dimanche 31 mai 2015

Z comme zig zag. Gilles Deleuze par Bérangère Janelle.

Une heure assis à un bureau d’écolier, j’étais sur la chaise étiquetée Sergueï Mikhaïlovitch Eisenstein derrière Baruch Spinoza.
Un moment jubilatoire passé à écouter deux comédiens philosopher comme on respire, disant des bêtises et des fulgurances qui entrainent loin;  jusqu’à l’horizon peut être, celui que perçoivent d’abord les japonais avant eux-mêmes et qui  peut fournir une identité à la pensée de gauche celle qui envisage d’abord l’universel.
« Les problèmes du Tiers Monde sont plus proches que ceux de mon quartier »
C’est que la question a été posée à l’assemblée réunie dans le grand studio de la MC2 autour de Deleuze, et personne n’a ricané, bien que demander : « qu’est ce que c’est être de gauche ? » relèverait de la perfidie.
« Faire de la philosophie, c'est constituer des problèmes qui ont un sens et créer les concepts qui nous font avancer dans la compréhension et la solution de ces problèmes »
 Le philosophe énigmatique et très familier ce soir, lui, dont Tournier son camarade de lycée, disait :
« Les propos que nous échangions comme balles de coton ou de caoutchouc, il nous les renvoyait durcis et alourdis comme boulets de fonte ou d'acier. On le redouta vite pour ce don qu'il avait de nous prendre d'un seul mot en flagrant délit de banalité, de niaiserie, de laxisme de pensée. Pouvoir de traduction, de transposition: toute la philosophie scolaire et éculée passant à travers lui en ressortait méconnaissable, avec un air de fraîcheur, de jamais encore digéré, d'âpre nouveauté, totalement déroutante, rebutante pour notre faiblesse, notre paresse. »
Dans l’abécédaire que nous entrouvrons : avant  zigzag et  zen (l’inverse du nez),  la mouche qui fait ZZZZ, il y a eu la pause tennis : le style de Borg aurait-il été un style prolo ? Et la machine à café débloque. Depuis le A d’animal, il y avait tant de concepts à aborder de façon originale, vivante, avec l’art, la musique, le roman, le désir, la philosophie pour aller contre la bêtise :
« Salut à toi, dame Bêtise
Toi dont le règne est méconnu
Salut à toi, Dame Bêtise
Mais dis-le moi, comment fais-tu
Pour avoir tant d´amants
Et tant de fiancés
Tant de représentants »
Brel
De la poésie, des surprises, de la proximité, les deux passeurs, comme ça sans en avoir l’air, Gilles et Gilles, amènent des sourires et invitent à ne pas se morfondre : «  la honte d’être un homme » de Primo Levy ne confond pas bourreaux et victimes, mais invite à résister.
Souffrant des poumons, Deleuze s’est défenestré, Lévy s’était suicidé.

samedi 30 mai 2015

6 mois. Printemps été 2015.

300 pages de photographies. Le pavé, neuvième du genre, frappe au plus fort.
Consacré en trois reportages au « business de la terre », nous ne ressortons pas indemnes des usines à nourriture au Brésil, aux E.U., au Japon,  avec des images de catastrophes sanitaires causées par les pesticides en Argentine ou des portraits de la main d’œuvre africaine au sud de l’Italie.
Les horreurs de la guerre nous sont elles plus familières, ainsi  que les jeunes en cure de désintoxication d’Internet en Chine ?
Des nouvelles de bergers du Pamir comblent notre soif d’exotisme, et les communautés dans la ville de Leipzig qui essayent de vivre d’une autre manière, comme un train-clinique dans la Sibérie désertée témoignent d’utopies qui tentent de penser des alternatives ou de panser les blessures, les solitudes, les détresses, la misère.
Alors les portraits en noir et blanc de la rugueuse Juliette dans son tab’ier à fleurs et son panier de haricots au bras ainsi que des enfants d’un album de famille danois nous apaisent.
Les souvenirs de policiers suisses ou la photobiographie de Kim Jong laissent plus indifférent alors que le rappel d’un moment oublié depuis Beslan, lieu du massacre de 344 personnes  par des séparatistes tchétchènes, il y a 11 ans déjà, est utile en montrant les rescapés et leur vie d’aujourd’hui.
Sur le plan formel une collection d’instantanés nous tape à l’œil et le procédé d’une photographe posant avec des modèles très différents, se glissant dans leur décor est stimulant.

vendredi 29 mai 2015

Burn out et doutes.

