jeudi 2 octobre 2025

Bordeaux # 3

De là, nous empruntons la fameuse rue Sainte Catherine qui s’étire de la place de la Comédie jusqu’à la place de la Victoire. 
Cette longue artère rectiligne, existant depuis les Romains, détient le record de la plus longue rue commerçante et piétonne d’Europe.
Très vivante, souvent noire de monde, elle propose en plus d’une promenade de 1km 250 des restaurants et toutes sortes de boutiques
dont celles du passage Saget
et le bel immeuble des galeries Lafayette.
Nous bifurquons vers l’ancienne place Royale, ex place de la liberté puis à nouveau place royale et aujourd’hui place du parlement. Rendue aux piétons alors que les voitures en stationnement l’encombraient, elle a bénéficié d’un nettoyage efficace de ses façades très noircies au fil du temps.
En longeant la rue du parlement saint Pierre, nous arrivons devant l’église Saint Pierre, la plus ancienne puisqu’elle date du XIV-XVème siècle mais elle fut reconstruite au XIXème. 
Elle se trouve sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle.
Nous continuons jusqu’à la porte Caihlau ou porte du palais
Cet autre  monument emblématique de Bordeaux concentre plus de touristes. Son nom en gascon « porta deu Calhau »  signifie porte du  caillou, Cailhau devint aussi le patronyme d’une riche famille bordelaise médiévale. 
Entrée principale de la ville en venant des quais, bâtie au XVème  en face de l’ancien château d’Aliénor, et de style gothique/renaissance, elle montre des caractéristiques défensives : mâchicoulis, herse, meurtrières. Pourtant apparaissent déjà des éléments plus décoratifs comme les accolades au dessus de fenêtres à meneaux, des tourelles… l’intérieur se visite, mais n’est pas prévu dans notre tour de ville.
Alors nous nous acheminons vers la célèbre Place de la Bourse, quittons le Moyen-âge pour le siècle de Louis XV. Les architectes Gabriel père et fils, les mêmes qui réalisèrent la place Vendôme se chargent de son élaboration. 
Au centre, la fontaine des trois grâces remplace  la statue équestre du roi de France, prévue à l’origine. Deux pavillons en arc de cercle abritent  à droite le palais de la bourse et à gauche  l’hôtel des douanes ( hôtel des Fermes).
Des mascarons figurent au dessus de fenêtres ou ouvertures, ils se réfèrent à la mythologie (Neptune) mais aussi  évoquent le commerce colonial de la ville avec des têtes d’esclaves et de femmes africaines.
De l’autre côté de la rue, le miroir d’eau et les jardins occupent l’ancien emplacement du port et d’entrepôts. Ils sont dans la prolongation de la place, et participent  à sa grandeur en dégageant l’espace jusqu’à la Garonne.
Si le miroir d’eau constitue une source infinie d’images qui se reflètent, nuages, bâtiments, personnes, et peut offrir une distraction faisant oublier la notion du temps, les quais promettent une agréable promenade le long du fleuve.
Avant de nous quitter, notre guide nous fournit pêle-mêle encore quelques infos :
sur le port, dit port de la lune à cause de sa forme,
sur l’envasement de l’estuaire
sur la ville des 3 M : Montaigne, Montesquieu et Mauriac et rappelle l’aide apportée par Malraux  pour que les particuliers puissent rénover leurs biens avec une participation fondamentale de l’état.
Nous nous séparons du guide et du groupe, nous  projetons de déjeuner quartier Saint Michel  au restau « Le passage » aujourd’hui ouvert.
Au menu : pâté atatxi, poulet macéré et frites, un dessert et un verre de Bordeaux vieille vigne  pour un prix  très raisonnable.
Puis nous chinons dans la brocante adjacente avant de chercher un barbier près du marché des Capucins, investi par les « gens de couleurs » et des barbiers maghrébins : 10 € pour une barbe bien taillée sans attente et en 10 minutes alors que plus au centre dans les quartiers bobos pas moyen d’obtenir un RDV avant plusieurs jours. Sans hâte, nous rebroussons chemin en direction du parking.
Nous  remontons le cours Victor Hugo, vers la grosse cloche.
Nous poussons la promenade jusqu’à la rue Vital près de la place du parlement où loge la librairie Mollat qui se revendique comme étant la grande librairie indépendante d’Europe. Impressionnante indubitablement ! 
Et nous continuons à flâner vers le centre commercial  de forme circulaire et tout en verre Place des Grands Hommes, sur le terrain d’un ancien marché.
Nous retrouvons la voiture pour rentrer à Pessac que nous souhaitons gagner avant la fermeture du garage Renault voisin de notre Airbnb : en effet  le voyant orange concernant l’antipollution apparu sur l’écran nous inquiète. Après une petite attente, un employé s’occupe de nous, il  ne peut réparer l’incident dans l’immédiat mais il nous rassure en nous disant que  tant que le voyant ne passe pas au rouge, nous pouvons circuler, sinon, il nous faudra nous arrêter immédiatement. Après cette journée bien remplie, les pattes fatiguées, nous nous installons dans la casa, mangeons légèrement, et allons  nous coucher tôt.
 

