dimanche 19 avril 2009

Bénabar

Au Summum, quelqu’un m’a dit que le parisien a eu un beau succès.
Je l’apprécie assez pour être allé, il y a déjà quelques années, l’écouter au Grand angle, et je commence à avoir une petite collec de ses CD.
Poète de mes 2000, impitoyable mais tellement fréquentable, sensible à l’air du temps et nous le rendant bien. Tendre avec les petits (l’employé amoureux de la majorette), implacable avec les bobos comme moi qui aiment être moqués, pourvu qu’on parle de nous !
La chanson est certes un art mineur, oui, et qu’importe, elle nous dit à chacun le temps et ses emballements, nos renoncements. Entre le Jeff déclamatoire de Brel où l’amitié pose ses tripes sur le vinyle et le petit bourgeois mesquin qui se fait livrer ses pizzas devant un DVD de De Funès, de la bière a coulé dans les bocks aux heures pâles de la nuit, Ferré !
Fini Jaurès, les Marquises ; nos ne trouverons pas la route de ces rendez-vous perdus d’avance dans des banlieues mal indiquées. En ces temps de répondeurs, le mot amour, voire amitié tourne à la pathologie pour addicts ados attardés. Bénabar nous excuse aussi de notre passé trop sérieux quand il fallait mépriser les Carpentier, où Jo Dassin s’accrochait pourtant à notre mémoire. Juste et délicat comme un dessin de Sempé, il dit le temps qui passe sans lyrisme, ni pathos, avec acuité, avec humour.
« Parce qu’on connaît par cœur
Le numéro du roi
Qui s’est fait couper la tête
Qu’on s’ rappelle sans effort
De notre digicode
Et de la distance du cent mètres
On en oublierait presque
Le numéro d’équilibriste
Le seul qui compte
Et qui consiste
A ne pas tomber. »

samedi 18 avril 2009

Souffrez ces suffrages.

S’il n’y avait que les anarchistes, à contester le bulletin de vote, les vrais, les noirs de chez noirs, cohérents à Blok, cependant il y en a d’autres, y compris parmi les garants les plus incontestables de la démocratie. Les épigones littéraires des anars sont portant devenus aussi rares que les chanteurs populaires socialistes, mais au hasard des résultats électoraux, l’amertume des perdants renforce l’incompréhension de certains participants à la compétition politique. Et de pleurnicher contre les médias vendus à l’adversaire, quand ce n’est pas l’ingratitude ou l’intelligence des électeurs qui est en cause pour avoir failli à leur égard.
Il est certes difficile d’avaler qu’un ouvrier vote à droite, pourtant quand nous acceptons pour notre favorite poitevine les millions de Bergé, nous aimons savoir que les lignes sont faites pour bouger comme il fut à la mode de l’exprimer ainsi, il y a peu. Si le déshérité fait davantage confiance aux défenseurs des héritiers, c’est que nous n’avons pas été assez convaincants, nous les défenseurs des petits. Nous n’héritons pas des électeurs. Nous avons bien peu confiance en nos idées quand nous évitons les contradicteurs, quand des sujets tabous s’installent. De mes années à fréquenter quelques belles figures libertaires, j’ai gardé ma préférence aux dérangeurs, aux poseuses de questions plutôt qu’aux affidés, aux dociles.
De surcroit, notre aversion à l’égard de Sarkozy ne doit pas nous faire ignorer ce qui l’a porté à la victoire : sa confiance en lui- même adossée au sens de l’efficacité. Nous aurions tort de nous rassurer sur notre pureté en constatant les reniements d’un Kouchner mais il n’y a pas que des fieffés arrivistes qui l’ont rejoint : il a séduit des Hirsch, des Rocard qui savent distinguer le pragmatisme d’un opportunisme, tout en bousculant son propre camp. Nous sommes nous aussi secoués certes, mais en dehors des jérémiades, des ressassements, le temps n’est pas à l’audace et quand des nouveaux militants pointent le bout du nez : prudence… au mieux. En ces temps de basses eaux où bien des certitudes sont ébranlées, cette façon dont je prends la vie politique, témoigne de la prééminence des caractères, des personnalités sur les idées. Bien sûr la sentence du « Guépard » a été ressortie, après le G20 : « il faut que tout change pour que rien ne change » et l’emballage médiatique nous enfume plus que jamais. Juste un détail qui semble éloigné du sujet et pourtant, pour éviter de s’accabler sous les coups de l’idéologie dominante : pour le film « monstres contre Aliens » en Ile de France : 106 salles de cinéma, pour Katyn de Wajda : 3 salles. Cause toujours.
Le signe à peu près égal que les électeurs placent entre nos affichages nous conduit à nous distinguer sur des broutilles, à nous montrer intransigeant sur nos fréquentations comme si pour élargir nos cercles militants nous ne devrions solliciter que les convaincus d’avance. Cette catégorie est heureusement épuisée. C’est avec celui avec lequel nous sommes en désaccord qu’il faut négocier, c’est auprès des dubitatifs que nous gagnerons. La fraternité qui se travaille dans nos groupes militants se vivra parce que prolongeant une mémoire, nous portons les mêmes valeurs. C’est que je viens de lire encore du Régis Debray : « Là où il n’y a pas de mémoire, il n’y a pas d’espérance » dans l’Obs.
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Par ailleurs l’hebdo nous raconte cette petite histoire- comment dire- ahurissante : « En quittant Birkenau, on croise un guide rencontré lors d’une précédente visite. On lui a signalé, à l’époque un groupe de trentenaires bruyants qui se prenaient en photo devant les pyjamas rayés et les valises des déportés, malgré les panneaux interdisant les clichés à l’intérieur des bâtiments. Il avait eu un geste las de la main, puis un soupir : « vous savez les pires, ce sont les juifs, ils se croient ici chez eux. »