Les médias sont passés à la séquence « burn-out », et le débat « collège » est déjà loin, pour lequel la formule «  le niveau monte » peut être abandonnée définitivement, après avoir fait florès depuis Baudelot et Establet avant de tomber de Charybde en PISA : pareil pour la presse !
Et Le Vaillant dans Libé : «  si on supprimait l’école (et ses réformes) ? » qui ressort des mots des années Illich et Summerhill : ça ne nous rajeunit pas !
Je viens d’envoyer à Télérama ces mots :
«… vous mettez en évidence le ressenti d’une institutrice retraitée, comme moi, qui n’a pour seul argument qu’elle est fatiguée des « vieilles barbes » ; pourtant Régis s’est rasé la moustache mais pas Jaurès. C’est sans doute pour refléter l’accablant niveau des débats sous le titre jeunes / vieux, que vous avez privilégié celui là, venant après les « bas du front » de Joffrin et les « pseudos  intellectuels» de NVB et précédant les coups de fouets qu’attend avec impatience ma conscrite Durut Bela (professeur en sciences de l’éducation, interrogée par l’hebdomadaire) qui devrait être également à la retraite, bien que préservée semble-t-il des élèves depuis belle lurette, dans le mol dossier consacré à la publicité de la réforme du collège. »
Les journalistes compatissent avec les salariés sous pression, mais ils ne cessent d’accabler les profs qui  décidément ont du mal à comprendre : seraient-ils contre l’égalité ?
Les urnes risquent d’être peu fournies en suffrage pour la pseudo gauche ; ce sera le recours ultime ignorant les consultations qui n’abusent plus grand monde.
Après avoir couru derrière quelques leurres en peau de latin, ce que j’ai pu lire dans la presse m’a paru bien fade, pipé. Et le sabir, pas si anodin, de la techno structure accusant la distance entre décideurs et exécutants méritait-il mieux que des ricanements ?
Depuis le début de ma carrière d’instit’, en 68, c’est chaque fois au nom de l’égalité que s’empilent les réformes : maths modernes, disciplines d’éveil, notation ABC … avec dans les faits une diminution des heures de français qui portent les fruits secs que l’on connait.
Ci-dessus une BD du ministère à agrandir en cliquant dessus, qui situe le niveau d’infantilisation des personnels. Et lisez plutôt la "méforme du collège" d’un compagnon de blog, militant inlassable d’une école plus juste et performante : « L’autre monde », ci contre dans la colonne de droite.
Dans une société où Nabila est une vedette, Duflot ministre et Pujadas journaliste, les modèles sont écroulés.  Alors ce pays vieilli flatte la jeunesse pour rester dans le registre qui tant excite la presse : les vieilles barbes parlant aux vieilles barbes.
Les « cycles » introduits en primaire n’ont pas fonctionné : on les propose à cheval entre école et collège, les EPI (enseignement pratique interdisciplinaire) remplacent les défuntes IDD (Itinéraires De Découverte) qui ne marchaient pas : on change les lettres.
Les mots sont morts. Pour aller au-delà de quelques phrases échangées sur Facebook avec une vieille complice de La FCPE qui  s’étonnait de mon scepticisme, moi l’ancien militant du SGEN CFDT, syndicat qui aujourd’hui se propose de passer dans les collèges pour expliquer la réforme du ministère, je révise mes engagements.
Je souhaitais l’entrée des parents à l’école, le travail en équipe, la pédagogie du projet, l’enfant au centre…
Les temps ont changé : l’enfant silencieux est passé en mode impérieux, prescripteur, le précepteur adulte s’est effacé, les parents sont devenus des consommateurs alors qu’ils étaient des amis de l’école. Pour la rédaction des projets, les inspectrices imposent des éléments de langage, et bien des collectifs se sont épuisés en parlottes inutiles, dévoyés en affichages publicitaires au détriment d’engagement authentiques, sous un caporalisme aux allures participatives mais visant au conformisme.
Les profs sont résignés, la réforme du collège va se faire dans la suite logique de celle du lycée de Chatel, surmontera-t-elle le manque d’appétit, de travail de nos enfants? Quant à la formation d’hommes et de femmes libres ?
Le blabla autour des promesses a entretenu  l’idée d’une école qui ennuie, surmène et bien des discours tenaient de la publicité : « maigrissez sans effort et continuez à vous empiffrer ».
Allez tout le monde au bac (à sable) !
…………
Libé peut être pédagogique quand il rappelle :
-        En 1979, la France a accueilli plus de 100 000 «  boat people » venant du Cambodge et du Viet Nam.
-         La commission européenne a demandé aux 28 états de l’UE de se répartir 20 0000 réfugiés (1 pour 25 000 habitants).
-        La Turquie héberge 1,7 millions de réfugiés. Le Liban plus d’un million (le quart de sa population)
L’image qui chapeaute cet article est prise dans Libé qui fait sa propre pub pour une nouvelle formule. Habile, jouant avec les contradictions, ce qu’ils n’ont pas fait dans le débat sur l’école où tout contradicteur était affublé de l'étiquette infamante "à droite", rendant tout débat impossible.
………..
Pas dessin du « Canard » cette semaine qui avait cependant une bonne manchette :
"Espagne : Podemos, France : pas des masses "
Faute de dessins convaincants concernant le collège, je propose celui du Point réalisé avant que les scandales de la FIFA n’éclatent.

