samedi 12 octobre 2024

Rencontres avec des animaux extraordinaires. Andrés Cota Hiriart.

Un enfant mexicain passionné d’insectes, de reptiles, d’amphibiens, parce que sa maman était allergique aux animaux à poils, une fois devenu naturaliste nous fait partager son parcours, en dressant le portrait passionnant d’une foule d’étranges bestioles. 
«  Durant ces longues journées de marche nous avons rencontré des champignons bioluminescents, des sangliers à moustaches, des dizaines d’espèces de plantes carnivores aux pièges en forme de vase (certaines aussi grosses que des bouteilles de vin), des chauves-souris qui font davantage penser à des aigles nocturnes, en raison de leur taille, qu’à des chiroptères, des poissons pulmonés qui rampent… »
Depuis  l’axolotl avec lequel il commença un vivarium jusqu’aux orangs-outans et autres caméléons à quatre cornes qu’il observa dans ses voyages aux Galápagos, à Bornéo, ou sur l’île de Guadalupe, il nous renseigne aussi sur nous-mêmes, quand sa fille lui demande si les animaux sont plus importants que les gens.
Sans verser dans l’anthropomorphisme, il décrit par exemple la voracité des dragons de Komodo capables de déterrer des habitants décédés, mais aussi nos aveuglements et la fragilité de notre monde. 
« Nous sommes incapables de nous imaginer autrement que tels que nous nous concevons depuis des millénaires : les fils de Dieux qui n’existent pas, les créatures prodigues de l’évolution. Alors qu’en réalité nous ne sommes pas plus qu’une minuscule branche perdue au sein du grand arbre de la vie, des bestioles à peine semi-conscientes, des excroissances technologiques et hyperactives, un fragment du cosmos qui se regarde lui-même avec orgueil sans se soucier le moins du monde du reste de l’univers et qui néanmoins propage partout son néant, ce rien qui nous condamne à l’extinction. » 
L’humour présent pendant 300 vivantes pages ne masque pas la gravité de notre situation.

vendredi 11 octobre 2024

Voir ce que l’on croit.

Plutôt que de faire semblant d’être dans le match depuis le bord d’un terrain, en déblatérant au milieu d’explosions irréelles, je vais essayer de me tenir à ce qui se présente sous mon nez, collé aux écrans.
Grace à Facebook, je me tiens au courant d’une certaine vie de la cité avec «  saint- égrévois et fontanilois entre NOUS ».
Cartes de bus trouvées, chats et doudous perdus, clefs oubliées, propositions de cours de danse, de baby-sitting et plat du jour, hélicoptère dans le Néron, fumées suspectes … constituent le fil des informations les plus fréquentes. 
Quelques recherches de sociabilité passent par des questions qui pourraient se résoudre en adressant des requêtes directement aux moteurs de recherche : «  Quelle est la pharmacie de garde ? » Le ton et les échanges sont très majoritairement courtois, mais comme l’intitulé du site le mettait en majuscule, la tentation de « l’entre-soi » émerge parfois avec une certaine méfiance envers ceux qui viendraient d’ailleurs. Et lorsqu’une tornade casse des branches, la recherche d’un coupable arrive depuis quelques claviers.
