jeudi 14 octobre 2021

Autour de Jan Van Eyck. Gilbert Croué.

Un gros plan d’une agrafe sur le manteau de Dieu du « Retable de l'Agneau mystique » ouvrant la séance de la conférence des amis du musée de Grenoble a allumé d’emblée notre admiration envers le premier des premiers autrement dits primitifs flamands du XV ° siècle. Les points de brillance d’une minutie incroyable suivent la logique de l’éclairement et le cristal du sceptre stimule nos références perceptives.
Les Flandres allaient alors au-delà des frontières de la Belgique actuelle et entre 1400 et 1480 le Sud sous administration Bourguignonne est le plus prospère.
«Marché au vin» de Simon Bening. Les villes de Bruges, Gand, Bruxelles, Louvain, Tournai deviennent des places fortes artistiques à la suite d’un commerce florissant de tissus, céréales et harengs fumés.
Certaines villes se spécialisent au point que le mot italien « arrazzi » signifie tapisseries, depuis qu’elles provenaient d'Arras.
Le visage de l’ecclésiastique du tableau « La Vierge au chanoine Van der Paele » porte les traces de son âge et ses lunettes grossissent avec précision les caractères du livre qu’il tient. 
Il est présenté à la vierge par son patron saint Georges face à saint Donatien portant une roue avec cinq bougies lui ayant permis d’être sauvé d’une noyade dans le Tibre. Le petit Jésus tient un perroquet seul animal capable de dire : « Ave Maria !»
Le clergé n’est pas le seul client : « Les époux Arnolfini » a été commandé par le mari banquier passé par Lyon. Une seule bougie sur le lustre et un collier au mur offert lors d’une nouvelle naissance laissent deviner qu’un second enfant  s’apprête à venir au monde.
Le miroir sans tache est de la même pureté que Marie,
une sculpture au coin du lit représente sainte Marguerite la protectrice des accouchées s’extirpant d’un dragon
et les socques rappellent le geste de Moïse se déchaussant avant de pénétrer dans un espace sacré … le chien est fidèle.
« La Vierge du chancelier Rolin »
est pour le chancelier de Philippe Le Bon. Le riche politique n’est pas plus petit que Marie.
Les trois arcades (trinité) dominent le paysage d’une ville imaginaire où une croix rappellerait la fin tragique de « Jean sans peur » jadis assassiné sur le pont de Montereau.
Une époque nouvelle s’ouvre « Le reliquaire de sainte Odile » date de 1292. Si le climat n’incite pas à la fresque, les peintures sont réservées aux retables portables à la mode italienne et aux livres à enluminer par les « ymagiers ». Les tapisseries sont prisées et les sculptures durables prestigieuses.
« Le tombeau de Philippe le Hardi » est taillé dans l’albâtre de Vizille.
Le diptyque de « l’Annonciation » de Van Eyck tout en grisaille, trompe l’œil et ses statues, dont les reliefs ont pris moins de temps au pinceau qu’au burin, font leur effet.
Le retable remarquable de « L’agneau mystique » est composé d'un total de 24 panneaux où figurent 110 portraits ainsi que 42 espèces de plantes ( 75 selon d’autres sources).
Au sommet, apparaît Dieu sous une tiare, attribut religieux d’origine persane. Elle lui permet de porter trois couronnes, l’une représentant terre, ciel et l’enfer, l’autre les continents alors connus et enfin l’église souffrante, combattante, triomphante. Derrière lui, sur une tapisserie, des pélicans se sacrifient eux aussi en se rongeant les flancs. La luminosité du manteau provient d’une superposition de glacis commençant dans les jaunes et révélant les rouges d’une peinture à l’huile en ses brillants débuts.

Huit groupes, comme le nombre de jours avant la résurrection et comme les huit côtés des fonds baptismaux, convergent vers l’agneau innocent au pied duquel coule une fontaine octogonale.
Tout bruisse de symboles et les sites Internet ne manquent pas pour détailler ce sommet de l’art de la Renaissance en arrivant pour certains à solliciter quatre niveaux d’interprétation. Sur ce blog avait déjà été évoqué le trésor de la cathédrale Saint Bavon à Gand 
Ce chef d’œuvre admirable, d’une richesse et d’une fraicheur époustouflantes a été commencé par Hubert van Eyck, qui avait inscrit « maior quo nemo repertus » (meilleur que quiconque), et terminé par son frère Jan, l’un des premiers à signer ses tableaux.
Le portrait de sa femme « Margarete » nous évitera des jugements sans nuances sur la mode d’aujourd’hui.
S
on autoportrait, «  L’Homme au turban rouge », nous renseigne sur sa physionomie, bien qu’assez peu d’éléments de sa vie nous soient parvenus.Philippe le Bon, duc de Bourgogne lui offrit une rente.« Nous ne trouverions point son pareil à notre gré, ni si excellent en son art et science ».