vendredi 17 avril 2009

Paris Brest

« C’était disons, la nouvelle maison que mes parents avaient enfin achetée avec une partie de l’héritage de ma grand-mère, et en ce sens on peut dire que cette maison était chargée d’histoire, que l’argent qui avait servi à l’acheter était lui-même chargé d’histoire… »
Tanguy Veil a sûrement lu Marguerite Duras avec sa façon de chercher les mots, la familiarité, la légèreté et l’intensité, un rythme, mais pour moi, son style à lui est une révélation dans la production actuelle du roman français. Cette chronique familiale commence sur un air ingénu, puis la tension s’accroit, l’angoisse d’abord ténue devient pesante. Les révélations sont distillées par un montage subtil où il est question de pages en train de s’écrire qu’on est impatient d’achever comme dans un polar. Mais tout cela est-il bien vrai ? « Il paraît que tu écris des choses sur nous » A travers une atmosphère gris bleu, où les êtres se croisent, murés dans leur destin, ou bien s’égratignent, c’est un exploit aujourd’hui de rejouer le pouvoir de l’écriture avec cette virtuosité.

jeudi 16 avril 2009

Dessiner la révolution.

S’il n’y avait les salles d’exposition permanentes au château de Vizille, l’exposition temporaire concernant les dernières acquisitions du musée de la révolution serait un peu austère.
Pourtant, les dessins révèlent la vitalité, l’authenticité des artistes, et pour célébrer l’effervescence de ces heures bi-centenaires, ils constituent un moyen privilégié.
Les sujets présentés visent à édifier le citoyen : la république et à sauver et la nation en majesté montre « la Liberté des nations qui copient la table des droits de l’homme ».
On peut rêver plus imprévu, plus dramatique, plus vibrant.
Il y a un tableau inventé mais émouvant des adieux de Danton et Desmoulins devant la guillotine et de remarquables dessins préparatoires au tableau impressionnant vu au musée : « les dernières victimes de la terreur ». Les nuances, les recherches, le travail sont perceptibles, et là nous retrouvons l’épaisseur du temps, l’engagement de l’artiste un demi siècle après les événements qui ont retenti longtemps; ils étaient si jeunes.