Les bénéfices et limites d’Internet se lisent globalement et localement.  
Je commente rarement sur cet outil de proximité, comme j’ai restreint mes interventions sur d’autres sites où les désaccords tournent vite au vinaigre.
Même dans un groupe qui devrait être paisible, puisque consacré aux dessins du délicat Sempé, l’administrateur est contraint de fermer parfois les commentaires.
Petit claviste, j'ai été rassuré par mon inaptitude à modifier le cours des choses. Les puissants auxquels on reproche leur impuissance sont tellement entravés qu'ils abusent de la parole, bien qu'ils en connaissent les limites, voir l'impuissance des diplomates. 
Les seuls à  être respectés seraient-ils les porteurs de flingues ? 
« Tu vois, le monde se divise en deux catégories, ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent. Toi, tu creuses. » 
Le bon, la brute et le truand.
Parmi les « vieux cons » de ma génération, souvent protégés par un anonymat nuisible, nous aurions tendance à prêter nos insuffisances aux autres. Pour un bon mot on endosserait des costumes à la férocité contagieuse.
Même si je sais bien que les Bisounours ont parfois le cul sale, je m’en voudrais d’entrer dans la horde des jamais contents, des méfiants.  Maintenant que les slogans « l’école, la santé, c’est l’affaire de tous » sont devenus obsolètes, car partagés par tous, j’ai tendance à faire confiance aux pros, à mes kinés, à mes fournisseurs d’infos, de salades, même si l’effacement de la conscience professionnelle me navre.  
Mes anciens camarades, troquant bandiera rossa contre chasuble jaune, ont fréquenté alors des crèmeries de comédie où coulaient beurre et argent du beurre : moins d’impôts et plus de service publics.
Cet épisode a écrasé la social-démocratie et les ronds points ont donné un ton braillard au Palais Bourbon, l’ « argent magique » a commencé ses tours. 
En ce moment, où quand même le problème des déficits revient au premier plan, il n’est pourtant pas un interviewé qui ne demande pas des sous à l’état. Cet état honni est toujours sollicité, « Tout pour ma gueule » demande tout à la collectivité. Et sur le coup, en bon légitimiste, de nouveaux impôts concernant les plus riches me semblent une bonne mesure, au delà d'une symbolique plus forte que ne le croit Darmanin.  
Les paradoxes, la dialectique, sont des moteurs, mais ne doivent pas tourner à l’incohérence. Le PS a demandé la destitution mais ne la votera pas : qui est déchu ?
Qui déchire la France, mettant en concurrence bourgs et tours ? 
Les extrêmes chauffent leurs communautés et la stratégie prend le pas sur les idées, la laïcité est passée où ?
Les américains nous précèdent toujours: dans notre exposition aux cornfakes news, 
la « cancel culture » entame la diversité des idées par les deux bouts.
Nous n’en sommes plus à demander à voir pour croire, 
mais à rechercher à voir ce que l’on croit. 
« Avec un mensonge on va loin, mais sans espoir de retour. »
 Proverbe juif

