mercredi 18 octobre 2017

Venise en une semaine # 6

A 8h 30 nous arpentons le Fondamenta Savorgnan dès le seuil de notre appartement passé,
puis nous nous enfonçons dans le Canereggio via le Ponte Guglie direction la Fondamenta Nove afin d’embarquer sur le vaporetto en partance pour l’île de San Michele
La traversée est de courte durée : San Michele est le premier arrêt sur la ligne de Murano. C’est l’île où les défunts se rendent à leur dernière demeure en barque comme dans la mythologie où les morts accèdent aux enfers en traversant Le Styx. Nous sommes peu nombreux à descendre ! Le ponton d’arrivée donne directement sur l’entrée du cimetière qui occupe toute l’île. Un plan papier est à notre disposition.
Sur notre gauche s’élève une église flanquée d’un cloître avec jardinet et puits. Nous nous faufilons dans les allées des columbariums de la partie italienne.
Les casiers superposés jusqu’à des hauteurs impressionnantes supportent des petits vases carrés garnis de fleurs naturelles ou artificielles. Outre le nom et les dates des locataires figurent souvent sur chacun une photographie voire une petite lampe.
Nous suivons le fléchage indiquant les tombes de Diaghilev et Stravinsky au centre du cimetière grec. Dans cette partie les urnes empilées cèdent la place aux tombes en pleine terre recouvertes d’une dalle gravée.
Celle de Diaghilev se repère facilement grâce aux chaussons de danse roses et fanés déposés en ex-voto.
A côté de celle de sa femme, la tombe de Stravinsky avec une rose blanche fanée est plus sobre, la pierre sans décoration ni date porte seulement leur nom.
Comme nous l’avons remarqué hier, les cigales stridulent avec vigueur et enthousiasme dans les nombreux arbres, mais nouveauté, les moustiques n’ont pas été éradiqués et festoient sans bruit, nous attaquant sournoisement en laissant de fortes démangeaisons.
A cause d’eux, nous écourtons notre promenade, traversant le cimetière par d’autres quartiers dont celui des religieuses, sans explorer ni prendre la mesure complète du lieu. Par contre les mouettes indésirables sont éloignées par l’émission de bruits qui les effraient.
De retour au Fondamente Nove, on s’offre une petite halte pour boire un café et prévoir la suite de la journée. Après hésitation, nous montons dans un vaporetto pour le Lido en excluant (enfin surtout moi) la possibilité chronophage de louer des bicyclettes.
L’excursion se révèle assez décevante : nous remontons la grande avenue qui fait face au débarcadère, assez coquette mais sans grand intérêt jusqu’à la plage publique si vaste qu’elle ne parait même pas surpeuplée par rapport aux plages de la Côte d’Azur. Une passerelle permet de surmonter la plage, malheureusement elle est fermée. Nous ne nous attardons pas car nous n’avons pas le matériel nécessaire ni l’intention de nous baigner. Nous retournons dans le quartier de San Nicola sans pouvoir pénétrer dans l’église en réparation, dépourvue de signalisation.
A part un palace nous n’avons même pas cherché à apercevoir les fameux hôtels de style « Liberty » ni le Casino à l’autre bout de l’île. Nous aurions dû prendre le bus pour traverser le Lido puisque contrairement aux îles de la lagune, celle-ci s’ouvre à la circulation grâce à un bac reliant la terre ferme.
La ligne deux du vaporetto nous dépose à la station de L’Académia. Nous retrouvons sans difficulté la trattoria «  Ai Cugnai » (les beaux frères). Nous nous attablons au même endroit, choisissons les antipasti : un apéritif de poissons de Venise (crevettes roses petites et grandes, Saint Jacques avec courgettes, une langoustine, sardines grillées, morue moulinée sur polenta, poulpes au céleri) et un plat de sardines et crevettes grillées avec polenta. Après deux cafés et l’addition (42€) nous n’avons que quelques pas pour rejoindre la Galeria de l’Accademia.

mardi 17 octobre 2017

Regarde les filles. François Bertin.