mercredi 1 octobre 2025

A Aix-en-Provence Cezanne et Niki de Saint Phalle.

 
Difficile d’ignorer en se promenant dans la ville couleur de miel que Cezanne ou Cézanne  et non pas Suzanne comme il fut inscrit un moment sur les registres, en est le roi. 
Nous n’avons pas visité la carrière de Bibémus où il possédait un cabanon,
ni l’atelier des Lauves son dernier lieu de création,
mais nous nous avons apprécié les abords du Jas de Bouffan, 
demeure familiale que Paul Cézanne père de Paul a occupée entre 1859 et 1899.
A cette occasion ne pouvant entrer dans les bâtiments, faute d’avoir retenu une visite guidée, il est temps pour nous de comprendre que désormais pour toute exposition il faut s’inscrire à l’avance.
Heureusement il restait quelques places pour aller le lendemain au musée Granet.
La rétrospective rassemble une centaine de peintures, dessins et aquarelles venues d’Orsay, du Japon, de Suisse, des Etats-Unis.
Les temps ont bien changé depuis la promesse formulée vers 1900 par le conservateur du musée: « Moi vivant, aucun Cezanne n'entrera au musée ! »
Dans la cathédrale saint Sauveur où eurent lieu ses obsèques en 1906, nous avons appris, à l’occasion des journées du patrimoine, que les sept sacrements autour du baptistère avaient été peints par sept de ses contemporains, très connus à l’époque mais oubliés en ce siècle.
Aujourd’hui 3000 personnes par jour se pressent dans les salles de l’ancien prieuré de l’église Saint Jean de Malte depuis le 28 juin jusqu’au 12 octobre.
Le grand salon du jas du Bouffan est reproduit où le jeune peintre s’exerçait directement sur les murs.
Les portraits de ses intimes illustrent une période « couillarde » vigoureuse et sombre comme ses paysages travaillés au couteau qui prendront  paradoxalement plus de lumière après ses séjours parisiens aux influences impressionnistes.
Baigneurs et baigneuses,
joueurs de cartes sont là.
Les compositions de l'annonciateur de l'art moderne en devenant plus structurées annoncent les cubistes, surtout dans les esquisses.
Il demandait à sa femme de « poser comme une pomme ».
Ses natures mortes sont vraiment « still alive », comme on dit au pays d’Apple.
Zola son copain inséparable, lui avait offert un panier de pommes après que Paul l’eut défendu dans la cour de récréation, la discorde vint plus tard.
https://blog-de-guy.blogspot.com/2025/01/freres-de-cur-serge-legat.html
Niki de Saint Phalle
, elle,  la reine des nanas, est à l’honneur dans le somptueux hôtel du marquis de Comont dont on dit qu’il avait pris à la Provence
« sa plus belle fille, son plus bel hôtel, son plus beau château, et sa plus grosse fortune ».
https://blog-de-guy.blogspot.com/2015/03/niki-de-saint-phalle-la-revanche-des.html
L’ancien mannequin a mis des couleurs à ses colères, des miroirs éclatés aux rondeurs des femmes, des coups de fusils à des jouets, de la fantaisie au bestiaire des contes.
Elle s’est tuée à la tâche après tant de poussières de polyester.
« Ma chance est de ne savoir si peindre ni dessiner. Je suis donc obligée de tout inventer »
Son style pop gueule sous les vernis bariolés mais rend familiers les monstres médiévaux ou nippons. Le lieu raffiné convient parfaitement à ses créatures fantastiques.  
https://blog-de-guy.blogspot.com/2015/11/le-jardin-des-tarots-garavicchio.html
Par ailleurs  à la sortie du charmant petit jardin, un Photomaton enrichi par l’Intelligence artificielle génère des images comme si Steve Mac Curry qui avait photographié une jeune fille afghane au regard vert était derrière l’objectif ou Cézanne et son pinceau instantané, on a le choix. Étonnant !

