mercredi 15 janvier 2020

Lacs italiens 2019. #6. Bergame : musées

Matinée tranquille : deux comparses partent au supermarché « Il gigante »,
J. s’empare du balai et de la serpillère, je lave chemises et cheveux.
Nos coursiers achètent aussi au bureau de tabac des tickets de train pour Milan
(11 € AR).
Et c’est vers 10 h30 que nous partons à pied à une première découverte de la ville basse entourée sur le plan par Marzio vers la piazza Pontida, évitant autant faire se peut les grosses artères ; nous traversons un quartier favorable aux commerces chinois et indiens.
Nous rejoignons inévitablement la viale Giovanni XXIII en direction du funiculaire.
A ses pieds, des cars déversent leur lot de touristes du 3ème âge.
Mais une fois en haut, après un coup de folie du GPS qui nous trimbale de gauche et de droite, n’ayant pas vu l’adresse sur le plan du Lonely planet car trop excentrée,  nous cheminons vers l’est en redescendant dans la ville basse par des chemins inédits de toutes façons, en contrebas du jardin du souvenir de la Rocca visité le 1er jour. La piazza Carrara sert d’écrin au musée du même nom, face au GAMeC. Le musée Carrara : 12€ l’entrée et pas de fermeture entre midi et deux heures. Nous sommes pratiquement les seuls  hormis les gardiens à investir les salles réparties sur 2 étages.
Au 1er étage : les peintures du XIV° et XV° siècles représentent  beaucoup de Madonna col bambino (Mantegna, Bellini), de scènes religieuses, de Saint Sébastien et Saint Roch. 
Sont exposées aussi des œuvres de Botticelli qui déçoivent D.,
une résurrection du Christ d’Andrea  Mantegna aux couleurs flashy surprenantes,
un Saint Sébastien de Raffaelo  aux traits féminins.
La fatigue et le froid glacial de la clim excessive imposent une pause méridienne.
Nous nous restaurons  à la bottega del gusyo, taverne ou cave à vin bobo pas donnée mais qui a le mérite d’être à proximité : au menu : lasagnes aux champignons ou végétarienne, accompagnées d’un verre de chianti, et café en dessert.
 
 
Nous retournons au musée poursuivre notre visite, admirer des Canaletto, Guardi Longhi et Hayez installés dans une aile du 2ème étage. 
 
 
 
De multiples peintures représentent  le compositeur Donizzetti, enfant du pays, comme ce tableau décrivant son agonie adoucie par une joueuse de piano.
 
La statue d’Andromède du Bernin au nez cassé n’a pas la puissance  et la sensualité habituelles mais on reconnait cependant la main de l’artiste.
Je suis impressionnée par un encadrement de porte monumental en bois montrant un ange armé d’un arc en lutte avec un aigle ou serait-ce un dieu antique ? 
S’intégrant  dans plusieurs des salles, une exposition temporaire des œuvres de la maison de mode Gucci, foulards et 2 robes en soie font se cotoyer les époques. Arte di Moda.
Par contre  nous faisons un petit détour derrière le musée, où les élèves d’une école d’art se sont fait la main sur des fresques dont la patine et l’effacement  pourraient  de loin faire croire à de l’ancienneté ; leur délabrement doit sans doute plus à de la mal façon ou un matériel modeste.
Le GAMeC (musée d’Arte Moderna e contemporanea) entrée 5 €
 
Là encore, nous nous retrouvons seuls dans cet ancien monastère  du XV° entièrement restauré, constitué de 2 étages organisés en courants artistiques.
Y figurent :
- des noms célèbres : Warhol , César , Christo , Vasarely, Kandisky ...
- des peintres italiens: Morandi et ses bouteilles, Balla, De Chirico, …
Nous rentrons à pied par la via Pignolo pavée et sans place de parking, longée de palais du XVI° parfois abandonnés, mais mystérieux derrière les lourdes portes et les persiennes closes.
L’affiche « Vendesi » est hélas fréquente sur ces bâtiments témoins d’une prospérité ancienne.  Place San Spirito, nous craquons pour une glace ou un granizada. Devant nous la façade d’une église jamais terminée nous intrigue,  aujourd’hui affublée d’une sculpture moderne en bronze indéfinissable et monumentale qui semble jaillir du mur. Guy y voit un aigle mais renseignement pris il s’agirait du Saint Esprit se répandant presque jusqu’au parvis.
 
Nous continuons vers l’axe important Giovanni XXIII, croisons quelques boutiques chics, Dior entre autres,  jetons un œil curieux dans l’église sombre de la porta Nuova dans laquelle un vieux prêtre officie mollement devant une maigre assemblée qui peine à chanter juste.
Après avoir photographié une maison style liberty dans notre quartier de la gare au bout de la rue Novelli, nous retrouvons notre appartement avec plaisir. Courbatures et crispations sous les pieds se font sentir.
J. nous fait cuire de délicieux petits artichauts  charnus et goûteux que nous mangeons avec de la charcuterie locale, dont une délicieuse mortadelle.
Pendant  l’apéro avec du vrai spritz cette fois, nous élaborons le plan de bataille pour demain à Milan. Espérons que la météo soit clémente!


mardi 14 janvier 2020

Une maternité rouge. Christian Lax.