jeudi 10 octobre 2024

Œuvres contemporaines du musée de Grenoble. Sébastien Gökalp.

La récente acquisition du musée de Grenoble : « Injection, BMW 316i E30 » de Julien Beneyton, natif d’Echirolles, fait la couverture du catalogue 2024/2025 des Amis du musée.
En ouverture de la saison des conférences de l’association, le nouveau directeur venu du Musée de l’histoire de l’immigration a commenté les enjeux des nouveaux accrochages place Lavalette où l’art « en train de se faire » rencontre les collections permanentes.
L’art contemporain, courant artistique baptisé ainsi après la seconde guerre, marque une césure en 1964 à la biennale de Venise.
New-York y avait supplanté Paris: « Buffalo II » de  Robert Rauschenberg était primé devant « Paysage et village » de Roger Bissière.
« La contemporanéité est une singulière relation avec son propre temps, auquel on adhère tout en prenant ses distances»
. Giorgio Agamben
La période art moderne née en 1905 avec Picasso laisse la place au post modernisme dans les années 80. Celui-ci recycle les créations précédentes, et marque la fin des avant-gardes.
L’urinoir de Duchamp devenu « Fontaine » (1917) a marqué le XX° siècle.
Les frontières entre disciplines s’effacent. Depuis l’invention de la photographie, l’art ne recherche plus forcément à illustrer. Dans les années 80, Cartier-Bresson « Alberto Giacometti », est reconnu digne des cimaises, ainsi que la bande dessinée (9°art). 
Récemment le « street art » est sorti de ses coins sombres, « STRAAT, le Musée du Street Art et du Graffiti » à Amsterdam.  
En 1989, l'exposition « Magiciens de la terre » avait élargi le cercle au-delà de l’Occident : Cildo Meireles «  Missão, Missões » (Comment bâtir des cathédrales) 2000 tibias de bœufs, 700 hosties, 600 000 pièces de monnaie…
Outsiders de l’art brut, provocateurs, témoins des injustices, militants communautaires, appropriationnistes ( « Baloon dog » Jef Koons) hors des écoles, se présentent aux commissaires, curateurs, conseillers d’investisseurs, Art Advisor…
« Portrait de Tristan Tzara » Jean Arp (1916). Les conservateurs attendent, ils savent que dans l’histoire, l’art suit la raison jusqu’à Dada, s’intellectualise avec l’abstraction puis devient le reflet pop de la société de consommation avant d’en revenir de la quête du nouveau. La fuite en avant ne serait-elle pas un recul ?  
Mounir Fatmi, « Save Manhattan 01 ». Alors que l’histoire était finie, le 11 septembre a tout fracassé. L’individu avance désormais à tâtons, les réseaux sociaux bousculant l’intimité.
« Viejos Problemas Nuevas Soluciones » Lucas Aguirre. Le numérique devient une manière de produire. Les documentaires marquent aussi les travaux où les relations de domination concernent genres et races. Les médias devenus fluides se croisent, l’ironie est passée de mode.
Depuis Andry-Farcy, dès les années 20 et ses acquisitions de Picasso, Matisse, le musée de Grenoble situé alors Place de Verdun est devenu place forte de la modernité.  Le conservateur auteur de l’affiche de l’ « Exposition Internationale, Houille blanche et tourisme » avait annoncé la couleur : 
« Mes projets sont simples: continuer en faisant le contraire de ce qu’ont fait mes prédécesseurs. J’ouvre la porte aux jeunes, à ceux qui apportent une forme neuve dans une écriture que je n’ai jamais encore vue ! Voilà la règle » 
Pierre Gaudibert autre directeur de 78 à 85, créateur  de l'A.R.C. (Animation - Recherche - Confrontation), est aussi à l’origine du « Magasin » (Centre national d’Art contemporain).
Son successeur Serge Lemoine avait confronté des œuvres, « En roue libre », de Bertrand Lavier, aux peintures anciennes comme il l’avait fait à Orsay.
A partir de 2020 à l’époque de Guy Tosatto, Antoine de Galbert a enrichi par ses donations les collections photographiques à valoriser. 
Le jardin des sculptures en plein air sera redynamisé.
Lors de la prochaine exposition du 19 octobre 2024 au 12 janvier 2025, en regard du classique Philippe de Champaigne,
Pierre Buraglio, 85 ans, ancien secrétaire de rédaction au « Bulletin de la Jeune Peinture » présentera son travail de résident.  
Parmi les dernières acquisitions « Belly of a Glacier » les photographies d’Ohan Breading, en transition de genre.
Une cinquantaine d'œuvres de José Antônio Da Silva, « le Van Gogh du Brésil », seront exposées du 4 avril au 6 juillet 2025. « Algodão ». 
Les mots « mouvement » et « émotion » seront-ils de la même famille ?
« Vous savez, moi je ne crois pas qu'il y ait de bonne ou de mauvaise situation. Moi, si je devais résumer ma vie aujourd'hui avec vous, je dirais que c'est d'abord des rencontres...»  Edouard Baer ( Mission Cléopâtre)

