mercredi 11 septembre 2024

La France en diagonale.

Soumis comme tant d'autres aux rythmes scolaires, nous avons décidé de prendre le mois d’août pour quitter notre pied de Chartreuse et aller vers la baie de Somme.
L’air du temps a soufflé dans nos voiles, accoquiné à des raisons personnelles.
En ne réservant nos billets d’avion que pour des circonstances exceptionnelles, nous n’aggravons pas notre empreinte carbone. Mais pourrait-on parler de circuit court avec tout de même quelques milliers de kilomètres au compteur cette année
encore ?
Nous avions apprécié par le passé surprises et reprises dans nos périples français post-COVID vers l’Ouest, le Nord et l’Est. Nous avons pris cette année la direction Nord-Ouest, croisant ceux qui allaient en rangs serrés vers le Sud.
En route vers les monts d’Auvergne, les « Alpes » mancelles, les bords de Loire, les villes fréquentées par Jeanne d’Arc, Friville Escarbutin, Ivry … !
Nous avons traversé les plaines à blé de l’indépendance alimentaire, les forêts de nos poumons, et même lorsque nous n’avions pas d’intention précise nous avons été récompensés de notre confiance envers les richesses de notre pays.
Faudrait-il se défendre de notre goût des expositions ?
Nous avons été séduits à tous coups par de nouvelles muséographies aussi bien à la cité de la francophonie de Villers-Cotterêts que pour les impressionnistes du MUMA André Malraux. Nous avons marché dans le Marquenterre, instruits par de jeunes médiateurs présents dans chaque site d’observation d’oiseaux, nous avons suivi des guides nous intéressant au béton havrais ou à l’un des plus vieux édifices religieux de France portant une des premières expressions en langue vulgaire : « il cria meurci et turna » ( « il cria grâce et s’enfuit »).
Nous avons aimé le son et lumières magnifiant la romane Notre Dame la Grande à Poitiers et les lumières des maîtres hollandais dans la base sous-marine de Bordeaux.
Nous avons aperçu derrière notre pare-brise des bribes de réalité décrites par d’autres. https://blog-de-guy.blogspot.com/2024/04/la-france-sous-nos-yeux-jerome-fourquet.html
Cette fois nous n’avons pas vu tellement d’inscriptions revendicatives et ne subsistaient guère d’affiches politiques.
Consommateurs de culture nous avons croisé la statue de Flaubert et aperçu le château de Maupassant.
Dans les restaurants le hamburger nous a semblé moins hégémonique, sans toutefois accréditer l’idée de « M » le supplément du « Monde » qu’il n’y a plus que des propositions végétariennes.
Nous avons trouvé le personnel aimable, et pour dormir, si nous nous sommes retrouvés le plus souvent face à des boîtes à clefs, nos hôtes, par téléphone interposé, se sont montrés prévenants.
Pour éviter de camper dans le registre enchanté, nous avons constaté que dans certaines villes même dites écolos de nombreux sacs plastique s’accumulent à l’air libre et à Poitiers l’état des toilettes publiques du marché est vraiment indigne.
Notre soulagement de voir des rues indemnes de griffures de grafs a participé à notre plaisir du dépaysement, alors que notre expérience de différents Airbnb nous a révélé la diversité des approches en matière de tri des déchets où même le verre n'est pas toujours mis de côté dans des logements souvent astucieusement aménagés.
Nous détaillerons chaque semaine cette promenade suivant une autre diagonale que celle dite du vide allant de la Meuse aux Landes que nous avons cependant croisée du côté de Mont de Marsan avec une recette basque à partager : l’axoa.

mardi 10 septembre 2024

Les beaux étés. Mam’selle Esterel. Zidrou & Jordi Lafebre.

