jeudi 10 janvier 2019

Trois empires le long d’une vallée. Daniel Soulié.

Pour évoquer la profondeur du temps pendant laquelle s’est déployée la civilisation égyptienne de 3500 ans avant J.C. jusqu’à la fondation d’Alexandrie en - 332, le conférencier devant les amis du musée de Grenoble conclut son exposé par le récit du rêve d’un pharaon endormi  entre les pattes du Sphinx qui lui aurait demandé de le désensabler. Pour que l’énigmatique statue revienne au soleil après son installation, autant d’années s’étaient écoulées qu’entre Charlemagne et nous.
La géographie d’un pays, comportant 5% de sa superficie en terre cultivable, éclaire l’histoire. Aujourd’hui 80 millions de personnes habitent un territoire qui comptait 1 million d’habitants pendant l’empire et 2,5 millions à la période romaine.
Le delta est plus peuplé et si les inondations ne scandent plus la vie autour du Nil depuis que le barrage Nasser est en service, le fleuve reste vital créant une oasis de 1000 km de long sur une largeur n’excédant pas 15 km.
Dans le « Mastaba de Ti », sur fond de papyrus, les eaux sont poissonneuses.
Le pouvoir vient de la Haute Egypte, du Sud,  là où les populations sédentarisées plus tardivement étaient conquérantes.
« La stèle de Semna » arrivée incomplète au musée de Berlin, reconstituée en entier après que des anglais en aient retrouvé l’autre moitié, marquait à partir de la deuxième cascade la frontière méridionale destinée à contrôler le commerce sur la route caravanière nubienne.
Des installations portuaires provisoires ont été installées sur les rives de la Mer Rouge pour recevoir l’encens venu du pays de Poumt. A la recherche de carrières pour les pierres de monuments des expéditions comptant parfois jusqu’à 14 000 hommes étaient lancées en plein désert.
A « Serabit El-Khadim, le Temple d'Hathor »  dans le Sinaï témoigne de l’exploitation de la turquoise.
A « Kharga », oasis de la nouvelle vallée, les palmeraies existent depuis la période romaine.
Des Rois : Sur « La liste d'Abydos » où Séthi Ier  figure avec son fils, le futur Ramsès II honore ses ancêtres. La conception des grecs, fascinés très tôt par cette civilisation, qui ont introduit l’appellation dynastie (au nombre de 33) est toujours de mise.
Pourtant une succession de type familial n’était pas toujours la règle, d’autant plus que des souverains ont pu régner dans des régions différentes et que d’autres considérés comme des usurpateurs aient été effacés des mémoires.  De surcroit la chronologie remise à zéro à chaque nouveau règne est différente de nos calendriers linéaires. 
Depuis « Le roi Djet ou le Roi Serpent » à la période Thinite (- 3000), les historiens vont distinguer les moments de développement et de déclin en établissant la notion d’empire à partir du moment où le pouvoir royal  s’affirme: Ancien Empire, Moyen, puis Nouvel Empire, séparés par trois Périodes Intermédiaires, conclues par une Basse Epoque, quand les Perses occupent l’Egypte avant la conclusion Ptolémaïque( successeurs d'Alexandre) en – 332.
C’est le roi dans toute sa puissance qui encorne l’ennemi dans « La palette au taureau ».
« Sethi 1° et Hathor » Le roi est l’intermédiaire entre les hommes et Dieu, le fluide divin passe par une poignée de main et les offrandes s’échangent, il reçoit un collier qui lui assure une survie éternelle et la stabilité de son pouvoir.
Le pharaon est  aussi un chef de guerre, à « Médinet Habou », dans le « temple des millions d'années », le souverain sacrifie des prisonniers, symboliquement, car ils étaient précieux.
La société est de structure pyramidale. En haut le roi aux quatre ou cinq prénoms, au dessus du vizir et de ses ministres avec une administration omniprésente qui gère la vie des populations travaillant dans une situation de servage pour du pain et de la bière, un ballot de lin et une maison de briques de terre sèche.
Près de Memphis, la  vaste « nécropole de Saqqarah » est aussi la plus ancienne, même si la capitale se déplaçait, située là où était la résidence du roi.
Les dieux sont multiples et chaque région a son protecteur, pourtant certains vont être vénérés dans l'Égypte entière, ainsi Amon Dieu de Thèbes.
ou Rê avec sa tête de faucon est le soleil, le créateur du monde, et beaucoup de ses confrères sont des démiurges à l’origine de leur propre création, Ptah est le dieu des artisans et des architectes, Khnoum à tête de bélier celui de l’eau fraîche,Toth le scribe des dieux est un  simple esprit.
Dans le monde funéraire, où Osiris est le dieu des morts, « Anubis » est le maître des nécropoles.
 « Une parole sage est plus cachée que l’émeraude. Pourtant on la trouve auprès d’humbles serviteurs qui broient le grain. » Ptahhotep
Pour faire se rejoindre explorateurs toujours curieux, pharaons nombreux, abondantes divinités, lieux innombrables sans cesse dans la perspective de découvertes nouvelles, ouvriers qui firent la première grève connue, je retiens, pour une conclusion impossible, ce portrait de « Néfertari » et de son fils Aménophis 1°, souverains divinisés par les constructeurs des tombeaux de la vallée des rois qui habitaient à Deir el-Médineh, découvert par Lepsius pour le musée de Berlin.