mercredi 9 octobre 2024

Chaumont-sur-Loire # 2

Hors festival,  Les près du Goualoup,  que nous avons peut-être plus appréciés encore que l’expo précédente, 
consacrent 10 hectares du parc du château à des jardins permanents incluant des collections d’œuvres d’art contemporain au végétal. Ils valorisent les grandes civilisations du jardin.  Nous admirons :  
les structures modernes  et colorées  de Bernard Lassus (« le jardin des hypothèses »),
le jardin « carré et rond » traversé par un ruban bordé de piquets en bambou rouges et verts
le « jardin anglais » romantique avec ses lieux de repos,
le « jardin émotionnel » caractérisé par son mur jaune et ses ruines
le « jardin coréen », construit autour d’un bassin aux eaux sombres d’où surgissent de magnifiques lotus blancs géants, et ses urnes mystérieuses en poterie placées dans les recoins du jardin caché derrière les arbustes
le « jardin japonais » aux eaux bleutées qui s’enrichissent du minéral sous forme de pierres arasées et du bois de poteaux de tailles moyennes et différentes
« sous le soleil africain » identifiable avec ses murs peints et ses plantes des pays chauds
le « jardin méditerranéen » réunissant voie pavée, ruines romaines fontaine et plantes typiques comme lavandes, oliviers, romarin, ifs...
Si nous ne pouvons profiter de la collection des pivoines,  nous avons un bel aperçu avec celle des dahlias.
Quelques installations disséminées méritent notre attention. Je retiendrai : « Carbon pool »de Chris Drury qui dessine une puissante spirale couchée à base de troncs à l’ombre des cèdres
ou « immersion en sous- bois,
«ondulations et fruits  fantastiques » de Marc Nucera qui transforment des troncs morts en vagues  posées sur le sol.
ou encore « Volcan »  de Nils-Udo recréant un cratère où reposent une dizaine d’œufs en marbre clair.
Bien sûr, nous n’aurons pas le temps de parcourir tout le parc qui regorge d’autres curiosités ni de visiter le château, bien que nous ayons déjà passé 3h 30 sur place.
Nous retrouvons tranquillement la voiture, pas malheureux de nous asseoir, effectuons quelques courses dans un Lidl pour ce soir et gagnons notre logement à Valloire sur Cisse.
Le Airb&b retenu ne correspond pas à nos attentes ; dans le souvenir d’une cabane adorable dans les environs d’Aurillac lors d’un précédent voyage, nous nous attendions à quelque chose de similaire. Mais nous découvrons plusieurs cabanes regroupées près de la cabane commune des sanitaires. Elles sont si petites que les valises ne rentrent pas, le lit ne se déplie que pour dormir, la literie attend accrochée dans des filets, pas de TV pas de micro-onde pas de meuble, pas de quoi se retourner.
Nous bénéficions cependant d’une terrasse avec une table et deux chaises, les proprios mettent à notre disposition une piscine hors sol « à n’utiliser qu’après une bonne douche avec savonnage » mais réclament 5 euros pour un emplacement de parking.
Nous allons à Chaumont pour manger une pizza et boire une bière à la brasserie « Au Prieuré ». 
Il fait bon dehors ; dans le ciel trois montgolfières survolent  lentement la Loire rompant le silence lors du largage de gaz. Nous digérons en flânant le long du fleuve jusqu’au port  où des nuées d’insectes profitent de la tombée du jour, dans la belle lumière. Le paysage est agréable : les emplacements de parking encadrés d’arbustes, ressemblent à des bosquets. Les aires de pique- nique près de la cure et de l’église ne manquent pas de charme. Quant à la guinguette avec sa guirlande d’ampoules colorées près de laquelle s’est installé l’Office du tourisme, elle attire du monde autour de jeux de boules, de tables de restauration rapide dans une ambiance paisible sans éclat bruyant. Près du camping sur le chemin du retour,  une biche traverse dans les phares de la voiture aussi surprise que nous. Nous nous couchons sans TV ni J.O., pour passer une bonne nuit assez fraiche.

mardi 8 octobre 2024

L’Hérétique. Sébastien Gannat.

« L’Hérétique » : c’est le nom du canot d'Alain Bombard qui avait raconté son expérience dans son livre  « Naufragé volontaire ». Il fallait aller contre le scepticisme de beaucoup et  au-delà du courage pour affronter les tempêtes et les calmes plats de l’Atlantique, sans eau ni nourriture, pendant 65 jours. Il y a 70 ans.
Depuis son internat à l’hôpital de Boulogne où il avait vu la mort de 43 marins, il n’a eu de cesse de chercher à étudier comment  mieux assurer une survie en mer, mettant en jeu sa propre vie.
Pendant sa traversée, il extrait avec un presse-agrumes de l’eau des poissons qu’il peut pêcher et boit un peu d’eau de mer.
Le bon vivant, que j’ai connu dans les années 70, quand je lui ai servi de chauffeur et de projectionniste lors de conférences au Cameroun, avait perdu 20 kilos.
Allant au-delà de la physiologie, la force mentale du bonhomme modeste l’amènera à défier la mort dans un périple commencé en Méditerranée avec Palmer navigateur anglais qui le laissera seul lorsqu’il s’engagera de Tanger à la Barbade allant jusqu’à le dénigrer, sans que le brave docteur lui en  tienne rigueur.
Cette transcription en 92 pages dessinées à la ligne claire convient bien au personnage héroïque dont le fils dans la préface nous apprend ses liens familiaux avec Christophe auteur du Sapeur Camember, ses affinités avec Samivel et ses relations avec Hergé, venant après ses préférences d’enfant envers Patapouf et Filifer et les Pieds Nickelés. 
« Tant que son cœur bat, tant que sa chair palpite, je n’admets pas qu’un être doué de volonté laisse en lui place au désespoir. » 
Jules Verne.  
Un relecteur plus scrupuleux aurait corrigé l’inversion du « u » et du « e » dans « accueil » très souvent fautif, mais pas pardonné, «  Golfe du Lion » et non du Lyon, pas plus que pour être "entouré d’espadons", il en faut plusieurs.