mercredi 13 octobre 2021

Chalons sur Saône #1

Départ de notre voyage de juillet 2021. Comme rien ne nous presse, sur de petites routes tranquilles, nous pouvons nous arrêter lorsque se présente un village pittoresque :
c’est le cas de SAINT-TRIVIERS-DE-COURTES composé de vieilles maisons à colombages mêlant bois et briques aux cheminées sarrasines; l'adjectif s'appliquant aussi à une belle tour octogonale au centre du village.
Dans la campagne bressane environnante, des habitations de même style apparaissent au milieu de terres agricoles.
Les traces des crues récentes ne manquent pas : plus nous nous rapprochons de TOURNUS, plus nous voyons des rivières sorties de leur lit noyant champs de maïs ou peupleraie, peinant à évacuer une terre trop gorgée d’eau malgré des conditions climatiques plus favorables.
En effet le beau temps attendu depuis plusieurs jours semble s’installer malgré un léger vent frisquet en matinée. Il nous incite à une petite déambulation dans la ville déserte.
Vacances, lundi jour férié ou fermetures définitives ?
En tout cas, la majorité des  commerces ont leur porte close et les restaurants ouverts ne sont pas nombreux. Nous trouvons une table près de la mairie dans une brasserie où nous commandons des tagliatelles au saumon  arrosées d’une bière et suivies d’un café.
25 km nous séparent de CHALONS-sur- SAONE, nous les parcourons toujours par des routes secondaires. A 15h nous prenons possession d’un studio tranquille équipé d’une clim. Bien situé près du centre-ville, il nous offre l’avantage de pouvoir circuler à pied. Nous commençons par une visite à l’Office du tourisme près de la Saône.
La rivière submerge les quais, les marches, les bancs et pontons,
elle s’écoule avec un débit important devant une statue dédiée à Nicéphore Niepce suffisamment en hauteur pour être épargnée par les eaux.
Au départ du circuit proposé, nous trouvons  le musée Niepce (entrée gratuite) qui a en partie motivé notre venue à Chalon
A l’entrée, une chambre noire est installée et à disposition du public, elle permet de voir la personne présente derrière l’objectif la tête en bas.
Dans la même pièce, une machine interactive numérique donne accès aux collections du musée constituant une riche et une intéressante rétrospective de photos.
Nous pouvons ainsi balayer différentes époques et pays (colonies), visionner de vieux portraits datés et signés, retrouver des clichés célèbres, des témoignages du temps qui passe…
Dans d’autres salles sont entreposés quelques appareils anciens, des plaques de cuivres, des tirages plus ou moins visibles.
Des explications sont fournies à travers une vidéo pédagogique.
Une exposition temporaire regroupe le travail d’un collectif du nom de  « tendance floue ». 
Le choix du titre  « Azimut », une marche photographique, renvoie à la traduction du mot d’origine arabe qui signifie le chemin. Des textes sans intérêt accompagnent des images banales et forment un ensemble
nombriliste peu passionnant à notre goût.  
Quant au musée il se découvre sous une lumière assez faible et artificielle nécessaire pour protéger des héliogravures et des daguerréotypes si fragiles que certains sont menacés de l’effacement total. Des planchers qui craquent et des lourdes poutres apparentes participent au charme du lieu pas forcément incontournable. 

mardi 12 octobre 2021

Une vie avec Alexandra David-Néel. Fred Campoy & Mathieu Blanchot.

Je m’attendais à parcourir, à la façon des « Belles histoires de l’Oncle Paul » du journal Spirou de mon enfance, des images ensoleillées d’un récit de vie aventureuse. C’est plus que cela. 
La  première femme exploratrice à entrer à Lhassa au Tibet en 1924, alors que les étrangers étaient interdits, était un personnage parfait pour bande dessinée édifiante.
Mais ce sont les souvenirs de sa dame de compagnie, femme de chambre, secrétaire et confidente qui sont agréablement mis en pages et c’est passionnant. 
Comme on sait qu’ «  il n'y pas de héros pour son valet de chambre » le bouddhisme de la philosophe, orientaliste, a perdu de la zénitude quand elle approche d’une fin de vie qui la mènera à 101 ans. Le courage dont elle avait fait preuve ressort avec encore plus de force quand dans sa vieillesse ne sont pas cachées ses faiblesses et un caractère difficile. 
Les relations tumultueuses avec la narratrice nous rendent proches ces femmes toutes deux remarquables. La maison de Digne-les-Bains, « Samten Dzong » ( la forteresse de la méditation), alors envahie d’araignées et de souris est devenue un musée. Dans l’alternance des images colorées du passé et celle plus grises du présent, les passage consacrés à la vie d’ermite de la féministe où lorsqu’elle sèche par la seule température de son corps un drap trempé dans l’eau glacée, sont saisissants. 
Il y a  bien de quoi garnir quatre volumes, ces 95 pages d’un premier livre étant pourtant riches, ne suffisant pas à rendre la profondeur, l’étendue, la fantaisie, de la vie de ces deux femmes et leur évolution.