblée les méchants.
Quand les deux compères choyés s’expriment, les tournures, la suavité de l’écriture font passer l’exercice de style au-dessus du point de vue des animaux par ailleurs finement observés.
Kiki la Doucette, le chat, parle de sa maîtresse : 
« Son esprit court comme un sang subtil le long des veines de toutes les feuilles, se caresse au velours des géraniums, à la cerise vernie, et s'enroule à la couleuvre poudrée de poussière, au creux du sentier jaune ». 
La ressemblance m’a semblé trop évidente au pays de l’autofiction, mais on peut savourer la richesse des sensations, et vérifier si le vocabulaire a pu traverser le temps.
Toby-Chien : 
« Tout le bien et tout le mal me viennent d’Elle… Elle est le tourment aigu et le sûr refuge. Lorsque, épouvanté, je me jette en Elle, le cœur fou, que ses bras sont doux, et frais ses cheveux sur mon front ! Je suis son « enfant-noir », son « Toby-Chien », son « tout petit h’amour »… Pour me rassurer Elle s’assoit par terre, se fait petite comme moi, se couche tout à fait, pour m’enivrer de sa figure au-dessous de la mienne, renversée dans sa chevelure qui sent bon le foin et la bête ! Comment résister alors ? Ma passion déborde, je la fouis d’une truffe énervée, je cherche, trouve, mordille le bout croquant et rose d’une oreille- Son oreille !- Jusqu’à ce qu’Elle crie, chatouillée : « Toby ! c’est terrible ! au secours, ce chien me mange ! »

vendredi 23 décembre 2022

L’exil à domicile. Régis Debray.

Quand on dit « Mon camarade », c’est souvent avec une nuance badine, et si je prononce le mot « compagnon », je me pousse un peu du col, bien que je prenne le plus souvent possible des nouvelles de celui qui a bordé de livres mon parcours, donc « compagnon de route ». 
L’écrivain a perdu ses illusions mais se garde de décourager ses lecteurs, ses mots me confortent et je n’ai pas mieux pour situer son dernier livre, que de recopier la quatrième de couverture venant après 120 pages vibrantes d’un bel « esprit », mot un peu désuet lui convenant mieux que le terme « humour » trop galvaudé. 
« Se sentir chaque jour un peu moins de son temps, un peu plus anachronique, n’a pas que des inconvénients. Une personne déplacée peut revoir en souriant tout ce qu’elle avait cru devoir prendre au sérieux, et qui l’était si peu en fin de compte : déchirements intellectuels, bisbilles politiques, plans sur la comète, bref, tout ce qui se fane inexorablement avec les ans. Pas de quoi se griffer le visage tant il y a de bonheur, en contrepoint, à voir resurgir, en bout de course, plus vivaces, plus entraînants que jamais, les héros de roman dont il nous est arrivé d’usurper l’identité dans notre for intérieur, parce qu’en nous prêtant leur vie, le temps d’un éclair, ils nous ont rendu la nôtre presque digne d’avoir été vécue. »
 Nous sommes au monde, quand le dernier républicain parle de la France : 
« On se l’imaginait à l’ancienne, en République laïque, sans bon Dieu par-dessus, avec ses deux pivots dans chaque bourgade, l’Ecole et la mairie. Et non la Démocratie modèle anglo-saxon, avec ses deux piliers la church et le drugstore, plus god en accolade. » 
Nous ne quittons pas le fleuve de l’histoire : 
«  De quoi se mêle-t-on à Paris en 1848 ? D’un 1789 en mieux. En 1871 ? D’un 1848 plus réussi. En 1968, des grèves de 1936. » 
Mais dans ces grands espaces où pétaradent les paradoxes, nous subsistons: 
« D’autant qu’avec « l’effet jogging », l’auto fait ressortir le vélo, pousser des minarets entre deux sex-shops et des ruches d’apiculture au bas des usines désaffectées. La tour appelle la fermette et l’avion gros porteur, la trottinette. Le pollué veut de la verdure, l’asphyxié de l’air pur, et l’obèse du bio à table. La post modernité a de ces espiègleries. » 

jeudi 22 décembre 2022

Le design italien. Claire Grebille.

Parmi les objets du quotidien, la conférencière devant les amis du musée de Grenoble
 