Cette fois au dessin et au scénario, Lax, qui avait déjà traité de la guerre d’Algérie, fait le pont entre le pays Dogon et Paris.
Le grand Hogon, ancien instituteur, a chargé un jeune homme d’acheminer une statuette du XVI° siècle vers Le Louvre pour la protéger des islamistes qui estiment qu’il n’y a que Dieu qui puisse sculpter. Au moment où des restitutions promises aux pays d’origine se concrétisent, le sujet est d’actualité. La France qui avait pillé tant d’œuvres d’art au Mali va être un refuge pour cette « maternité rouge ».
Le parcours est dramatique à travers le Lybie, la Méditerranée juqu’aux tentes installées sous le musée de La Mode au bord de la Seine. D’autres questions évitant toute candeur sont  abordées : les moyens utilisés pour la préservation d’œuvres d’art ne seraient-ils pas mieux employés à s’occuper des vivants ? Les dessins sont magnifiques et participent à la célébration de la beauté du monde, ses paysages, ses œuvres, ses hommes.
  

lundi 13 janvier 2020

Le Lac aux oies sauvages. Diao Yinan.

« Libé » en matière culturelle aime toujours être de préférence où ne sont pas les autres, se montrant méprisant envers ce film loué par le reste de la presse, parfois même d’une façon outrée qui vaut à certains extraits de phrases d’apparaître dans une publicité dithyrambique.
Ni cet excès d’honneur ni d’indignité ne sont mérités.
J’ai beaucoup aimé l’esthétique de chaque plan au service d’une vision de la Chine me semble-t-il assez inhabituelle. Le polar bien mené a toutes les caractéristiques du genre avec cependant une patte originale, une musique et des sons qui ont leur importance.
L’étau se resserre  sur un beau gangster poursuivi par la police et un gang rival.
Tiens j’avais pensé à « A bout de souffle » avant que Télérama me le souffle, mais sans le côté chic du noir et blanc, nous sommes dans le noir, la pluie, les quartiers déglingués où la moindre pétrolette est menaçante, il y a bien un lac, mais point de sérénité : de la violence et des oies pas vraiment blanches.

dimanche 12 janvier 2020

La Péricole. Offenbach. Minkowski.

Curieux de l’art lyrique, mais en ignorant les codes, je redoutais l’ennui, d’autant plus que l’orchestre occupait une scène sans décor : hé bien les deux heures vingt sont passées comme un rêve.
Les chanteurs et le chœur de l’Opéra de Bordeaux jouent au milieu des musiciens du Louvre. http://blog-de-guy.blogspot.com/2013/12/le-crocodile-trompeur-samuel-achache.html
Le journal de salle a été utile pour présenter le synopsis d’une histoire d’amour compliquée, qui se révèle limpide lors de la représentation. Les contrariétés sont légères quand la musique pétille.
Ça picole autour de la Péricole :
« Il n’est pas dans tout le Pérou
Ni dans les nations voisines
Il n’est pas de cabaret où
L’on fasse plus gaiment glouglou
Qu’au cabaret des Trois Cousines »
Enivrés, les amants vont dépasser leur condition. J’aime bien l’appellation « opéra bouffe » : les rivalités sont résolues après des rebondissements incessants ; l’amour ne fait pas de vaincu. Les solistes sont solides et la mise en scène légère ne met pas la musique dans la fosse, elle  installe une cohésion de tous les artistes au service d’un divertissement jadis populaire mais ne séduisant  plus aujourd’hui qu’un public âgé.      
Oui les rapports homme femme sont ceux du second empire, genre : « les femmes, il n’y a que ça ! » et « mon Dieu que les hommes sont bêtes » mais ça passe avec une narration à rebonds incessants, un prétexte pour sourire. Le chœur comme représentation d' une opinion générale revêche sous le présent empire des réseaux, ce soir, est enjoué .
Marc Minkowski, http://blog-de-guy.blogspot.com/2010/04/la-passion-selon-saint-jean.html  dirige son orchestre d’une main de maître : du travail bien fait.
Mais pourquoi une seule représentation ?


samedi 11 janvier 2020

Pactum salis. Olivier Bourdeaut.