Comment en dessinant se rapprocher des femmes, sans les déranger, depuis les speakerines et quelques mythes publicitaires, « pala papa papa … » (Dim), jusqu’à sa femme, mais aussi sa maman, sa sœur et les amies des copains ; désirer avec légèreté et grandir jusqu’à la naissance de sa petite, fille.
Agréable hommage, en douceur, aux demoiselles quand le mot n’était pas prohibé, coquines, inaccessibles, belles.  
Pourtant cette vision fascinée qui est celle de ma génération me parait un peu désuète. J’entends déjà les grincements de quelques féministes lassées d’être renvoyées à une condition d’objet, fusse avec délicatesse ou gentillesse.
Ces 200 pages se feuillettent rapidement, les images en noir et blanc sont reposantes et laissent de la place pour rêver, tant elles sont peu bavardes.
Pour l’érotisme évoqué dans d’autres critiques, il est bien loin d’un Manara http://blog-de-guy.blogspot.fr/2017/03/le-caravage-milo-manara.html malgré quelques poses de pin-up.
Le sujet banal n’est certes pas déplaisant, et si le genre n’en est pas révolutionné, nous sommes divertis, ce qui est toujours bon à prendre dans un contexte à fleur de peau, où les ergots pas vernis sont sortis promptement.
Il y a en ce moment plus de compassion pour la condition des porcs dans leur élevage de Bretagne que pour les libidineux d’ « Au lit wood » qu’il ne faut pas nommer « cochon », car depuis la campagne « # Balance ton porc » ce serait trop péjoratif pour le verrat.
Avec ce porc salaud, le climat refroidit un peu plus avec survèt’ tendance et le voile je te dis pas, les chaussettes avec les sandales : Cythère est à terre.

lundi 16 octobre 2017

Faute d’amour. Andrei Zviaguintsev.

L’expression «  Les âmes mortes » me semblait plus sophistiquée que le mot « rude » qui m’est venu d’emblée, mais si c’est bien du russe Gogol, il s’agirait d’une comédie, alors que pas du tout du tout concernant ces deux heures dérangeantes, mais excellemment menées.
Deux parents en train de divorcer ne s’étaient même pas aperçus de la disparition de leur fils.
Pendant deux heures nous suivons les recherches menées par une association dont le professionnalisme vient pallier les insuffisances de la police.
Tout à leur ahurissement devant un comportement de parents manquant à tous leurs devoirs, les critiques mentionnent bien peu, en général, les personnages positifs.
La violence des situations présentées laisse deviner des racines anciennes qui évitent d’incriminer seulement notre « époque-téléphone-portable » ou un seul lieu, la Russie, tant le propos est universel servi par des images très belles ; de la beauté des ruines.
Vu avec retard, je remercie celle qui m‘a pressé de ne pas manquer le dernier film d’un réalisateur qui m’avait bien plu avec « Eléna » et « Léviathan » aux musiques déjà remarquables.
A la  sortie d’un tel bain d’eau glacée, les formules définitives viennent sur le clavier.
La liberté est impossible quand l’amour envers les enfants n’est pas là où même les scènes filmées dans ce registre semblent désespérées.
L’égoïsme rend la vie impossible : l’égoïsme nous scie comme égoïne. 
Est ce que les jeux de mots laborieux nous libèrent et nous mettent hors d’atteinte?
   

dimanche 15 octobre 2017

Antigone 82. J. P. Wenzel. A. Namiand.

Le livre de Sorj Chalandon «  le quatrième mur » était voué à être joué au théâtre, puisque le sujet porte sur le défi de monter  la pièce « Antigone » d’Anouilh dans un Liban en pleine guerre avec des acteurs de chaque camp, et les camps sont nombreux.
Souvent quand un livre est fort,  http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/10/le-quatrieme-mur-sorj-chalandon.html  son adaptation déçoit, mais ce n’est absolument pas le cas, puisque cette œuvre déjà foisonnante a pris pour moi encore plus d’envergure, malgré quelques acteurs quelque peu déclamatoires par la faute vraisemblablement du dispositif qui nous les rend très proches avec des spectateurs sur trois faces de la scène.
Le personnage principal, ballotté, sous ses airs fragiles devient lui même Antigone l’inflexible. A défaut d’éloigner la mort, il essayera d’ensevelir dignement les morts.
Quand les acteurs enfin réunis revêtent un plaid qui peut ressembler à une toge antique recouvrant l’identité confessionnelle de chacun, se superposent toutes les époques où la résistance était de mise. De Sophocle à Anouilh en passant par Chalandon, l’ancien d’un Libé aux pages froissées : 68 et consort, Chatila, tant de contradictions, de complexité et dans un square parisien la glace de la petite fille vient de tomber :
« Et j’ai voulu faire taire son chagrin. Je me suis accroupi. Une glace ? Ce n’était pas grave. Mais quel enfant pleure pour une glace ? Tu te rends compte, une boule de chocolat ? Tu n’as pas honte ? Je l’avais prise par les épaules. Elle ne m’écoutait pas. Je lui ai arraché le cornet vide de la main, j’ai raclé le sol, la boule écrasée, les cailloux, la poussière. Je lui ai tendu le cadeau brutal.
- Tiens mange ! Mange-la ta glace ! » ( Je peux prêter le livre)
Les différences d’interprétation du caractère des personnages par chacun des acteurs sont vivement et justement vues. Les vérités les plus pénétrantes se révèlent dans le jeu.
Le fait que ce soit un étudiant bien tendre qui se met dans les pas de son ami mourant pour accomplir son rêve de paix ajoute une dimension passionnante de plus où se glissent les lâchetés, les mensonges, les abandons.
Le théâtre ne peut rien contre les bombes, Paris est loin de Beyrouth, la guerre ne tue pas que les corps, mais aussi les âmes. Sous les gravats, une petite lueur s’obstine; c’est celle de « la servante » dont j’avais appris l’existence dans une autre pièce, une lampe qui brille quand tout est plongé dans le noir, elle chasserait les fantômes. Hier au soir, à la sortie, l’éclairage public dans la ville était éteint.

samedi 14 octobre 2017

Le maître a de plus en plus d'humour. Mo Yan.

