jeudi 26 octobre 2023

Création africaine. Haywon Forgione.

La conférencière a proposé aux amis du musée de Grenoble une vision de l’art contemporain africain tel que pourrait le représenter « Sibusiso » de Zanele Muholi.
A la fin de XIX° siècle, au moment de l’expansion coloniale, le Muséum des missions ethnographiques du Trocadéro privilégiait une approche ethnographique avant que le regard se fasse artistique sous l’impulsion
de Paul Guillaume ou d’Apollinaire : 
« Le Louvre devrait recueillir certains chefs-d’œuvre exotiques dont l'aspect n'est pas moins émouvant que celui des beaux spécimens de la statuaire occidentale. » 
Photographies de la collection de Paul Guillaume.
« La femme aux yeux bleus »
au regard noyé de Modigliani dans son épure ressemble
 à un « Masque Fang ».
Picasso
lors de son époque primitiviste scarifie une demoiselle.  
L’art extra occidental a profité de la mondialisation pour étendre sa renommée et devenir très côté. Quelques expositions panoramiques, passant du cultuel au culturel, y ont contribué 
de même que l’ouverture du Musée du Quai Branly, et son ambassade :
« Le pavillon des cessions »
au Louvre.
Seydou Keïta
, photographe malien
comme Malick Sidibé  peuvent illustrer des expressions identitaires.
L’ancien kinésithérapeute sénégalais Ousmane Sow utilise fer, terre, jute, paille, matières organiques pour « Toussaint Louverture et la vieille esclave » 
et malmène le bronze au vinaigre : « Lutteurs ».
William Kentridge
, arrière petit fils d’immigré juif en Afrique du sud, fils d’un défenseur de Mandela, exprime les conflits d’un continent, les identités violentées.« Remembering the Treason Trial ».
L’univers coloré, très BD, du congolais Chéri Samba a influencé beaucoup de ses compatriotes artistes : « Condamnation sans jugement ».
Adel Abdessemed
a été exposé à coté du Retable d'Issenheim de Matthias Grünewald.
Ses Christs de barbelés s’intitulent « Décor ».
Le « Jugement dernier XIV » de Barthélémy Toguo exprime aussi la douleur.
Plus explicites dans leurs références à la tradition, 
les tapisseries métalliques d’El Anatsui, composées d’objets de récupération, 
sont somptueuses.
Pour des spectaculaires travaux de perles, 
il faut bien un collectif à Ntombephi Ntobela pour réaliser : « The President ».
Otobong  Nkanga
dans « The Weight of Scars » tapisserie monumentale, 
deux silhouettes sont reliées à des cordes portant des photographies de mines abandonnées.
Les peaux de vache de Nandipha Mntambo veulent 
« subvertir les associations attendues avec la présence corporelle, la féminité, la sexualité 
et la vulnérabilité »
« Ghost »
de Kader Attia parle de lui-même du silence, du néant.
« Silk Tapestry »
 de Billie Zangewa originaire du Malawi affirme se position de femme, heureuse d’être une femme.
Lebohang Kganye, « Setupung sa kwana hae II », pose la question de l’héritage.
A la flamme d’une lampe à pétrole, Géraldine Tobe se reconnecte au passé d’avant les églises.
Les astronautes de Yinka Shonibare, sont habillés de Wax. « Space Walk ».
« En art point de frontière. » Victor Hugo

mercredi 25 octobre 2023

Arles.