mercredi 15 avril 2009

Pédagogiques conseilleurs. Faire classe # 29

Ayant trouvé mon bac dans la pochette surprise 68, ingrat boomer, j’en suis à approuver souvent les regretteurs du niveau-qui-baisse. Des surdiplômés arrivent dans la carrière d’enseignant, ils renâclent parfois à se pencher bien bas pour torcher une larme ou éponger un vomi. Fils de paysan indûment monté dans l’ascenseur, je me sens plus à proximité des parents blédards que des petits marquis iufimisés...de surcroît, ils sont jeunes, je suis vieux. Les jeunes femelles apprennent mieux que les vieux singes.
Même blanchis sous le harnois, les conseilleurs pédagogiques jouent les juvéniles. Quelle tristesse de les voir courir après tous les renoncements, et s’assoupir sous l’édredon de la branchitude. Ils apparaissent souvent comme l’imbécile de la blague chargé de montrer la puissance de sa pensée devant le bocal d’un poisson rouge et qui repart en arrondissant des « blop ! blop ! ».
Mon échantillon de ces échappés des contraintes du quotidien était formé de trop de conformistes prêchant l’anticonformisme, de directifs prônant la non-directivité. Ils ont bien souvent renoncé à transmettre aux élèves pour prescrire à leurs collègues. Chargés à mes yeux d’animer les débats pédagogiques, ils jouent plutôt les propagandistes peu enclins à laisser s’exercer la liberté qu’ils affichent. Il est vrai que les exemples de dialogues véritables, venant d’en haut, sont peu fréquents et Trissotin n'est plus une caricature. La faute à Rousseau. Bien peu de respect, d’écoute, de reconnaissance … de pédagogie. Dans les débats sévissent toujours l’inamovible Mérieux versus le petit dernier médiatique : Brighelli. Hamon lui navigue bien mieux dans les vagues. Dans les temps héroïques, des copeaux de Bourdieu, des dessins de Charlie hebdo, des airs de Ferré agrémentèrent le bla bla. Illitch est mort oublié, le poisson trempé dans le Perrier se sent un peu patraque… Idéalistes, réactionnaires, démagogues, alouette ! Le match se joue devant des tribunes vides. Les belles phrases et les bons sentiments. La beauté affronte la bonté. Et si l’éducation convergeait avec l’instruction ?
Le miroir grotesque d’un « tout-fout-le-camp » contre « tout-va-très-bien » précède l’incendie froid et silencieux - le pire.
Nous avons cru en la liberté, où l’inné compterait pour des prunes, il est revenu subrepticement nous portant à douter de tout apport étranger aux spirales génétiques.
L’enfant au centre, qui répond ? De qui procède la vérité quand tu as cinq ans ? La liberté se trouve-t-elle à ta portée? Lorsque l’école se tait, qui cause ? Si les enfants avaient plus le temps d’être des enfants, peut être que des jeunes seraient moins revenus de tout avant d’être partis ? Ils ne sont pas dupes, mais quand va-t-on cesser de se mentir ?
« Ce n’est pas à l’école à montrer ça » : finalement les timorés avaient raison contre moi qui paresseusement me laissait aller à « ils en ont vu d’autres ». Après avoir beaucoup péché je me convertis : « chaque chose en son temps ».
Afin de m’inscrire utilement dans la dispute pédagogique, je continue à militer pour la preuve par l’action ; pour moi la pratique fait loi. Eviter les jugements définitifs dans un domaine qui requiert du doigté, de la souplesse, de la tolérance. L’autorité ne se mesure pas à la rectitude d’un rang mais à la capacité à installer une ambiance de classe où personne n’écrase les autres ni ne s’écrase. En gardant la mémoire d’emballements passés, nous pouvons préserver l’enthousiasme primeur, sans se fourvoyer, adopter les technologies nouvelles, des techniques rôdées, pour mieux préserver les fondamentaux : être adultes pour que les enfants qui nous sont confiés grandissent. Notre bibliothèque intime peut céder de la place à quelques D.V.D. Ni scrogneugneux neurasthénique ni « lou ravi » atteint par l’ivresse des sommets entre deux stages en Ifume attitude.
Bien sûr la méfiance systématique à l’égard des experts peut tomber dans la démagogie mais la confiance envers les enseignants et la croyance en leur expertise me semble une des clefs pour reconquérir du sens pour les chargés de transmission.
Et la meilleure garantie pour un élève de trouver sa voie est bien de rencontrer des maîtresses motivées ( voire des maîtres, et là il y aurait des quotas que ça ne ferait pas trop de mâles)
Des experts en sciences de l’éducation se félicitent, si, si, d’une érosion de la conscience professionnelle, signe d’une distanciation qui renforcerait le professionnalisme et surtout les assurerait du silence, de la résignation : aucune menace pour leur planque. L’incompétence constituerait donc à leurs yeux la condition d’une plus grande efficacité ? Glop !