« Le bel été » sonne mieux, mais il s’agit d’une série où chaque chapitre dit bien le temps des vacances. 
La 4L désormais en vente après 30 ans de service est le véhicule de la nostalgie remontant à l’année 62 celle de « let’s twist again ». La voiture surchargée ne verra pas l’Estérel dont les nuances de rouge ont permis de la baptiser. 
La famille s’arrête cette fois à Saint Etienne où la belle-mère impose ses choix : pas de frites pour son mari et guide Michelin pour éviter de flâner. 
« C'est vrai que ta mère est parfois un peu "vieille France" 
- ce qui la fout mal pour une Belge, j'en conviens
 - mais elle a ses bons côtés tout de même. » 
Bien sûr le père avait retardé le départ en vacances comme tout dessinateur belge, mais autour du couple aimant, Gros Papy et celle qui accepte enfin d’être appelée Mamivette par sa charmante petite fille, l’indulgence est de mise.  
Pas de mièvrerie, mais une tendre acceptation des différences où ne sont gommées ni la complexité des relations entre générations, ni les secrets pudiques éloignant les caricatures. 
« Vieillir c'est comme conduire une voiture, on a beau regarder la route devant soi, on ne peut s'empêcher de zieuter tout le temps dans le rétroviseur. »
La vie peut être simple quand joie et bonne humeur sont au rendez-vous !
Comme cette BD solaire à lire avec un Schweppes tout frais sorti de la glacière.

lundi 9 septembre 2024

La prisonnière de Bordeaux. Patricia Mazui.

Pas de souci de casting : la bourgeoise excentrique ce sera Isabelle Huppert.
Hafsia Herzi est aussi très bien dans son rôle.
La chabrolienne rencontre au parloir de la prison Mina qui "assure" avec ses deux enfants à la périphérie de Narbonne depuis que son braqueur de mari est en cabane à Bordeaux.
La fantaisie de la très riche extravagante permet d’installer la possibilité de nouveaux départs chez les deux femmes aux rapports problématiques à la vérité. Pour moi, cette sororité bancale ne peut passer pour de l’amitié.
La différence de classe semble abolie un moment pour reparaitre quand se referme la parenthèse enchantée pendant laquelle les enfants hébergés dans l’hôtel particulier sont trop gâtés, comme leur mère, a qui un travail a été proposé dans la clinique du mari emprisonné après un délit de fuite.
Au terme de cette rencontre improbable, l’hurluberlue se dessille, la laborieuse se libère des liens dangereux de sa vie d’avant.

samedi 7 septembre 2024

La symphonie du hasard. Douglas Kennedy.

L’épigraphe de Malraux :  
« La vérité d'un homme, c'est d'abord ce qu'il cache. »  
est parfaitement illustré en 402 pages pour un premier volume d’une histoire comportant trois tomes, autour d’une famille américaine pendant les années Nixon. 
« Sachant que, derrière toute loyauté familiale, se cache une bonne dose de culpabilité. » 
Au-delà des formules, la façon de typer les personnages du brillant conteur, facilite la lecture. 
« Comme le disait mon entraîneur : “Avoir du talent, ça demande du talent.” »
« Ceux qui savent faire font, ceux qui ne savent pas faire, enseignent » 
A travers toutes sortes de fumées, la narratrice, Alice, au pays des contrastes, parfois naïve, porte un regard lucide sur sa condition : 
« Deux parents nés dans l'abondance des années folles, avant la dégringolade vers les épreuves et l'abattement national. Trois enfants nés plus tard, dans la paix et la prospérité du milieu du siècle. Un quintette d'Américains issus des sommets de la classe moyenne ; cinq brillants exemples-chacun à sa manière- du gâchis que tant d'entre nous font de leur vie. » 
La vélocité de l’écriture, dont la décontraction met en valeur la force des personnages,  s’essouffle quelque peu quand apparaissent comme des archétypes par exemple la mère d’origine juive possessive et le père tellement irlandais mêlé de près à l’histoire en train de se faire au Chili au moment de la chute d’Allende, à la façon d’un McEvan. 
« Même ceux qui proclament : « Je n’ai pas besoin de vos bandes, de l’approbation de vos cliques, ni de faire partie de votre petit club », même ceux-là, viscéralement attachés à leur condition de loups solitaires, s’avouent parfois dans un élan de lucidité que chacun, à sa manière, n’a qu’un rêve : se sentir appartenir à quelque chose. »

vendredi 6 septembre 2024

Vacances.