Nous revenons à Arles chaque année pour les rencontres photographiques et découvrons toujours de nouveaux lieux.
Nous avions connu ainsi l’église Saint-Martin désaffectée  dans le quartier du Méjan (le milieu) qui servit de dépôt de laine au syndicat des éleveurs de moutons mérinos.
Entre les Alpilles, la Camargue et la Crau, c’est là que le Rhône arrive en Méditerranée.
La photographie, huitième art, celui de la mémoire, s’interroge sans cesse sur la profusion actuelle des représentations et cherche les beautés du plus démocratique des moyens d’expression.
La ville, sept fois plus grande que Paris est restée modeste malgré tous les labels patrimoniaux.
Nous longeons sans cesse les vestiges romains et ne pouvons manquer la tour Luma, réalisation architecturale des plus contemporaines, brillant de tous ses feux.
Les arènes
sont remarquablement bien conservées
depuis qu’au moyen âge un village avec deux églises se protégeait derrière ses hauts murs.
Elles n’ont pas connu le sort du cirque devenu une carrière après que les courses de chars furent passées de mode.
Le théâtre tout proche pouvait contenir 10 000 personnes conviées gratuitement lors de représentations en l’honneur des Dieux d’alors, la moitié de la capacité de l’amphithéâtre ou du cirque.
Dans le récent musée d’Arles antique,
un chaland du début de notre ère, chargé de lingots de plomb et d’amphores 
témoigne de l’activité portuaire
qu’une maquette de pont flottant  matérialise.
Les grecs avaient déjà installé un comptoir commercial que des vétérans romains  installés par César dont on vient de retrouver un buste, vont faire prospérer.
Le luxe des mosaïques, la profusion d’objets raffinés, la beauté des sarcophages en témoignent.
Neptune  et autres divinités majestueuses avaient laissé la place 
aux motifs chrétiens dès le IV° siècle.
Le cryptoportique
signifiant étymologiquement « caché » soutenait le portique qui bordait le forum, il n’en est pas moins impressionnant. Cette construction est située sous l’Hôtel de ville du XVIIe,
attenant à l’église romane Saint-Trophime du XIIe siècle, et son cloitre remarquable. Les pèlerins allant vers Saint-Jacques de Compostelle s’y arrêtaient.
Dans des quartiers aux noms enchanteurs,Trinquetaille, La Roquette, des hôtels particuliers côtoient des maisons plus modestes.
Des reproductions de tableaux de Van Gogh dispersés dans la ville ont plus de gueule, même un peu défraichies, que les tags qui ont submergé Grenoble,
comme aux Alyscamps (Champs Élysées en provençal, cité des morts vertueux dans la mythologie grecque) nécropole romaine citée par Dante et peinte également par Gauguin. 
« Tout comme à Arles où le Rhône s’attarde […] les sépulcres font le sol inégal. » 
Arles est d’autant plus photogénique que la réussite des « Rencontres » est justement de donner envie, sous le regard des maîtres, de saisir les lumières et le temps, tout le temps.
« Le seul menteur du Midi, s'il y en a un, c'est le soleil.

Tout ce qu'il touche, il l'exagère. » 
Alphonse Daudet.

mardi 24 octobre 2023

Kiss the sky. J.M. Dupont Mezzo.

« Si le nombril des femmes était une lucarne d’où leur enfant, avant de naître, pouvait voir ce que leur réserve la vie… certains choisiraient sûrement de passer leur tour. »
Ainsi commence le premier volume, au format d’un disque Vinyle, d’un récit consacré à Jimi Hendrix qui au bout des 80 pages offre un répertoire de 52 titres pour accompagner autant de cases grouillantes, aux noirs lumineux.
Les remarquables dessins parfaitement documentés accrochent l’attention de ceux qui n’auraient comme image du joueur de guitare avec les dents, que  son appartenance au club des rockers morts à 27 ans comme Brian Jones, Janis Joplin, Jim Morrison, Amy Winehouse…ou Basquiat dont la patte convient parfaitement aux musiques de James Marshall Hendrix, 
Nous sommes amenés en amont de 1942, son année de naissance avec la part apportée par une grand-mère cherokee. Entre une mère alcoolique et un père violent, il a appris à survivre et à supporter l’instabilité sentimentale et la précarité de ses contrats de musicien en ses débuts sur scène. Il y a croisé Little Richard, Elvis Presley, Aretha Franklin, Bob Dylan
Le gaucher a retenu le son des avions lors de son passage chez les parachutistes, il joue très fort avec des amplis de plus en plus puissants. 
Il est le plus grand des guitaristes d’après les connaisseurs.

lundi 23 octobre 2023

Déserts. Faouzi Bensaïdi.

Ce film marocain ose le burlesque en milieu miséreux.
Deux compères en costard-cravate font le tour des familles qui n’ont pas remboursé leurs emprunts mais leurs conditions de vie ne sont guère différentes des pauvres malheureux qu‘ils sollicitent.
Le road-movie bifurque en cours de route vers la poésie. Les paysages magnifiques 
appellent le western parodique en voiture poussive avec passager perturbateur.
La dimension politique est très présente avec banque prédatrice et foule candidate à l’exil sans que soient assénés de leçons des insoumis de palace.

dimanche 22 octobre 2023

Gilberto Gil & family.