jeudi 28 mai 2015

Yves Klein et Jean Tinguely.

Dans le mouvement du « Nouveau réalisme » auquel le Niçois et le Suisse ont appartenu un temps, ils ont occupé le territoire de l’immatériel.
Ce groupe d’une « singularité collective » pour « une approche perceptive du réel » eut une durée de vie qui occupa les années 60.
« Yves le monochrome » et « Jean le cinétique » comme ils furent nommés, tels des empereurs byzantins, comme l’a précisé le conférencier Thierry Dufrêne devant les amis du musée, vont utiliser d’autres moyens que la peinture pour peindre.
Yves Klein, fils de deux artistes, fut ingénieur de la navale et étudia les langues orientales. 
Il présenta un projet de peinture avant de s’atteler à la tâche, avec une préface de son livre constituée uniquement de traits.
Il assure le renouvellement de la peinture monochrome, avec dans sa tête Kandinsky, Malevitch, Rodchenko.
Loin des jeux d’esprit d’Alphonse Allais qui dans  « L'Album primo-avrilesque » intitule une toile bleue :
« Stupeur de jeunes recrues apercevant pour la première fois ton azur, o Méditerranée! »
Lui, ce serait plutôt la couleur d’un tatami  évoquée dans la toile bleue intitulée « Tokyo », il était un très bon judoka.
Au « Salon des Réalités Nouvelles », il est refusé alors que Tinguely est accepté avec «  Relief méta mécanique » où les formes géométriques sont mises en mouvement depuis le châssis.
Lessing, écrivain allemand, dans son traité d’esthétique « Laocoon », estime que le poète a du temps, alors que l’artiste, homme de l’espace, doit être tangible dans l’instant.
Tinguely en déléguant le métier d’artiste à la machine, bouscule les codes, et Klein en utilisant le corps de femmes enduit de couleur comme « pinceau vivant » qu’il se garde de toucher tout en les dirigeant, aurait- il à faire présentement avec les chiennes de garde ?
Mais le passage sur la toile du rouleau trempé dans le bleu IKB « International Klein Blue », déposé à l'Institut national de la propriété industrielle n’est pas une mono manie. Il gorge de bleu des éponges qui offrent « une qualité de respiration », elles sont le portrait de ses spectateurs qui « absorbent ».
Il lit Bachelard, le philosophe des éléments primordiaux : feu, air, eau, terre, mais leur rencontre se passe mal. Il crame ses toiles, aux endroits que les corps enduits d’eau ont laissés à la flamme. Les silhouettes d’Hiroshima flashées sur le béton par la bombe vont le hanter.
Une de ses expositions s’intitule : «  le vide », les salles  de la galerie sont vides. 
Il met en scène, une autre fois, un « saut dans le vide », un photomontage où il prétend léviter pour mieux peindre l’espace, qu’il commente dans un journal d’un jour.
Pour  un exvoto destiné à Sainte-Rita de Cascia, patronne des causes désespérées, il ajoute au bleu, celui qui sort des ténèbres, couleur du fils sensible, le rose du Saint Esprit et l’or du père immortel.
Il vend ainsi des « zones de sensibilité picturale immatérielle » contre des feuilles d’or, Dino Buzzati participe à la transaction, une zone désignée par un geste donne droit à un certificat… à détruire. Le rosicrucien est l’un des pères du happening et des performances accompagnés de musique concrètes. Son projet d’Obélisque éclairée en bleu sera réalisé après sa mort à 34 ans. 
Tinguely était aussi performant  avec son  « Hommage à New York », sa machine s’autodétruit dans la cour intérieure du MOMA. Dans le désert à côté de Las Vegas,  il met en scène une fin du monde et sur le parvis de la cathédrale de Milan un phallus géant s’enflamme pour fêter les 10 ans du NR, nouveau réalisme.
La collaboration particulière que Tinguely entretint avec Yves Klein fut une « super collaboration » d’après l’appréciation du sculpteur qui mit la peinture en mouvement, alors que des sculptures apparurent de la part de celui qui déposa quelques roses sur la dalle funéraire intitulée  « Ci-git l'Espace ». Ils réalisent ensemble « Excavatrice de l’Espace » et « Vitesse pure et Stabilité monochrome », des machines bleues.
 « Le cyclope » géant de Milly la forêt où ont travaillé Arman, Raynaud, César, Nicky de Saint Phalle … sur son  toit couvert d’eau, reflète le ciel, un ciel bleu Klein.

mercredi 27 mai 2015

La Caponata

Voilà une recette telle qu’elle m’a été transmise :
2 poivrons rouges,
1 aubergine,
750 g de tomates,
1 cœur de céleri branche avec les feuilles,
1 oignon, 4 gousses d'ail,
40 g de câpres, 2 cuillères à café de thym frais,
8 cl de vinaigre de vin rouge+ 2 cuillères à soupe de sucre,
25 cl  d’huile d'olive.
Ebouillanter les olives 2mn, égoutter, couper en petit dés.
Laver et couper les poivrons en petits dés.
Peler et épépiner les tomates (les ébouillanter c'est plus facile), les couper en dés.
Hacher l'ail.
Emincer les oignons.
Faire revenir les oignons  3mn dans 3 cuillères à soupe d'huile d'olive.
Ajouter poivron et ail faire revenir 5 bonnes minutes.
Ajouter les tomates, saler poivrer  et cuire à couvert 20 mn  à feu doux.
Pendant que ça cuit, couper le céleri en petits dés.
Faire revenir 10 mn dans 3 cuillères à soupe d’huile d'olive avec thym.
Couper  les aubergines en petits dés.
Enlever le céleri et le réserver, et remplacer par  les aubergines,
laisser cuire 5-10mn.
Tout mélanger (penser aux câpres et olives hachées) ajouter le vinaigre avec le sucre.
Laisser cuire 2 mn.
Laisser refroidir.

mardi 26 mai 2015

Lulu femme nue. Etienne Davodeau.