A travers l’histoire d’un ouvrier modèle qui se retrouve sans emploi, est scrutée la société chinoise en mutation accélérée, depuis un moment d’ailleurs.
Le terme « maître » qui désigne le personnage principal prenant à présent conseil auprès d’un  de ses anciens apprentis, pourrait aussi s’appliquer à Mo Yan lui-même, prix Nobel.
 « Le maître et l’apprenti se placèrent côte à côte devant les urinoirs, sans se regarder, les yeux fixés sur les boulettes désodorisantes qui roulaient sans fin. Dans le fracas de l’eau, il demanda doucement : 
- Pourquoi faut-il payer pour aller aux toilettes ?
- Maître, on dirait que vous débarquez de la planète Mars, vous croyez que de nos jours il y a encore des choses gratuites ? dit l’apprenti en haussant les épaules. Mais payer a aussi son avantage. Si c’était gratuit, même en rêve, des petites gens comme nous n’iraient pas dans des W.C. luxueux comme ceux-ci ! .
L’apprenti le guida pour se laver les mains et les passer sous le sèche-mains, puis ils sortirent des toilettes. Assis dans le triporteur, frottant ses mains rugueuses adoucies par le séchage, il dit en soupirant : « Xiaohu, on s’est fait une pisse de luxe tous les deux.
- Vous ne manquez pas d’humour, maître !
- Je te dois un yuan, je te le rendrai demain !
- Vous avez de plus en plus d’humour, maître ! »
Par sa finesse, sa malice, une certaine réserve, l’auteur rend plaisant un épisode de la vie d’un homme gardant sa dignité bien que l’idée qui lui vient pour subsister ne soit pas très orthodoxe.
« Tôt ou tard la belle fille laide sera face à ses beaux parents »
Ce livre léger, 108 pages, incite à mieux connaître l’écrivain chinois dont le pseudo signifie  « Ne pas parler » et d’aller vers un de ses livres le plus célèbre : «  Beaux seins, belles fesses » que l’on m’a vanté, parmi les 80 ouvrages qu’il a produits.
« Il soupira en pensant à ces amoureux, c’était fatal qu’il en soit ainsi pour ce genre de couple; c’était un amour classique, très triste, comme les concombres plongés dans le pot de saumure : pas de trace de sucre, ils n’ont que le goût du sel. »

vendredi 13 octobre 2017

Le Postillon. Automne 2017.