L’octogénaire tropical accompagné par ses fils et une des ses petites filles est dans une forme éblouissante.
Il précise chaque fois les auteurs des morceaux de samba, bossa nova, saudade, reggae 
qu’il enchaine devant une salle acquise dès le lever du rideau.
« … nous, Brésiliens, sommes des anthropophages culturels ; nous nous sommes nourris de plusieurs peuples et cultures qui restent en nous, mais dont nous avons fait quelque chose de neuf. » Oswald de Andrade
On peut regretter de ne pas être lusophone, mais la chuintante langue participe à la douceur des musiques qui rendent allègre la nostalgie, allant jusqu’à nous permettre de broder sur le thème de la misère au soleil. 
« Que Dieu a donné à toutes la magie
Pour le bien, pour le mal, première terre à Bahia
Premier carnaval, premier pilori également »
 Après nous avoir livré un morceau écrit en prison en 1969 à Rio où il avait été enfermé avec son complice Caetono Veloso, l’ancien ministre de Lula en 2003 reprend en français, un texte écrit pour Harlem Désir, il y a longtemps : 
« Touche pas à mon pote
Ça veut dire quoi?
Ça veut dire peut être
Que l'Être qui habite chez lui
C'est le même qui habite chez toi….
Il fait chanter Charles Aznavour
Il fait filmer Jean-Luc Godard
Il fait jolie Brigitte Bardot »

samedi 21 octobre 2023

Mon maître et mon vainqueur. François-Henri Désérable.

 
« Est-il sensible ou moqueur,
Ton cœur ?
Je n’en sais rien, mais je rends grâce à la nature
D’avoir fait de ton cœur mon maître et mon vainqueur »
Verlaine dont le titre est tiré d'un de ses vers était inévitable pour une histoire d’amour fou entre deux fous du poète : Vasco conservateur à la BNF et Tina mère de jumeaux en passe de se marier avec un autre.
Poétique, drôle, bien que la distanciation permise par le récit dans le bureau d’un juge alourdisse à mes yeux ces 200 pages, d’autant plus brillantes que les histoires d’amour, comme disent la chanson, finissent… en hématome. 
« Le sonnet, c'est un peu comme l'amour conjugal : sa beauté naît des contraintes qui lui sont inhérentes. Pour le sonnet : nombre invariable de vers, invariablement répartis en deux quatrains suivis de deux tercets, nombre équivalent de syllabes pour chaque vers, alternance des rimes féminines et masculines, etc. 
Pour l'amour conjugal : pesanteur du tête-à-tête quotidien, inévitable effet de routine, inopportune irruption du trivial, etc. Et c'est en dépit de cela qu'il faut tirer du beau, voire du sublime - et c'est, inversement, ce qu'il y a de si grisant mais aussi d'un peu facile dans le vers libre et l'adultère… » 
Au cours d’une lecture jubilatoire, nous apprenons qu’à l’hôpital psychiatrique sainte Anne, en plus de l’inévitable allée Verlaine, il y a la rue Van Gogh, et celle nommée Gérard De Nerval, « Soleil noir de la mélancolie » qui débouche sur le parc Charles Baudelaire, l’auteur du Spleen.
Au cimetière Montmartre à côté de la tombe de Stendhal : 
« …  il y en avait une autre, sur laquelle on pouvait lire :Robert L. (1923-2006), époux de Nicole L., née J. (1932-20  ). » 
Les nombreuses allusions littéraires coulent de source dans un contexte où le drame fait sourire : 
«  Et qu’est ce que la vie, disait Vasco, si l’on y songe un instant ? 
Des petits bonheurs éphémères, dominés par d’insondables chagrins »
Pagnol disait :  
« Telle est la vie des hommes. 
Quelques joies, très vite effacées par d'inoubliables chagrins
Il n'est pas nécessaire de le dire aux enfants. »
J’avais retardé la diffusion du « Château de ma mère » à mes petits enfants pour que soit divulguée le plus tard possible cette sentence.