Le Chabrol de la BD, pour ses chroniques provinciales,
nous livre en deux volumes l’histoire d‘une femme ordinaire qui se prend quelques jours loin de sa famille.
« Ce récit est une fiction. Toute ressemblance avec des évènements arrivés dans votre vie ou dans celle de vos proches relèverait donc du pur hasard (qui est un sacré farceur). »
Sans esbroufe, elle passe de son terne quotidien à des instants pas  forcément mirobolants où elle prend son temps.
Le récit de cette escapade sera raconté par ses amis réunis sur sa terrasse puis par la plus grande de ses enfants avec une justesse des dialogues qui rendent cette aventure sans flonflon, palpitante.
Le titre est peut être trompeur : il ne s’agit pas de femme à poil, mais d’une vérité qui se cherche y compris par des nuits sur un banc, sans le sous, même pour un café.
Mais les rencontres avec une serveuse qui n’a pas inventé la poudre, d’une vieille qui a le sens de la formule, d’un sorti de prison en caravane, vont lui permettre de se (re)trouver.
« Houlala ..., ma vie me plait pas. Il se passe rien. Je sais pas si j'aime encore mon mari. Il a changé, parfois je le supporte plus. Heureusement j'ai mes enfants. Mais j'ai parfois l'impression d'être juste une extension de la gazinière et du lave-linge. »
Un film avec Karine Viard  s’en est inspiré, le personnage de la BD est moins rayonnant que la star, mais sa liberté fragile aux couleurs pastel est émouvante.


lundi 25 mai 2015

Cannes cinéphile 2015.