Le bimestriel satirique à la grenobloise qui passe une annonce pour un emploi d’administratif, aurait pu tout autant en profiter pour faire appel à de nouveaux dessinateurs, l’un d’eux en est réduit à vanter son plaisir de « chier dehors ! » et la couv’ n’est pas très percutante.
Un supplétif. ve pourrait être requis également pour sa correctrice. teur pour surveiller à la sortie des rotatives quelques « z » intempestifs qui ont envahi plusieurs pages :  encore un logiciel facétieux.
Bon, j’arrête avec l’écriture inclusive, dernière mode visant à mettre à bas la supériorité mâle en grammaire et avec les critiques que les rédacteurs anonymes guère avares en remontrances  ne s’appliquent guère à eux-mêmes.
Le courrier des lecteurs est bien maigre et un « debriefing » serait bienvenu pour ces impitoyables de la démocratie à propos du numéro précédent comme le faisait « So foot ».
Les journalistes masqués vont adorer le mot « debriefing », eux qui traquent avec pertinence toute langue de bois :
Celle du CEA : « upgrader les plateformes », « on va switcher sur les compositions de Bernardo » et toutes les variantes pour parler de licenciements : « retrouver des degrés de liberté », « il faut se mettre en capacité managériale », « on va faire des inflexions », « la ventilation des départs prévisionnels »… « la granulométrie des services » : «  la performance sera upgradée ».
Celle des politiques : Hugelé, maire de Seyssins, le seul macroniste battu aux législatives n’est pas oublié, payé par la SEMITAG comme conseiller technique à la mobilité durable : «  nous voulons passer d’une entreprise de transports à une entreprise de déplacements » il est devenu « responsable de la culture et du parcours clients »: pourrait-on parler pour lui d’emploi aidé ? Un autre de ses collègues Colas Roy a bénéficié des prud’homs avant de voter en faveur du plafonnement des indemnités, alors qu’Emilie Chalas s’était entraînée à  faire baisser les coûts à la mairie de Moirans.
Il en est jusqu’à un dealer, dont l’interview est intéressante, à se voir comme un "macroniste" en puissance : «  Ma cocaïne vient soit de Saint martin pour la commerciale, soit de Guyane pour l’artisanale. Pour la faire venir chacun a son système. Moi j’ai mon propre voilier, acheté 40 000€, avec un skipper qui travaille pour moi : il ramène la coke en bateau d’Amérique du Sud vers l’Europe. Je fais une marge d’environ 30 000 € par kilo… La seule drogue qu’on ne fait pas c’est l’héroïne… Ce business là est tenu par les « Muslims »- ça peut surprendre mais certains sont connectés aux Talibans en Afghanistan - et les Albanais. Les Albanais sont les plus cinglés avec les Tchétchènes… »
Dans cette livraison à 3 €, les brèves épargnent (presque) Piolle et les socialistes( les quoi?), Carignon est absent, par contre le job de reporter est bien fait avec la description de la situation de familles de gens du voyage à Villard-Bonnot qui vivent à proximité d’une usine de compostage de déchets industriels. L’évocation à teneur nostalgique concerne cette fois Mistral, quand il y avait des jardins. La recherche d’angle nouveau des journaleux les amène à décrire le contenu de poubelles à Echirolles et à Corenc : « Actuel » avait fait ça dans les années 70 en recopiant quelques américains. Ils continuent à  documenter leur aversion pour les technologies nouvelles :
«  L’artifice de l’intelligence » le titre n’est pas vraiment malin.
…………
Le dessin en tête vient du baveux « Postillon » et celui du bas du « Canard » :
 

jeudi 12 octobre 2017

14° Biennale d’art contemporain. La Sucrière à Lyon.

Pour illustrer le thème  de cette année «  Mondes flottants » : de petits poissons cerfs-volants se devinent sur fond de ciel bleu. La proposition n’est pas franchement originale.
En persistant à me tenir au courant  de ce que les artistes, révélateurs-d’une-époque, peuvent proposer http://blog-de-guy.blogspot.fr/2016/01/biennale-dart-contemporain-lyon.html j’ai appris depuis longtemps que la beauté n’est plus un critère.
Il restait l’humour, il s’absente présentement, à moins que… d’après le directeur de la biennale : « l’art et l’espace se biomorphent, s’ouvrent sur des projets qui remettent en cause l’abstraction de la modernité européenne afin d’en réévaluer la portée, à l’échelle du monde »
L’insolite, l’inattendu deviennent bien rares.
Pas un trait, pas une coulure, pas une peinture, pas une moulure, pas une sculpture. Les fournitures sans enchantement proviennent de chez Leroy Merlin, pas du marchand de couleurs. Les tas de blocs de béton, même présentés dans de forts vastes lieux sont devenus un tic, un truc trop vu.
Un tissu léger soulevé par l’air dispensé par des ventilateurs a déjà été mis en place tant de fois.
Pénétrer dans une salle en plastique agricole boudinée, respecte certes le thème, mais nous rapproche d’avantage des châteaux gonflables destinés aux enfants lors des fêtes foraines que d’émotions esthétiques à bannir décidément de nos sentiments de spectateurs.
N’y aurait-il que des enjeux économiques dans ce rendez-vous ? C’est essentiellement cette dimension qui est mise en valeur dans un quatre pages du « Monde » réalisé en partenariat avec la Biennale de Lyon. Ce type de publi-reportage fréquent pour vanter les charmes de l’Arabie Saoudite me semblait moins habituel dans le domaine culturel où toute approche critique est donc exclue.

Oui de la flotte il y en a, puisque « mondes flottants » : laiteuse dans un bassin circulaire où tombent des gouttes qui forment des ronds dans l’eau, ou à l’intérieur d’un réseau de tuyaux transparents.
Il y a bien quelques photos de manifs en 68 pour arrêter le regard comme on feuillette distraitement un magazine : « ah oui ! » ; mais les tricotages autour de fils de fer issus de rebuts de brocante kitsch : je n’en peux plus.
Et la décomposition du vol d’un oiseau ne constituerait même pas un  mobile sympathique à accrocher au dessus d’un berceau.
Les inévitables produits dérivés ont pris, me semble-t-il, la place des œuvres devenues des prétextes, et sur Internet où les trolls sont portant prompt à ferrailler, pas un mot de critique, que des informations marchandes : c’est que tout cela est bien anodin.
Le hot dog aux oignons pris à la sortie au food truck était excellent, so branchy.