présente la « Cafetière Bialetti » (1933) qui a associé art et artisanat ou comme le proclame la devise du MAD (Musée des Arts Décoratifs), a mis « le beau dans l’utile ». 
Le mouvement futuriste avait réveillé le pays des arts quelque peu assoupi au XIX° siècle. https://blog-de-guy.blogspot.com/2014/10/le-futurisme.html 
L’un de ces artistes, Fortunato Depero met une idée en « Bouteille de Campari » :  
la ligne rejoint la couleur.
Les affiches ludiques intègrent alors la sémantique. 
Sa « Marionette dei balli plastici » (1918) doit au Bauhaus où les architectes dansaient parfois. 
Gio Ponti
a été mis à l’honneur au Musée des Arts Décoratifs en 2018.
Créateur de « Domus » revue phare du monde de l'architecture et du design,
il a conçu « La tour Pirelli à Milan », (1956-60) alors la plus haute d’Europe,
aussi bien que les chaises « Superleggera » qui économisent les matériaux.
En 1944, « La Vespa »  conçue par des ingénieurs aéronautiques de la société Piaggio permet à ceux qui veulent faire « bella figura » de ne pas être éclaboussés.
« Poveri ma belli » Dino Risi
La rouge « Valentine » de chez Olivetti, machine à écrire pop et portative, 
a été conçue par Ettore Sottsass.
A Murano, il créée des vases totémiques et sa
« bibliothèque Carlton »  est devenue une pièce emblématique du groupe du design radical « Memphis ».
Avec son jouet
« Zizi », Munari a remporté le premier « Compasso d'Oro » récompense pour designers en 1954.
Ses « livres illisibles » ont inspiré l’album
sans texte «  La pomme et le papillon » 
d’ Enzo et Iela Mari qui laisse toute sa place au jeune lecteur.
La bibliothèque « Sangirolamo »
des frères Castiglioni confronte l’austérité angulaire 
et la flexibilité des pieds
alors que le l
ampadaire « Arco », dialogue avec « l’arte povera » : 
la légèreté en inox nait à partir d’une base en marbre solide.
la lampe de table « Snoopy », dont la truffe joue les interrupteurs, est drôle.
Dans un milieu essentiellement masculin
Gae (Gaetana) prononcer « Guy » Aulenti  a gagné sa notoriété avec l’iconique lampe « Pipistrello » (chauve-souris) et l’aménagement de la gare d’Orsay en musée dans les années 80.
Devenue un « mythe du design vintage »,
« La chaise tubulaire »
modulable 
de Joe Colombo permet un rangement facile
comme sa
« Chaise Universale ».
Son
« Container personnel » en tant qu’unité d’habitation a été compris comme un concept malin, mais n’a pas séduit les foules, même si un bar est prévu dans la garde-robe où il y a aussi place pour un tourne-disque et quelques livres.
« La mama »
 en polyuréthane de Gaetano Pesce offre ses accueillantes rondeurs
et
le « Serpentone » de Cini Boeri peut évoluer.
Alessandro Mendini
revient sur le temps passé avec « Proust », forcément.
Afin de boucler la boucle entre deux espresso et vérifier que le renouvellement n’est pas exigeant seulement dans les formes, la conclusion vient avec « La Pulcina » :

« Pulcina interrompt automatiquement et au bon moment la remontée du café, éliminant la phase dite « strombolienne » de l'extraction, cause de l'arrière-goût amer et brûlé du café. Même le bec verseur, inspiré du bec des poussins, a été spécialement conçu pour couper parfaitement la goutte lors du versement. » 
Pour Alessi.

mercredi 21 décembre 2022

Les parapluies d'Aurillac # 3

Nous nous présentons un peu avant l’heure à la maison Piganiol, manufacture de parapluies fondée en 1884.
La visite débute à 15h, confiée à un jeune guide.
Il fait preuve de beaucoup de gentillesse et de patience devant une touriste récalcitrante à l’obligation de mettre un masque, peu amène, qui finit par le porter mais ostentatoirement en dessous du nez. Il  a pourtant bien expliqué les raisons propres à une petite entreprise où l’absence d’un employé suffit à compliquer gravement le travail des autres.
Bref, l’exposé peut enfin commencer.
Un petit musée composé de vieux outils et d’affiches permet d’aborder l’histoire traditionnelle des parapluies.
Déjà connu à l’antiquité, cet objet aujourd’hui banal, marque une distinction en Chine ; en effet les riches ne peuvent passer sous le même ciel que les manants, alors  plus qu’une protection contre la pluie, il est symbole d’importance.
Si Aurillac est devenue la capitale française du parapluie au cours des années, elle le doit aux matériaux utiles à sa fabrication, ici facilement disponibles ; elle regorge de bois, elle troque  les toiles avec l’Espagne car elle se situe sur le chemin de Compostelle, et elle se fournit en cuivre acheté avec l’or trouvé dans la Jordanne. L’activité se développe, les ateliers du Cantal connaissent un bel essor jusqu’à l’arrivée sur le marché des produits chinois.

L’atelier Piganiol, petite entreprise familiale,  se développe dès 1884 sous la direction de patrons  qui nous sont présentés chronologiquement avec leurs noms et leurs liens de parentés.
Ils ont su traverser les difficultés et affronter  la concurrence.
Je suis émue de découvrir sur une affiche un nom très proche de celui de mes ancêtres maternels ainsi que le nom de leur village d’origine, Arnac, qu’ils quittèrent pour aller vendre des parapluies  à Bayonne en 1867…
Notre guide aborde ensuite les différentes phases de fabrication ; nous assistons à la coupe des toiles en triangles, leur assemblage à la machine utilisant des biais pour assurer l’étanchéité, la pose des aiguillettes en métal pour recevoir les baleines qui ne sont bien sûr plus des fanons.
Pour les parapluies en bois, la structure plus sophistiquée mais aussi plus solide fait appel à des joncs importés d’Indonésie. C’est le cas pour les parapluies de berger, magnifiques, mais terriblement lourds.
Tout en préservant son travail traditionnel et artisanal, la maison Piganiol s’adapte à la modernité et aux progrès techniques en créant ses propres toiles : elle emploie deux stylistes qui conçoivent dessins et motifs, imprimés par ordinateurs sur de grands rouleaux de papier puis transférés grâce à une autre machine sur du polyester venu d’Italie.
Le public peut admirer les produits finis à la boutique, et constater que les prix élevés affichés correspondent à un travail de qualité,  garant de la célébrité de cette maison  (de 90€ le pliant à 175€ ).
Lorsque nous poussons la porte de sortie, nous découvrons un ciel bien ennuagé, mais nous n’avons pas besoin de recourir à un parapluie pour nous engager dans la visite d’Aurillac.