lundi 7 octobre 2024

Le Comte de Monte-Cristo. Alexandre de La Patellière Matthieu Delaporte.

Cette 25° version cinématographique conserve le souffle romanesque
revenu du fin fond de l’enfance de l’inusable Dumas, tout en l'allégeant.
Rien que le résumé de l’œuvre littéraire tient plus de place que certaines brochures contemporaines écrites pour durer le temps d’un trajet de métro.
Edmond Dantès châtie les méchants qui l’avaient conduit à dix ans de réclusion dans des conditions dantesques. Avec une obstination surhumaine, il avait gagné sa liberté, bien aidé par une fortune providentielle et les enseignements de l’abbé Faria, compagnon d’infortune  dans le cachot du château d’If.  
Nous feuilletons à nouveau l’auteur de quatre-vingts romans pendant trois heures de rebondissements pour une vengeance sophistiquée dont on ne regarde pas les invraisemblances pour apprécier seulement l’inventivité du feuilletoniste. 
La musique attachée à ce genre manque d’originalité, mais on peut s’attacher aux décors. Les acteurs : Pierre Niney, Anaïs Demoustier, Laurent Lafitte, Anamaria Vartolomei …nous font passer un excellent moment. 
« Celui-là seul qui a éprouvé l'extrême infortune est apte à ressentir l'extrême félicité.
Il faut avoir voulu mourir, Maximilien, pour savoir combien il est bon de vivre. »

samedi 5 octobre 2024

Récits de certains faits. Yasmina Reza.

Il n’y a pas que Maylis (De Kerangal),
Marie-Hélène (Lafon),
parmi mes romancières préférées,avec Yasmina : «  C’est du sérieux ! » aussi,
pour parodier Sarkozy à propos duquel elle avait écrit  « L'aube, le soir ou la nuit ». 
Et de Sarko, il en est aussi question parmi tant d’autres brefs récits de séances de tribunaux pas seulement à Saint Omer ou à Vesoul, alternant avec des scènes qu’elle fait sortir de la banalité avec son écriture limpide, son aptitude à mettre en évidence les fragilités humaines, son humanité.
Que ce soit dans le récit d’un caprice d’enfant dans un chalet à la montagne alors qu'au même moment la neige tombe chez lui à Paris, ou dans la présentation d’un prévenu, l’écriture agit comme un flash.
Monsieur Louette est accusé de non assistance à personne en danger : 
«  Monsieur Louette n’a pas assez de consistance à ses propres yeux pour se mêler.
Son esprit s’est fabriqué avec la honte, la crainte, le sentiment d’infériorité. » 
Les criminels qui ont pu commettre des crimes monstrueux ne sont pas présentés comme des monstres, ni comme des victimes de la société. Une juge appelant des débats « dans une atmosphère sereine et digne » peut manquer à la justesse. 
«  On juge un quadruple meurtre doublé d’un dépeçage de cadavres mais le ton doit rester courtois, aucune fièvre ne doit perturber la vénérable travail de la justice. Une crainte des débordements qui rend tout morne  et sans objet. Tempérer, apaiser jusqu’à l’idiotie là où précisément la tension pourrait illuminer. C’est le goût du jour, la pente honorable de notre temps. »
 Il y a bien de la magie dans l’écriture ou tout du moins du talent, quand un paquet de mouchoirs oublié sur un banc peut dire toute la détresse du monde.