jeudi 14 janvier 2016

La modernité photographique au temps de Georgia O’Keefe. Hélène Horain.

Recoupant des articles passés
ci-dessous le compte rendu de la conférence d’une doctorante en histoire de l’art, complément utile à l’exposition O’Keefe qui durera encore tout le mois de janvier 2016.
Sous l’égide des amis du musée dont le livret présentant ses activités portait en couverture, de la photographe Imogen Cunningham, le « Magnolia blossom », tellement proche des fleurs emblématiques de Georgia O’K, cette turgescence au milieu de tant de blancheur demanda 80 prises de vues.
C’est d’ailleurs sous le signe de l’amour que la collaboration peinture/photographie est apparue. Ainsi  Alfred Stieglitz et Georgia O'Keeffe ont pu mettre en scène leur complicité, assez éloquente pour célébrer la Saint Valentin.
La portraitiste Gertrude Käsebier présentée à l’exposition parisienne « Qui a peur des femmes photographes? » jusqu'au 24 janvier 2016 à l’Orangerie et à Orsay, a figuré en bonne place dans la revue prestigieuse « Camera Notes » de Stieglitz où se rencontraient philosophes, peintres et photographes.
La  revue « Camera Work » qui lui succéda devint l’organe du mouvement Photo-Secession, se détachant du pictorialisme trop impressionniste, trop collé à la peinture. Les Stieglitz’ s boys veulent faire reconnaître la photographie comme un art à part entière.
« Le potentiel maximum de puissance de chaque médium dépend de la pureté de son utilisation »
Finies les retouches, les effets atmosphériques, pourtant Demachy qui veut s’élever au niveau de la peinture, c’est pas mal, non ? D’ailleurs bien des dissidents ont aimé nuages et vapeurs. La prise de vue est pour eux plus importante que le tirage, mais certains vont lui apporter tout de même grande attention.
Stieglitz avait rangé dans un tiroir, l’épreuve «  The Steerage » prise sur le pont d’un bateau, après avoir sorti son appareil « pesant comme 12 briques de lait », attiré par un canotier, des bretelles, des formes géométriques. Cet instantané deviendra l’emblème de la « straight photography »
Edward Steichen, adopte la même démarche même si son Penseur de Rodin qui se superpose au  monument consacré à Victor Hugo, jouant pourtant des lignes, n’est pas dans la ligne stricte du groupe.
Paul Strand, respectant le formalisme et s’avançant vers l’abstraction, est aussi le plus social avec ses figures de rue : « La femme aveugle ».
Ils captent les villes qui s’érigent à la verticale, les ambitions frénétiques. Le monde s’organise dans la géométrie. « Wall street »
«La photographie doit être une composition générée par l'œil du photographe et écrite par la lumière »
Walker Evans, c’est du franc portrait, son fermier, « Alabama Tenant Farmer », se sait photographié et nous interroge,   
alors que Dorothea Lange avec « Migrant Mother » réalisé pendant la crise des années 30, dans le cadre d'une mission confiée par la Farm Security Administration, aurait demandé aux enfants de tourner la tête et qu’un pouce aurait été effacé. Peu importe, l’icône «  Mère migrante » est  poignante.
Ansel Adams est connu pour ses paysages par exemple, « The Tetons and the Snake River », pris en poses longues, et un procédé le « zone system » qui étalonnait les gris, auquel nous serions redevables, quand notre Smartphone ajuste automatiquement la luminosité.
Un nouveau groupe intitulé « F64 » du nom de la plus petite ouverture photographique, prend la suite.  Imogen Cunningham s'y retrouve. Elle n’a pas seulement donné à voir des fleurs, ses nus masculins ou féminins souvent en double, « Two sisters », renouvellent le genre.
 « Car c'est dans cette chair inadéquate que chacun de nous doit servir son rêve, et donc, doit être rejeté au service du rêve »
Edward Weston, lui, c’était poivron musclé et des nus comme des coquillages.
Son complice Ansel Adams dira de lui :
« Weston est, de fait, un des quelques artistes créatifs d'aujourd'hui. Il a recréé la matière, les formes et les forces de la nature, il a rendu ces formes éloquentes sur le plan de l'unité fondamentale du monde. Son œuvre éclaire le voyage intérieur de l'homme vers la perfection de l'esprit. »
Et tant d’autres: Berenice Abbott Lewis Wickes Hine son « Power house mechanic working on steam pump » est parfait. Tout cela c’était au début du siècle précédent.

mercredi 13 janvier 2016

France culture papiers. Eté 2015.