Les participants aux jeux paralympiques, par leur volonté, leur jovialité, vont tellement à contre-courant des geignards habituels que l’on peut souhaiter la prolongation de cet été de grâce.  
Les JO nous ont fait des vacances : oiseaux de mauvais augures et autres râleurs « l’ont mis en veilleuse », si bien que j’en aurais presque perdu une occasion de râler.
Ces bolées de fierté et d’allégresse partagées ne garantissent pourtant pas plus de sérénité et moins de démagogie pour les jours à venir.
Les marchands de peur et de colère, vers lesquels se tendent les micros friands d’insultes et de gonflettes, récusent toute notion d’extrême depuis leurs bords parallèles, tout en accentuant leur radicalité. Incapables de reconnaître des points positifs chez l’adversaire, ils sont prêts à user de méthodes encore plus contestables que celles qu’ils fustigeaient. Point de ponts ! 
Les journaux regrettent la montée du RN et de LFI après avoir jours après jours critiqué systématiquement tout acte des décisionnaires européens ou nationaux.
Les populistes ont vu que le communautarisme rapporte des voix : alors hardi petit blanc ou  grand keffieh! La « bordélisation » est devenue une stratégie. 
Nos élèves, dont nous souhaitions développer l’esprit critique, criticaillent tout, une fois devenus grands. La règle du « Tout pour ma gueule » ne contredit pas l'affaiblissement des expressions personnelles. L’inénarrable Olivier Faure ne sait que dire: «les français ont dit ». Et le toutou qué qui dit, lui ? 
Nous avons les politiques qu’on mérite. Ils croient diriger alors qu'ils suivent les suiveurs de tendances qui dans les rayons «  Bien être et développement personnel » cherchent l’harmonie, mais en couple ou dans le travail ont du mal avec les accommodements. 
Divorces et burn out.
Les nuances apparaissent comme des faiblesses et les incertitudes excitent les péremptoires, les compromis ne sont pas de mise. 
Suivant l’expression « l’éléphant dans la pièce » souvent employée ces temps, les pachydermes se bousculent. 
A la une : l’Ukraine, la Nouvelle-Calédonie, Israël, les bisons en Roumanie…  « déficit public » et « montée de l’extrême droite en Allemagne ».
Les problèmes migratoires s’accentuent alors que les populations vieillissent, le rédacteur aussi.
L’intelligence artificielle suscite des craintes mais nous l’appelons à chaque instant.
Les médias s’abêtissent, critiquent les réseaux sociaux et s’en nourrissent, comme moi.
Le nombre de followers impressionne les journalistes influencés par les influenceuses qu’ils ridiculisent par ailleurs. 
Il n’y a pas que les localiers pour se contenter de reproduire des communiqués de presse. 
Concernant le théâtre par exemple, bien rares sont ceux qui ne reprennent pas le pitch vu sur tous les sites. Cette complaisance entre initiés contraste avec de la violence des propos en matière politique.
Après avoir été les relais assidus du french-bashing, les animateurs à la télévision virent à l’hystérie pour une médaille de bronze tricolore, quand ils ignorent le vainqueur d’un autre pays. 
Devant chez moi, dimanche, un cèdre tricentenaire a éclaté sous les bourrasques. 
« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs »  Jacques Chirac. 
Pas moyen de regarder ailleurs.  
Pour la planète, il faudrait plus de croissance, avec tous ses défauts, pour financer la transition écologique, mais les plus convaincus de l'urgence voient plus de vertus à la glandouille qu’aux gains de productivité. 

jeudi 5 septembre 2024

Depardon à Ambronay.

