jeudi 10 septembre 2009

Rencontres photographiques d’Arles.

Un certain nombre de lieux d’exposition sont fermés avant la date ultime prévue le 13 septembre, ainsi je n’avais pas de dilemme pour choisir un lieu au détriment d’un autre. L’essentiel se passe encore au parc des ateliers SNCF. Au centre ville, les éditions Delpire, que les amateurs de photographies peuvent remercier pour la collection photo poche, donnent quelque peu dans l’autocélébration au diapason des rencontres qui fêtent leurs 40 ans. Duane Michals à l’archevêché ne constitue qu’une mise en bouche. Par contre la projection de travaux de Nan Goldin et un certain nombre de ses invités donnent le ton de cette cuvée : dérangeant. Comme Leigh Ledare qui photographie les ébats de sa mère avec un partenaire de l’âge de son fils. Glauque.
Les banlieues constituent les nouveaux territoires à explorer : des photographes s’y aventurent et reviennent avec des témoignages forts. Parmi les pionniers de photos en milieu camé, Eugène Richards nous avait impressionnés. Cette année, il a abandonné les personnages, il travaille en couleurs et ses maisons abandonnées de la campagne américaine sont poignantes et belles : mes préférées.
Sinon des travaux de reconstruction de négatifs au fusain, des recompositions d’estampes chinoises dont les montagnes jadis bucoliques désormais hérissées de tours et de grues, intéressant, comme sont émouvants les montages de Moira Ricci qui se met en scène sur de photos retrouvées où sa mère apparaissait. Toujours des reportages durs comme dans ce village lituanien imbibé d’alcool, dans les rues désolées d’Alep, ou un hôpital psychiatrique à Bethléem. Alors les images colorées qui illustrent la diversité de la Turquie d’Attila Durak nous apaisent avec leurs sourires.
« L’image est une alchimie qui a à voir avec la liberté et l’insouciance de l’enfance. L’esthétisation forcée du monde a détruit cette innocence. Non seulement les belles images dénient, volent le monde ; mais elles le jugent : on ne punit plus que les fautes de goût. »
Cette phrase de Bernard Faucon interroge le spectateur d’expos et l’amateur de clics, je connaissais ses travaux quand il mettait en scène des mannequins de magasins dans des situations de la vie courante : esthète lui-même !

mercredi 9 septembre 2009

J 1 : Les mobylettes d’Hanoï.