De retour du festival de Cannes avec 34 films dans les poches - sous les yeux - j’essaie de rassembler quelques titres et des correspondances, comme j’ai pu le tenter depuis quelques années.
Si la langue anglaise est déjà hégémonique dans les titres, il convient d’élargir son vocabulaire  pour caractériser quelques « feelgood movies » ou « teen movies», voire nommer « des objets mystérieux prétextes au développement d’un scénario » : des « MacGuffin ». Merci Wikipédia et Hitchcock.
Dans cette fête des images et des mots (« Words and pictures »), la proximité et l’abondance des histoires éteignent des emballements d’un instant ou confirment des préférences.
J’énumère ici des titres pour rendre compte de l’ivresse de ces journées et reviendrai chaque lundi, au moment de leur sortie sur ceux qui seront distribués à Grenoble.
Mon  film favori apparaissait dans la sélection « vision sociale » : « Rendez vous à Atlit ».
Il s’agit de trois sœurs qui reviennent dans la maison familiale en Israël. Dilemmes émouvants avec des actrices en état de grâce, sur fond de rappel historique quand les espoirs de paix s'effaçaient au moment où Yitzhak Rabin fut assassiné (merci correcteur, j'avais mentionné Begin!).
C’est l’année de la sororité (histoire de sœurs) : négative, à cran, avec «  Pauline s’arrache », lumineuse avec « Notre petite sœur » ; l’un est français, l’autre japonais.
Les cinq sœurs de «  Mustang » sont turques, combatives et porteuses d’espoir.
Les bandes de filles, même à Gaza, à l’intérieur d’un salon de coiffure, dans « Dégradé », sont plus fortifiantes que lorsque les garçons s’assemblent auprès d’un « Sleeping giant », ou bien lorsque le silence s’est installé depuis 40 ans entre deux frères « Béliers ».
Si le titre « Les chansons que mes frères m’avaient apprises », exprime le contraire de la déréliction poignante d’une réserve du Dakota, l’espoir vient encore d’une petite indienne.
Alors que dans la forêt bolivienne, une jeune fille de 13 ans déjà enceinte du commandant guérilléro, « Alias Maria » en a plein les bottes, nous pouvons nous assoupir sous les arbres  de « Canopy », une autre jungle du côté de Singapour.
Parmi tant de personnages féminins forts, une se débat pour échapper à un passé douloureux, « Amnésia »,  mais une autre peut participer aussi au massacre familial symbolique au moment de Thanksgiving, «  Krisha », ou sombrer dans la folie, dans « Touch » quand la douleur de perdre un enfant est insupportable. Ce fut d’ailleurs un thème abordé aussi dans « Every thing we loved » et dans quelques autres propositions que nous écartâmes.
Cette année, nous nous retrouvons aux antipodes de certains critiques pourtant assez unanimes à souligner les faiblesses des productions françaises, tout en leur réservant beaucoup de place.
« Trois souvenirs de jeunesse » de Desplechin, ou « A l’ombre des femmes » de Garrel sont de bien moindre intérêt qu’une chronique paysanne dans le Nord du Portugal « Volta a terra », voire « Tabula rasa » où la cuisine indonésienne constitue le thème principal.  Nous pouvons nous sentir tellement plus proches des paysans de la campagne égyptienne, du très réussi « Je suis le peuple », que des nombrils parisiens.