Depuis un moment je n’avais pas de nouvelles de mon photographe préféré, alors quand une rétrospective de son œuvre est annoncée à Ambronay,
célèbre pour ses concerts de musique baroque,
j’embarque quelques complices pour quatre heures de route.
L’abbaye rénovée de 1000 ans d’âge vaut le voyage
et le village photogénique cultive par ses  armoiries un certain prestige ancien : 
« De gueules au faisceau rayonnant de treize épis d'or (représentant les treize hameaux de la commune) lié du même ».
Dans le Bugey, le fils de paysans de Saône et Loire qui a sillonné le monde, est près de chez lui : du bonheur dans le pré à « Le Bonheur est dans l’image » selon l’intitulé de l’exposition célébrant sans chichi une carrière de soixante ans d’âge.
95 photos choisies peuvent paraître comme un nombre insuffisant ;
cette modestie va avec la notoriété de l’auteur passant du noir et blanc à la couleur, 
de l’appareil à plaques au cinéma, « paparazzo » et fondateur d’agences,
suivant les vedettes du cinéma et de la politique jusqu’au dernier des paysans,
du désert à New York, de guerres en jeux olympiques,
des aliénés qui se cachent aux amants rayonnants…
Ce travail admirable, sobre et distingué, a le mérite de ne pas éblouir le spectateur, mais de donner envie à son tour de sublimer «  les non-sujets » de faire vivre «  les temps morts »,,, pour l’éternité.
« Pavane » de Fauré. 
  

 

mercredi 4 septembre 2024

Nos dimanches soir. Jérôme Garcin.

« A vingt heures et quatre minutes, Daniel Barenboïm libère, tel un torrent de montagne, 
« La Fileuse » (Romances sans paroles de Mendelssohn), prélude à un chœur de voix joyeuses, rageuses, élogieuses, acrimonieuses, affectueuses, courageuses, mais jamais révérencieuses, doucereuses, filandreuses, ennuyeuses . »
En 2015, l’animateur de l’émission «  le Masque et la plume » avait raconté en 300 pages l’histoire du mythique spectacle radiophonique joué depuis soixante ans par des critiques de théâtre, littérature et cinéma. 
« Ecouter «  Le Masque »  c’est se brancher sur l’actualité en remontant dans son passé, c’est entendre parler de 3D dans un lointain ronronnement de 4L ». 
Hormis le format initial de deux heures scandées d’improvisations au piano, le principe  de la diversité des opinions exposées en public a survécu aux modes et fidélisé de nombreux auditeurs dont quelques lettres émouvantes ou drôles ont été retenues. 
Une galerie de portraits permet de mieux connaître quelques voix familières. 
« …il y a le gentil, le méchant, le grincheux, le cynique, le dilettante, le méticuleux, l’extravagant, le séducteur, le susceptible, le raisonneur, l’affectueux, l’exigeant, l’indulgent, j’en oublie. » 
En dehors des éloges de Babelio, n’apparaît aucune critique de ce livre pour disserter autour de ce rendez-vous dominical dont l’auditoire exigeant s’interroge sur la pérennité du concept au gré des changements de maître du jeu.
Rebecca Manzoni la dernière sera-t-elle regrettée par nos enfants comme nous avons eu du mal après François Régis Bastide ? 
« Convaincre, sans humilier l’œuvre choisie. 
L’éclairer et non l’endimancher.
Evitant de l’encanailler, la rendre belle et accessible  à tous. » Jean Vilar 
Sont rappelées des formules qui firent nos délices :
Bory dénonçant « Les forces assoupissantes » à propos du « Corniaud » de Gérard Oury 
ou Ezine donnant la main à Raspiengeas : 
« Voici après La liste de mes envies, la liste de mes emmerdes.
Soit un abreuvoir lacrymal auquel viennent boire tous les assoiffés du pathos. »
« C’est de la littérature de toile cirée. Passez un coup d’éponge, et il n’en reste plus rien. » 
Si des lettres antisémites ont conforté le choix de la musique introductive, d’autres apports d’auditeurs ont fait naître des vocations tel Guillaume de Fonclare en faussaire talentueux ou André Degaine auteur d’une originale histoire du théâtre.
Les chapitres rangés par ordre alphabétique comme dans les « Dictionnaires amoureux » varient les approches, les émotions.
Purin d’orties ou quelque « divulgachage » d’un film ont suscité bien des réactions et les zeugmas 
« Il admirait l’exaltation de son âme et les dentelles de sa jupe »Flaubert  
ont éveillé bien des connivences.
François Morel a présenté sur scène les affrontements entre Charensol et Bory, un agriculteur a nommé ses vaches « les Garcinettes », un pâtissier créé un gâteau «  Le masque et la plume ». 
Pour tant d’auditeurs, dont je suis, la messe dominicale a lieu en début de soirée, même si la météo marine prologue charmant est diffusée depuis un moment sur d’autres ondes.