Mercredi 8 juillet, nous prenons le premier TGV de Grenoble vers Roissy à 4h 51 du matin, pour le vol de 12h 25, de la Viet Nam Airlines ; nous sommes largement en avance.
Libé et Le Canard enchainé - c’est mercredi- marques ultimes de la France, nous permettent de patienter dans la foule de l’aérogare, cosmopolite comme il se doit.
Nous partons, loin de Sarkoland.
Vol direct sur Hanoï d’une durée de 11h 35, sans escale. Nous arrivons à 5h du mat, heure locale.
Dès le trajet en voiture à partir de l’aéroport tout neuf situé à 35 km à la ville, nous savons que nous avons changé d’univers, avec les maisons à étages étroites pour raison de taxes avec pièces en tunnel, les champs de riz où des paysans poussent l’araire derrière le buffle, des supports gigantesques pour les publicités et une circulation anarchique composée essentiellement de scooters. Jusqu’à cinq passagers sur deux roues et des chargements volumineux des plus insolites. Notre guide Manh nous dit qu’il a même vu une moto transporter deux vaches ! Petites.
La vieille ville d’Hanoï nous séduit immédiatement avec sa vitalité, son foisonnement, ses fils électriques et téléphoniques en écheveaux volumineux, ses maisons et ses arbres (banians, frangipaniers, nims) aux troncs souvent recouverts de lianes. Flamboyants.
Manh nous facilite les formalités d’admission à l’hôtel Hong Ngoc (30-34 Hang Nanh) bien situé dans le vieux quartier des 36 rues. Elles étaient spécialisées et souvent liées à un village : rue des chaussures, des pierres tombales, des instruments de musique, des lanternes…
Nous photographions compulsivement dans le tintamarre d’une circulation extravagante. Du monde partout sur les trottoirs, assis sur des tabourets bas en plastique. C’est ce qu’on appelle des « restaurants poussière ». Il est possible au milieu des motocycles garés d’y manger, de la viande grillée, des rouleaux de printemps, des soupes…
Les marchés à l’abri de bâches ou dans les rues étroites exposent des viandes à l’odeur douceâtre, des poissons, des crapauds, des fleurs, des légumes, des fruits.
Nous arrivons ainsi au bord du lac de l'épée restituée (Hoan Kiem Lake). « D'après une légende, un pauvre pêcheur s'était vu confier par la tortue sacrée du lac une épée magique pour défendre le royaume contre les envahisseurs Ming. Il remporta de nombreuses victoires, libérant le peuple vietnamien du joug chinois. Mais un jour, l'épée lui échappa des mains pendant qu'il se promenait au bord du lac et fut interceptée par la tortue qui la ramena au fond ».
Température affichée : 26°, mais l’humidité nous éprouve. Nous nous posons sur une terrasse de bar en étage, commandons une bière pression et comme nous surplombons un carrefour, nous nous extasions sur les chargements multiples, les femmes qui s’abritent du soleil avec leurs chapeaux coniques, de longs gants, des masques coquets servant de rempart contre la pollution. Les piétons traversent d’un pas nonchalant parmi un flux sonore permanent sans provoquer d’accident.
Près de l’hôtel nous « boutiquons » le long de Hang Gai street, nous trainons dans les boutiques d’art, admirons le peintre Binh qui représente des femmes en tenue traditionnelle appelée hao daï formé de deux pans de tissus resserrés à la taille. Les hôtesses, les lycéennes qui le portent avec un pantalon,sont particulièrement élégantes. Après quelques galeries d’art contemporain très sages, nous pénétrons dans un magasin de soie. Un pyjama en soie pour 25€, un hao daï (35€) sur mesure au 55 Hang Gai au Ngoc Hien Silk. Au passage nous nous attardons sur des tableaux en soie brodée, nous regardons nos premières laques.
Nous ressortons de l’hôtel, un peu déphasés, il n’est que 14h. Après des essais infructueux sur l’internet de l’hôtel, nous partons roder dans le quartier français, vers la cathédrale, les ministères, là où les avenues sont larges et presque en quadrillage mais cela ne nous empêche pas de perdre le Nord. Contrairement à la banlieue, le centre de la capitale n’a pas trop souffert des bombardements surtout quand des prisonniers américains ont été employés à réparer les dégâts. Ils étaient détenus dans un lieu qui est devenu un musée que l’on appelait par dérision le « Hanoï Hilton »
Au théâtre de marionnettes d’eau, 3 places coûtent 60 000 dongs (1€= 25 000 dongs donc 100 000 dongs = 4€). Une musique traditionnelle accompagne les marionnettes en bois de couleurs vives qui évoluent au bout de bambous manœuvrés par des personnes cachées derrière de stores et immergées jusqu’à mi-cuisse. Un dragon crache du feu, un pêcheur ramène des poissons dans ses filets, un roi et sa cour s’avancent. Une entrée en matière innocente pour aborder cette civilisation de l’eau où le passé est toujours présent.
Nous nous écroulons au Little Hanoï restaurant devant un pho, soupe de vermicelles copieuse. Restau aussi bien conseillé par Manh que par « le Routard » (angle de Hang Gai et Luong Van Can street).
Le temps de s’allonger : moustiques, à vous de jouer !
Vocabulaire : Ga mone : merci ; tanebiène : au revoir

mardi 8 septembre 2009

Grisaille

Décor de ciel plombé,
Foule
Foutue
Fatiguée

Clopes des mutants blêmes
Mégots qui s'accumulent
Devant l'arrêt du bus,
Le désespoir vit au fond du caniveau

D.

lundi 7 septembre 2009

Adieu Gary

La description de la classe ouvrière est suffisamment rare dans le cinéma français pour appeler toutes les indulgences. Mais ce film souffre de la comparaison à l’égard des productions anglaises en abusant des symboles, jusqu’à l’onirisme parfois ; c’est un comble, ce manque de réalisme. Ici les allusions au western m’ont semblé artificielles comme l’importance prise par le décor. Cette cité ne reste qu’un « extérieur » à l’abandon. Bacri, débitant ses brutales vérités, est excellent. Bien que certaines scènes soient appuyées comme les locaux syndicaux vidés pour laisser place à la prière musulmane, le film est sympathique et porte un regard utile sur un monde qui meurt mais l’on ne sait rien entrevoir de celui qui émerge.

dimanche 6 septembre 2009

"Bourrées de complexes"