mardi 30 septembre 2025

Nos héritages. Fred Bernard.

Le passé reste toujours difficile à enseigner, si bien que 
ces 220 pages reliées m'ont parues  particulièrement réussies. Le récit très personnel de l’auteur à destination de son fils se marie parfaitement à l’histoire de l’humanité.
Le bourguignon avait déjà célébré ses racines et fait part de son engagement écologiste. 
Cette fois, il habille le petit garçon qu’il était en homme préhistorique, puis prend la toge antique. La renaissance, sa renaissance, correspond à l’âge du lycée…
Depuis sa naissance en 1969, il a « passé plus de temps dans les hôpitaux que ses parents et grands parents réunis ».
Mais alors que des apprentis punk gravaient «  No future » sur les pupitres, il disait « Yes » à l’avenir et cite en conclusion, Bruno Latour, le philosophe inquiet de notre inaction face au changement climatique et au cynisme des plus riches : 
« Tout n’est pas foutu, au contraire… » 
Les livres et une campagne à explorer en toute liberté lui ont permis de surmonter bien des épreuves. Dans une réflexion plus générale, son optimisme voisine avec la certitude qu’il faudra en passer par des contraintes comme lors de la crise du COVID (6,54 millions morts dans le monde, 152 000 en France), pour permettre de garder une planète vivable, quand se dissipera le mantra délétère qui relie « écologie » et « punition ».  
S’il n’idéalise pas le passé en remarquant par exemple que la pollution était plus évidente sur les plages dans les années soixante, il n’oublie pas les attentats islamistes récents et à propos de l’histoire longue où il met en évidence les combats féministes, l'auteur nous rappelle quelques chiffres indispensables : grippe espagnole : entre  40 millions et 50 millions de morts en 1918,  seconde guerre mondiale : entre 60 et 70 millions de morts.  
Il s’inquiète toujours du sort des animaux dont il découpait les images quand il était petit : plus que mille gorilles des montagnes et dix mille panthères nébuleuses, alors le guépard se demande «  a quoi sert-il de courir à 110 km/h » ils ne sont plus que 8000.  
Il mentionne aussi la progression de la production de voitures et n’oublie pas Sabrina Salerno « Boys ! Boys ! Boys » : raison et émotion, précision et rêves, contradictions et convictions.
Il avait noué des rapports fraternels avec Nino Ferrer
et rencontré Robert Badinter pour une bande dessinée consacrée à Idris sa grand-mère adorée, lui qui n’avait jamais été autorisé à lire un illustré alors qu’il avait eu accès à Hugo, Zola et Ovide dès qu’il sut lire. 
La gravité du propos d’une sincérité qui excusera des redites, se comprend aisément en s’accompagnant de dessins légers aux tons pastel.