mardi 14 avril 2009

Les Kinés # 3

Arrive à la suite de Kiné # 1 et # 2 publiés les mardis précédents
Virgile
Le jour de la séance de massage tant attendu, il s’est mis à geler à pierre fendre. C’était le moment de sortir le gros bébé rose.
J’ai d’abord enfilé le string de chez Z. et puis les nippes habituelles marques Bernard, Trois Cuisses, Amamie, Camard.
Dans la salle d’attente, il faisait si chaud que j’ai voulu ôter mon manteau. Comme la fermeture à glissière ne glissait pas j’ai résolu d’attendre que Virgile me prenne en charge.
Le prince des lieux m’a invitée à pénétrer dans son local. Un Virgile conforme à la description qu’en avait faite Juliette. Je dirais même selon l’expression favorite d’une de mes petites filles : « en plus mieux ».
J’étais en nage.
- Mettez-vous à votre aise. Je reviens.
Et il est parti avec son air à la Lambert Wilson. Dans son costume noir de champion de Kwen Khi Doo.
C’est alors qu’a commencé mon martyre.
Impossible de bouger d’un millimètre cette foutue glissière. Bloquée.
Je me suis mise au boulot. Et que je te tire vers le haut et que je te violente vers le bas. Elle ne bouge pas. La sueur ruisselle, ma douche est foutue, je vais sentir pas bon. Han ! En haut. Han ! En bas.
Prisonnière du bibendum, la Micheline !
Virgile entre :
- Ah, vous trouvez qu’il ne fait pas assez chaud, je vais monter le chauffage !
- NOOOOOOOOOOOOOON !
Il me regarde stupéfait.
- Je suis coincée dans mon manteau… la fermeture est bloquée et j’ai si chaud !
- Vous permettez…
Il s’active pour me désincarcérer. Il tire, il pousse, il souffle, il tord, il froisse, en vain. Il commence à s’énerver le Virgile. Le voici qui brutalement empoigne le haut du manteau, qu’il me secoue, qu’il me soulève de cette façon… comme s’il allait m’en mettre une. Non. Il m’agite, exaspéré. Il me balance à droite à gauche. Il me couche à plat, à califourchon sur mon édredon il s’acharne. Mon string s’est réfugié au fond de mon collant pure laine.
- Pitiéééééééééééééééééééééééééé !
Les yeux fous, il m’ envoie rouler sur le tatami, se prend le visage dans les mains. « Excusez-moi ! Je n’arrive à rien avec votre panne de glissière. Made in China, probable…
Lui ça se voit qu’il dégouline ! Moi je cuis à l’étouffé.
- C’est moi… Je reprendrai rendez-vous… Je vous laisse un chèque.
Mes ciseaux de couturière sont redoutables. Aiguisage chaque année. Le bibendum rose passe un mauvais quart d’heure. Sa chair blanche, idiote et synthétique, se répand à mes pieds tandis que peu à peu je retrouve ma liberté.
Mes cervicales en ont pris un coup. La rhumatologue malgache m’a redonné quinze séances. Juliette était contente de me revoir. On a continué à refaire le monde et j’ai repris rendez-vous pour la fin du mois avec Virgile.
- En confidence je peux vous dire qu’il a eu peur pour vous. C’était plutôt rigolo, en fin de compte, non ?
- Après coup. Oui.
- Enfin ça l’a secoué, Virgile !
- Moi aussi !

Marie Treize

lundi 13 avril 2009

Le déjeuner du 15 août

Comédie de Gianni Di Gregorio : un fils n’a que sa mère à s’occuper, il recueille d’autres vieilles dames qui encombrent les familles, le temps d’un 15 août qui vide la ville de Rome. Il est bien brave. Malgré les difficultés financières, quelques arrangements permettent à chacune de passer un moment où la chaleur humaine fait oublier la canicule. La Vespa, le gratin de pâtes, le vin blanc, des caprices, des coquetteries, les sourires et la dignité.Léger et nonchalant. L'âpreté de la vie peut entrer dans des parenthèses le temps d'un congé.
« Ce soir on mange léger : une soupe de légumes… on y ajoutera un peu de parmesan »