mercredi 9 janvier 2019

Lacs italiens # 5.

Pas d’orage cette nuit et retour du beau temps; le soleil filtre entre les volets en bois plein. Guy profite de notre visite au Super marché pour photographier les vignes hautes sur pieds sous lesquelles on pourrait se promener.
Vers les 15h, nous affrontons la chaleur direction VERONE. Les 7 km sont vite avalés. A la station essence, le paiement est inhabituel par machine robotique commune à toutes les pompes. Nous débarquons nos comparses près du Ponte Piera et cherchons un parcmètre un peu moins cher que 3 € l’heure. Juste à l’arrière, 200 m en retrait nous trouvons notre affaire à 1€ et une vieille religieuse tout de blanc vêtue pour nous indiquer où se cache l’horodateur.
Nous entamons la visite de la remarquable église « Sant’ Anastasia » ; le billet d’entrée inclut la visite de 4 églises dont le Duomo et le prêt d’un audio guide en français.
Je suis séduite  par la voûte décorée de motifs végétaux sur fond clair et les piliers de marbre rose de Vérone.
Deux bénitiers supportés par 2 bossus,  les gobbi,  nous accueillent. Nous cherchons vainement le blason des Scaligeri (ou des Scalinger) constitué d’une échelle et d’un chien ; seul le lion blanc sur fond noir  nous est visible. 
Le joyau de cette église semble être la fresque de Pisanello, Saint Georges délivrant la princesse Trébizonde du dragon (1436) mais comme il est difficile de l’apprécier  car abîmée et haut placée, une vidéo située en dessous et à hauteur d’yeux en rend la lecture plus facile.
 
 
Nous nous serions bien passés de tester les avantages de l’Europe en matière de santé mais de dispensaire en pharmacie  grâce à la carte européenne, nous n’avons à débourser que 4 € correspondant  aux frais d’ouverture de garde. 
Nous n’en revenons pas  et croyons entendre 40 € mais le client qui patiente derrière nous confirme la somme en français.
Sur le chemin du retour nous nous arrêtons au restau « 500 lires » (Bar& cuccina via Brennero 85 Pescantina) et mangeons à 22 h en terrasse des pâtes variées après un  spritz de rigueur.



mardi 8 janvier 2019

A boire et à manger. Guillaume Long Sonia Ezgulian.