Winston Churchill,  Orson Welles, Germaine Tillion, Arthur Rimbaud,  sont d’un autre temps et pourtant tellement contemporains, ils occupent pas mal de pages du trimestriel qui en comporte près de 200.
Fabrice Lucchini cite La Fontaine, Céline, Flaubert… et s’explique sur son goût excessif des phrases des autres.
«  La gauche a de la gueule, simplement cela condamne à l’excellence » : c’est de lui.
Et les applaudissements viennent concernant son besoin d’exactitude avec la langue :
« Le pire que j’ai entendu : «  Wagner c’est juste génial ». En disant juste je m’épargne une exigence de précision, une maîtrise d’adjectif. »
Les sujets sont considérables :
quand J. L. Etienne s’exprime avant de repartir en expédition Antarctique,
appuyé par un reportage photographique sur les réfugiés climatiques aux Maldives, au Tchad… au Pérou les glaciers fondent,
mais face à l’atlantique les remparts d’Essaouira tiennent.
Pourquoi titrer « le sport c’est de la culture », avec les sempiternels « combats fraternels » du rugby, « la beauté du geste » au tennis, la boxe qui « spiritualise le corps » à moins qu’il ne « corporéise » l’esprit ? La photo de Ben Barek commence à dater.
Par contre un rappel historique concernant la liberté de la presse quand «il revient aux dieux de s’occuper des insultes qu’on leur fait » est d’actualité. Cette livraison qui était disponible en librairie avant novembre ne prendra pas de coup de vieux de si tôt.

mardi 12 janvier 2016

La tectonique des plaques. Margaux Motin.

« J’ai trente quatre ans. Je fais un réel travail sur moi pour faire la paix avec moi-même… »
Immersion dans l’univers d’une parisienne régressive qui a tellement envie de redevenir petite fille depuis sa rupture amoureuse, se retrouvant en fait avec sa petite fille qui aurait tendance à être plus mûre que sa mère, à qui elle ressemble bien sûr. Comme elle ressemble à sa propre mère qui lui donne évidemment des conseils pour élever sa fille alors qu’elle, elle fumait des Gitanes dans la voiture.
Problèmes de fringues, « pantalon à rayures avec T Shirt à pois », de liberté, de nouveau copain, de copines, désespoir pour un néon impitoyable dans une cabine d’essayage et môme protégée par son impertinence, laissée souvent à elle-même.
Les familles mono parentales ne sont pas toujours aussi drôles et le quotidien des solitudes n’a pas toujours cette élégance du trait, ni ces agréables couleurs pastels.
L’autodérision  y est  charmante, l’autobiographée séduisante, une sincérité rafraichissante dans la lignée de Pénélope Bagieu http://blog-de-guy.blogspot.fr/2011/11/josephine-penelope-bagieu.html avec quelques pages poétiques qui ponctuent la chronique fine et rigolote en 346 planches.

lundi 11 janvier 2016

Au-delà des montagnes. Jia Zhangke.

Au premier temps de la fresque cinématographique en Chine, une naïve jeune fille choisit parmi ses amis, l’homme de « l’élite » et délaisse son prolétaire amoureux.
L’écran s’élargit : au deuxième temps, le mineur de fond ayant été licencié par celui qui lui a pris sa promise, a retrouvé du travail ailleurs. Il revient au pays, malade, alors que son ancien amour a divorcé d’avec le riche, parti en Australie avec leur petit nommé Dollar. 
Troisième épisode sur écran plus large encore: en 2025, devenu grand, Dollar doit carrément prendre un interprète pour dire à son père bardé de révolvers, son désir de liberté.
Les trois tableaux décrivant de manière appuyée les méfaits de l’argent, la perte des identités m’ont paru se corrompre au fur et à mesure qu’on approchait d’une conclusion qui tardait, comme les personnages devenus grotesques, sentencieux, réduits dans la séquence d’anticipation à l’état de fantoches, comme on disait dans les années Mao qui ne donnaient guère dans la nuance.

dimanche 10 janvier 2016

Afectos. Rocio Molina Rosario « la tremendita ».