«  L’amitié est un pacte de sel » dit un proverbe médiéval cité dans la gazette « L’écho de la presqu’île ».
Pendant 264 pages nous sommes témoins d’une amitié tumultueuse entre un jeune agent immobilier et un paludier dans le décor particulier des marais salants de Guérande.
« Oui c’est un privilège de travailler dans un cadre pareil. Eh bien, écoutez, ça fonctionne avec du vent comme pour les bateaux, du soleil comme pour les vignes, des efforts comme avec les femmes, de la patience comme avec les enfants et de la chance comme pour la vie… »
Le style est original, les situations cocasses, la poésie tellement appuyée qu’elle en est drôle et légère comme les traits des personnages. Un portrait de l’époque apparaît qui ne manque pas de sel, ainsi le Dédé, « Débauché de Droite » pendant du banal Bobo :
« Liberté réelle d’expression, Egalité devant le ridicule, Fraternité avec ceux qui ne pensent pas comme vous. J’aime bien donner raison aux autres, voyez-vous, ça leur fait plaisir et ça me repose. »
Quand les moustiques arrivent ou qu’une mouche devient un vecteur érotique, l’humour fait tout passer. Les faits les plus ténus, révélés par une langue bien tenue, épicent des rapports humains vigoureux scandés de dialogues savoureux.

vendredi 10 janvier 2020

Immersion.

Depuis que la réalité est « augmentée », le mot « immersion » dans les expos et au-delà, qui devrait nous engager  corps et âme, devient tendance alors que nos froids écrans sur lesquels nous ne faisons que lever le petit doigt, sont devenus le lieu central de nos performances sportives, et de nos réchauffements narcissiques.
Pour ce qui est de nos émotions artistiques, depuis que les lumières de Van Gogh ont été projetées dans les Carrières des Baux de Provence nous sommes invités à envisager les œuvres dans des dimensions inédites. Nous pouvons marcher dans «  La nuit étoilée ».
J’ai emmené mes deux petits enfants de 6 et 8 ans à la Sucrière à Lyon où s’ « Imagine Picasso » en « Images Totales ».
Sous des musiques bien choisies, l’immense salle traversée d’écrans triangulaires, s’illumine du sol au plafond des couleurs et des motifs tellement riches du catalan. Effets garantis qui font dire à l’une des nombreuses spectatrices : « Faudra qu’on amène Béatrice, elle qui n’aime pas les musées ! »
L’envie première des petits est de danser. Le champ des reconnaissances est ouvert, même si le grossissement des touches colorées et des textures ne valent pas le contact avec les originaux.
Mais l’esprit d’enfance de celui qui disait : « il m'a fallu toute une vie pour apprendre à dessiner comme un enfant. » est bien là, même s’il n’était pas destiné à faire tapisserie.
A l’exposition Picasso de Grenoble, à la suite de nos guides, nous avions pu expliquer à nos descendants quelques intentions de l’auteur de Guernica plus facilement; ils étaient cadrés.
La diversité des formes d’approche de l’art est une richesse qu’aucun puriste ou marchand n’aboliront. 
De la boule à facettes aux usines vides,
il est question aussi de démarches immersives à la biennale d’art contemporain de Lyon où je m’étonne d’entendre une animatrice parler de « fondation » ou d’ « ingénieur » à des gônes de maternelle.
Si la profession de médiateur est devenue consubstantielle à l’absconnerie de présentations artistiques contemporaines, quelques-uns ne facilitent pas la tache, alors que tant d’œuvres sont parfois accessibles surtout dans le premier âge.

Pour les assemblages poétiques de Théo Massoullier au IAC (Institut d’art contemporain) de Villeurbanne pas besoin de longs discours, ses drôles d’insectes plaisent à tous.
Hormis les sculptures à visée anti-spéciste, qui ne valent pas le détour par le MAC (Musée d’art Contemporain), cette 15 ° édition de la biennale nous a plu.
Le titre «  là où les eaux se mêlent »  n’a pas, non plus, besoin de se référer à Carver quand La Saône et le Rhône se rencontrent dans les parages. 
A l’usine Fagor des danseuses sans visage ou des robes de fillettes tombant depuis le haut plafond telles des coroles peuvent ravir celles qui aiment faire tourner leurs jupettes aussi bien que ceux qui y verront des fantômes comme le souhaite l’auteur Fernando Palma Rodríguez, voire des méduses.
Nous n’avons pas été découragés par les commentaires souvent prétentieux ou obscurs, énumérant les diplômes des 55 artistes invités, alors que depuis l’ « Ecole des fans » on sait bien que les notes ne valent plus rien.
Des tentures teintes occupant tout un plafond nous rappellent la lumière. En les trouvant jolies nous  voilà ramenés à des critères esthétiques que les commissaires, on dit comme ça des organisateurs d’expos, essayent d’éradiquer.
Est-il plus décent de sourire aux allumettes géantes augmentées d’ailes d’oiseaux, ou d’une moto qui laisse sa trace dans le sable comme l’aurait fait Picasso sur une nappe de restaurant ?
Il est vrai, qu’il s’est retrouvé un jour, dans la team Citroën.
Des artistes, adossés à des lieux forts, se contentent de déverser du sable dans une salle adjacente au hall de l’ancienne usine de machines à laver où des propositions se perdent sous les très vastes plafonds,
il faut bien un tunnelier ou une fausse montgolfière pour faire la maille.
Prométhée est mal en point au milieu de tubes et flacons.
Comme les grafs et  graffitis sont partout, dedans comme dehors, nous ne les voyons plus.