Même si un de mes auteurs de BD préféré aurait pu sous-titrer d’une façon originale chacun de ses quatre volumes intitulés « A boire et à manger » pour les distinguer, c’est toujours le même régal.
Hommage est rendu aux parents, aux inspirateurs, aux fournisseurs de la cuisinière et journaliste lyonnaise d’origine arménienne avec l’humour tendre de celui qui figurait depuis un moment  dans ma liste de blogs préférés, mais qui vient de l’abandonner au profit de Facebook.
Nous passons des plats les plus prestigieux tel « l’édredon de Damien » dont la recette est détaillée parmi 27 autres
qui vont du limoncello - mais on ne trouve plus d’alcool à 95° dans les pharmacies-
au pan bagnat - tiens il faudra que je mette des grains de fenouil -
à « la soupe de pain de Marie Victorine » qui récupère les croûtes de pain noircies.
Les albums de Long se mettant en scène comme un lève tard paresseux, maladroit, mais gourmand, magnifiant les plats les plus modestes, tout en étant très pointu et exigeant sur certains produits, sont délicieux.
Ainsi je saurai la différence entre le zeste et le ziste du citron qui est la partie blanche amère et si comme lui je ne suis pas très "désert" quant à leur confection, ces 118 pages ouvrent l’appétit sans que nos faiblesses de gourmand soient punies.
Chaque page se consomme sans modération, pour une fois que ce qui fait plaisir n'est pas puni.

lundi 7 janvier 2019

Le Secret de la potion magique. Louis Clichy Alexandre Astier.

Il est temps pour Panoramix de trouver un successeur. Après une période de déni, le barbu chenu se met en quête de quelqu’un digne de connaître la recette de la potion magique.
Cette fois Astérix n’est pas admis pour l’accompagner en tout lieu car lorsque les druides sont réunis cela doit rester secret, et désormais on saura pourquoi.
Fidèle à la trame habituelle avec Romain pleutre et disputes de bon aloi dans la tribu, le scénario se met au goût du jour avec une petite fille dégourdie et un personnage malfaisant intéressant maintenant que les menhirs ne sont plus immuables et que les cairns sont instables. 
Pendant une heure et demie s’allient respect de la patrimoniale BD et inventivité : les pirates destinés à couler à tout coup font toujours rire et si le petit et le gros gaulois ont moins d’importance, ce sont les sangliers qui jouent le rôle d’agents tout à fait décisifs pour l’avancée de l’intrigue où l’humour d’Astier fait des étincelles. Le  thème riche de la transmission est traité sans être plombant. Les lumières sont magnifiques, l’animation réussie.
Les spectateurs adultes, même non accompagnés, n’auront pas à rougir de profiter de ce divertissement qui conviendra aux enfants, quand même.

vendredi 4 janvier 2019

Traverser la rue.