Une danseuse, une chanteuse, un joueur de contrebasse, Pablo Martin, suffisent pour un spectacle de flamenco débarrassé de ses clichés et gardant cependant toute sa vitalité originelle.
La simplicité demande du travail quand la précision est mise au service de l’émotion et ici la vigueur n’exclut pas le sens de la nuance.
Comme souvent dans les spectacles vus récemment à la MC 2, l’entrée en matière est progressive pour nous défaire des tracas du monde et après une heure et quart intense, nous revenons au calme.
Nous applaudissons, mais nous avons envie de battre encore longtemps des mains pris par les rythmes qui ont portés la danseuse en complicité avec sa chanteuse joueuse de guitare.
A un moment, Rocio Molina danse avec une guitare muette et cette proposition évidente est magnifique. Assise sur un tabouret  nous voyons surtout ses mouvements de bras qui suivent parfaitement la musique. Evidence de la danse. Elle pétille, crépite, tambourine, frappe, tape et toque, talonne, se cambre, s’enroule, se défait, s’arrête.
Si j’ai le regret souvent de si mal comprendre l’anglais, la langue espagnole qui m’est également étrangère convient parfaitement, évidemment, à cette danse et je me laisse aller sans problème aux sonorités débarrassées de leur sens explicite, d’autant plus que la voix aux accents attristés emmène vers les plaisirs, voire l’humour.

samedi 9 janvier 2016

Almanach dauphinois 2016.

L’an dernier, déjà, je faisais part de la livraison de l’almanach rédigé depuis Annecy-Le-Vieux, en vente chez tous les marchands de jeux à gratter à qui il arrive de vendre un journal de temps en temps
 http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/12/almanach-dauphinois-2015.html 
et même depuis plus longtemps
Cette fois c’est la 50° édition avec Papagalli en majesté :
« T’as l’autre qu’a laissé ses poules pétafiner mes fraises. Quel basu ! »
Il y toujours une petite place prévue pour noter la date de la première gelée blanche ou celle où on a éteint le chauffage.
Il convient de savoir,
qu’en février :
« les derniers collybies (champignons) à pied velouté, sur souches ou troncs de conifères, même gelés, comme les pieds bleus, régaleront le cueilleur. »
de se rappeler de quelques maximes populaires :
« Quand il y a deux sages-femmes, l’enfant nait avec le cou tordu »
« Celui qui n’est pas son maître n’est le maître de personne »
de connaître des chansons de jadis :
«  Je suis comm’ l’hirondelle,
Je vais vers l’avenir. La vie sera belle.
Adieu soyez fidèles,
Gardez mon souvenir (bis) »
d’apprendre que Justin Bonaventure Morard de Galle est le seul isérois reposant au Panthéon, l’amiral est né à Goncelin,
de ne pas se lasser des blagues de Fafois :
« A la ferme, des touristes observent les vaches revenant des champs et rentrant à l’étable ; Ils s’étonnent que chaque vache sache regagner seule sa place :
Forcément leur nom est écrit sur l’ardoise juste au dessus !  leur rétorque Fafois »
et finalement comprendre des bribes de patois : …
« Fayé montâ la poya pe le tracolé pe vère si ayé quoque morille so lous frèsse… »
Il fallait monter la côte par  le sentier pour voir s’il y avait… ça on dit pas.
Une liste des disparus ( Pierre Vassiliu, Pasqua et Bergeron…) côtoie les portraits de centenaires de plus en plus jeunes.
Le rappel de l’année  écoulée va d’un juillet à l’autre depuis les policiers municipaux à cheval à Grenoble jusqu’à la décision de limiter la population des marmottes à Saint Vérand puisque cet almanach regroupe Isère, Drôme et Hautes Alpes.
Laragne Monteglin  située à la limite de la Provence a droit à 12 pages où l’on  comprend pourquoi la ville au centre d’un bassin de population de 15 000 habitants était surnommée « Le Las Vegas des boules » et l’origine de son nom dérivé de la beguda de Arena : « L’auberge de l’araignée ». La cité où naquit Spaggiarri, entourée de vergers de pommes recouverts de plastiques connut la prospère laiterie des Alpes et une minoterie fut le premier employeur de la ville. Dans les années 30, un millier de femmes travaillaient dans des ateliers de grainage de vers à soie  essentiellement pendant deux mois. Aujourd’hui l’hôpital psychiatrique assure les emplois les plus nombreux.