Si la tendresse peut se déceler au fin fond des bas fonds de Phnom Penh,  « De l’ombre il y a », nous en sortons secoués, et  contents d’avoir été baladés entre fiction et documentaire comme ce fut souvent le cas, avec moins d’habileté dans « Taklub » qui décrit  un village de pêcheurs après le passage d’un  typhon aux Philippines.
Les exégètes ont fait la fine bouche pour «  A perfect day » dont nous avons apprécié l’humour au milieu de la guerre dans les Balkans, et pour « Le tout nouveau testament » sous le pouvoir réjouissant de Poelvoorde jouant Dieu, promis à un succès populaire.
Par contre mon regard intéressé par le début du  tant loué « Montains may depart » s’est modifié. Alors que souvent dès les premières images le ton est donné, j’ai eu hâte que le film s’achève, tant je le sentais se dégrader.
Au cours de tant de voyages proposés par les cinéastes, le film « Panama » propose un regard inédit sur la société serbe vue côté jeunes riches, traitant des nouveaux moyens de communication au service de la fornication, mais il est sans âme, mécanique nique. Les trois périodes de « Soleil de plomb », histoires d’amour en Bosnie pouvaient intéresser sur le devenir d’une zone éloignée en ce moment des projecteurs, mais je n’ai pas tout compris. En milieu bien plus couvert, « Nahid », une jeune maman iranienne entre divorce et « mariage temporaire » a bien du mal avec son fils, mais une de ses compatriotes, qui se bat pour organiser un concert international afin que des femmes puissent chanter en solo, dégage une énergie communicative : «  No Land song ».
Dans la fable décapante «  Gaz de France », ou dans la recherche par une paire de « Cow-boys » d’une fille partie en terre de Jihad, nous sommes en plein dans nos préoccupations hexagonales.  Cependant nous pouvons nous sentir également concernés par cet ouvrier qui se meurt au milieu des champs de cannes à sucre en Bolivie, « La tierra y la sombra ». 
Et de l’autre côté du monde, la situation des aborigènes en Australie de « White lies » rappelle d’autres colonisations, les oiseaux d’ « Healing » réparés par des prisonniers qui se réparent ainsi, ressemblent aux nôtres. Ce film généreux mais un peu insistant à mon goût a obtenu le prix Cannes séniors. Dans la compétition « Ecran junior »,  je ne sais ce qu’il adviendra en matière de récompenses de « Words and pictures », genre « cercle des poètes disparus ».  Les palmes et autres récompenses sont tellement multiples que la remise des prix ressemble à l’école des fans ou au collège qui se voudrait tellement bienveillant de la ministre de l’éducation.  
Avec mes compagnons de salles obscures à La Bocca et partageux du pan bagnat dans les files d’attente, nous avons eu l’occasion à de multiples reprises, d’apprécier des acteurs amateurs, mais je pense que Juliette Binoche en prof d’art plastique ( pictures) face à un prof de lettres (words), qui ressemble à Laurent Blanc l’entraineur, attirera des spectateurs.