Géraldine Jacquier et Fabienne Déroche ont mis en valeur Boris Vian au festival de la cour du vieux temple lors d’un tour de chant bien agréable pour aller vers la fin de l’été.
Le public s’est régalé à réviser les thèmes cocasses, engagés, poétiques de celui qui a disparu il y a cinquante ans : « on n’est pas là pour se faire engueuler », « la complainte du progrès »,
« je bois », « les joyeux bouchers », « le cinématographe », « la java des bombes atomiques », « j’suis snob », « fais-moi mal, Johnny », « ne vous mariez pas les filles »… et encore mieux de découvrir, pour moi, par exemple un « Barcelone » romantique.
Rien de mieux n’a été dit sur la société de consommation depuis la complainte du progrès:
« Autrefois pour faire sa cour
On parlait d'amour
Pour mieux prouver son ardeur
On offrait son cœur
Maintenant c'est plus pareil
Ça change ça change
Pour séduire le cher ange
On lui glisse à l'oreille
Ah Gudule, viens m'embrasser, et je te donnerai...
Un frigidaire, un joli scooter, un atomixer
Et du Dunlopillo
Une cuisinière, avec un four en verre
Des tas de couverts et des pelles à gâteau!
Une tourniquette pour faire la vinaigrette
Un bel aérateur pour bouffer les odeurs
Des draps qui chauffent
Un pistolet à gaufres
Un avion pour deux...
Et nous serons heureux! »

Et que ça sautille !
Le duo bien au point sur le plan musical et dans les chansons les plus douces gagnerait à trouver un registre moins couru que le jeu de deux femmes contrariées en scène et devrait varier les postures, sinon c’était bien frais.

samedi 5 septembre 2009

Je me défais de l’ « Obs »

Après l’interview complaisant du président de la république par Olivennes en juin, bien que j’aie signalé mon désabonnement au « Nouvel Observateur », j’ai continué à le recevoir pendant ces vacances.
J’ai ainsi pu mettre au feu de la critique ce que j’avais adoré. Depuis ma décision qui remettait en question des années de fidélité, au cœur des héritages familiaux et amicaux, je rends raison à tous ceux qui ne supportaient plus cette gôche tellement chic.
C’est avec tristesse que j’accomplis cette rupture qui va au-delà de l’agacement devant la profusion des pages mode. Cette vitrine branchouille de la « deuxième gauche », dont la dénomination même a connu une usure analogue à « autogestion », a tendance à radoter.
Et le contentement d’eux-mêmes de beaucoup de rédacteurs ne peut être d’un grand secours dans le désarroi où nous sommes depuis la première gauche jusqu’à tous ceux qui sont au trente sixième dessous.
Ce ne sont pas les fantômes de Billancourt qui vont être désespérés par Jean Daniel en son fauteuil à l’Elysée quand un reportage sur la classe ouvrière ou la banlieue dans l’ancien journal de F.O.Giesberg semble aussi exotique que les plages du Sri Lanka.
Les tartines concernant Dati réduisent l’espace que mériteraient quelques plumes encore vertes telles celles de Julliard ou Reynaert ; Askolovitch porte-coton de Besson n’était pas là par hasard. Cette « droite Carla » accable les préaux, les bureaux, les tréteaux, les labos, voire le bobo qui m’habite souvent. Je regretterai Garcin et les critiques cinéma moins prévisibles que Télérama.
« Politis » trop chapelle, « le Monde Diplo » trop pointu, « Marianne » aux titres tellement accrocheurs que les contenus paraissent fades, que reste-t-il comme hebdo lisible en plus du « Canard » qui informe mais ne remplit qu’une fonction critique?

vendredi 4 septembre 2009

La passion Lippi

Si ce n’était la recommandation d’un ami qui m’a fait découvrir des écrivains qui me sont chers aujourd’hui, je ne serais pas allé au bout des 480 pages du livre de Sophie Chauveau dont j’ai trouvé le style apprêté, conventionnel. La vie de Lippi peintre de la renaissance, que je ne connaissais pas, méritait pourtant la légende, tant sa vie fut un roman. Mais ce retour historique souffre de la comparaison avec par exemple« la course à l’abime » de Fernandez au souffle épique qui retraçait la vie non moins aventureuse du Caravage. C’était flamboyant, nous pouvions partager, la personnalité forte du roi de l’obscurité, sa fièvre, son appétit alors qu’après une documentation sérieuse ce livre à succès de 2004, qui se poursuit avec la vie de Botticelli, accumule les péripéties sans intériorité.
L’ascension d’un enfant de la rue élève de Fra Angelico jusque dans les chapelles papales, sous la protection des Médicis, peignant les putains en madone avait de quoi appeler l’épopée : la marche était trop haute. Même si les dernières pages sont moins laborieuses.