vendredi 8 janvier 2016

Le Postillon. N° 33. Hiver 2015-16.

Les collaborateurs du trimestriel essentiellement satirique concernant le bassin grenoblois, montrent à chaque fois la haute idée qu’ils se font de leur métier de journaliste. Avec ce qu’il peut y avoir d’exigence et d’honnêteté, d’originalité, de fraîcheur, mais avec aussi une désagréable tendance à se croire au dessus de leurs interlocuteurs ou de leurs confrères.
En ces temps politiquement corrects, le titre de cette livraison est accrocheur :
«  Etat d’urgence trop mou : la presse toujours pas contrôlée » au dessus du dessin qui figure pour illustrer la critique ci dessous en passe de devenir inévitable à chaque sortie de ces 16 pages impertinentes. http://blog-de-guy.blogspot.fr/2015/10/le-postillon-automne-2015.html
Ferrari, le patron de la Métro est dans le collimateur, à partir de témoignages d’employés de la mairie de Pont de Claix dont les prénoms ont été changés, tant il semble que l’atmosphère ne soit pas très saine au Sud de l’agglo. Mais l’absentéisme des personnels des collectivités locales demanderait une enquête contradictoire qu’ils ne me semblent pas prêt de mener, les employés étant par nature des victimes comme les musulmans qu’ils ont interrogés sur un autre sujet à la sortie de la prière.  Finalement, le phare urbain installé sur un château d’eau désaffecté au pied des falaises du Vercors ne peut signifier qu’une quelconque lumière préside ces lieux où « piston, dérapages et mauvais goût » sont relevés.
Il allait de soi que dans le petit jeu où le journal invente les chansons qui accompagneraient les politiques locaux : Christophe Ferrari mériterait « Le phare » des Têtes Raides, alors que Piolle écouterait en boucle « Help » des Beatles, Carignon « Vieille canaille », et eux au Postillon : « Quand on arrive en ville » de Balavoine…
Comme dans la rubrique hebdomadaire du Canard Enchainé, les compte-rendus d’audience au palais de justice sont éclairants et  particulièrement ici la comparution immédiate d’interpelés à l’occasion des perquisitions au début de l’« état d’urgence ». Un rappel historique de semblables dispositions en 1958 à partir la lecture des « Allobroges » est bienvenu.
De la même encre, les témoignages de personnes venues témoigner des difficultés dans leur travail, marquent des évolutions préoccupantes : dans un centre de prévention en addictologie, au Codase, à l’Alliance française, pour un conducteur de cars, un maître nageur ou chez Tornier entreprise rachetée par des américains qui fabrique des prothèses. Dans bien des lieux de travail les salariés n’osent pas s’exprimer.
Le Postillon est précieux pour rappeler aux politiques leurs promesses et mettre en regard le côté procédurier que les verts cultivaient dans l’opposition, alors qu’il a fallu beaucoup de patience à un citoyen pour obtenir les chiffres du coût de la fête des tuiles : 351 000 € au lieu des 200 000 annoncés. Des nuances ont été apportées à la transparence informatique, des assouplissements de quelques principes, et autres contradictions avec des discours imprudemment définitifs, voire des petits arrangements entre amis.
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Dans le « Charlie » de cette semaine :