Un tel titre jouant avec la formule présidentielle qui a choqué tant de monde ne vise qu’à exciter les lecteurs qui pourraient être attirés sur ce blog. Et j’aggraverai volontiers mon cas en invitant le jeune sans emploi dont il était question, à se « bouger le cul », quand tant de jobs ne trouvent pas preneurs.
Les formules peuvent varier : sortir de son couloir, de la fatalité, prendre ses responsabilités. Tout en n’évacuant pas les difficultés pour trouver un emploi, attendre que Jupiter s’occupe de tout, me semble court.
Celui qui a finalement choisi de devenir cariste, était loin de la condition d’un chômeur qui vient de perdre son emploi dans un bassin de chômeurs.
Tiens, à propos, le chômage : qui en parle, voire propose des solutions dans cette période pourtant bavarde ?
Certes dans la restauration on est moins payé qu’un médecin, mais des généralistes, on n’en trouve plus guère, pas plus que des conducteurs de train, des éducateurs, des profs… refrain connu.
Après m’être compromis ci-dessus, du côté des opinions minoritaires, je précise que je trouve que « le pognon de dingue » des financiers est scandaleux et grand le mérite des gilets jaunes de remettre au goût du jour le problème des inégalités.
Notre société, au système de protection sociale apprécié surtout en dehors de nos frontières, est en crise, et Macron en est le nom.
Le journal  « Le 1 » aura beau préciser que le taux de prélèvements obligatoires de 45% en France (25% aux USA) permet à la  population de bénéficier des services de l’Etat, cela reste inaudible à beaucoup. Mais quand quelques souteneurs, qui savent bien ces données,  promettent la lune et se montrent plein d’indulgence envers des « subalternes » aux réflexions sommaires et aux pratiques parfois détestables, la méfiance envers les démagogues peut se rallumer.
Pour en revenir aux gueux qui se relaient aux carrefours, je les connais ; fils de « pagus », je sais ce qu’est l’humiliation. En d’autres printemps j’ai connu aussi la morsure des matraques.
Mais dans un contexte où personne n’écoute personne, dire qu’ « on n’est quand même pas en dictature » est pris pour du mépris, je me résous à la modestie sans plus chercher à convaincre quiconque.
Et plutôt que de courir après la première brassière de sécurité venue, maculée de haine, choisir la réponse d’Oscar Wilde à son procès à qui l’avocat de son adversaire demandait :
«  La majorité des gens tomberait dans votre définition des philistins et des ignares n’est ce pas ?
- Oh, j’ai trouvé de magnifiques exceptions. »
Cette citation figurait dans le nouveau « Magazine littéraire » que j’avais acheté pour d’autres titres dont « Les écrivains racontent les gilets jaunes ». Le plus original des romanciers convoqués couvre deux pages pour dire ce qu’Hugo, pourtant prolixe, rassemblait en une formule : «  nous les petits, les sans- grade ». L’un en profite pour parler de lui, un autre pour excuser toute violence, puisque la Marseillaise de Rude, celle de l’Arc de triomphe, a été commandée par Thiers, «  le futur boucher de la commune (tiens tiens) », et Nathalie Quintane, une écrivaine, de s’enflammer : «… des bals et chansons sur les ronds points, des rondes et des chorégraphies sur les passages piétons, des cabanes et même une potence… » Vite un R.I.C (Référendum d’Initiative Citoyenne) sur la peine de mort ! Alors que tout ce qui est intellectuel est méprisé depuis longtemps, ceux qui devraient être les gardiens de l’exigence, des nuances, de la profondeur, se droguent à l’épique et si cela se finissait au bout d’une pique, leur inspiration s’en trouverait ragaillardie. Maintenant que le hasch va devenir thérapeutique, ne reste-t-il plus que la fragrance des lacrymos pour faire pleurer Margot ?
Les formes prises par la colère jaune ont mis en cause bien des usages de notre démocratie, telle que la déclaration préalable de manifestation. Pourtant les adeptes de la judiciarisation du moindre geste n’ignoraient pas que les entraves à la circulation sont illégales.
Les abstentionnistes ont rencontré ceux qui n’ont jamais admis le verdict des urnes, ils réclament maintenant de voter à la moindre occasion. Ils useront ainsi plus utilement de leurs fins de semaines que lors de ces samedis rageurs de décembre.
Ils se sont passés de tous les stratèges communicationnels habituels, avec leur habit très visible à l’efficacité avérée, si bien que le moindre cycliste précautionneux nous dit quelque chose.
Ils régénéreraient parait-il la démocratie : alors qu’ils jugent illégitimes les élus, de quel droit se proclament-ils Le Peuple ? Leur capacité de nuisance conforte un sentiment de toute puissance quelque peu infantile, mais s’il se trouve des sociologues pour s’émerveiller d’une politisation express sur les ronds poings, c’est qu’il y avait déficit.   
Quand le port du gilet s’impose pour avancer dans la file qui s’étire devant un lieu de ralentissement, la devise républicaine y perd son premier mot : liberté.
Chacun lutte bien entendu pour ses enfants, le planétaire et le prolétaire, est-il besoin de le préciser ?
A la radio, une actrice en fin de course ne comprend plus qu’on fasse des enfants alors que pour ailleurs, il est incorrect de trouver qu’une famille avec dix affamés ça commence à faire beaucoup. Une espèce vivante qui ne se  reproduit plus ou qui se multiplie sans frein est menacée et il ne s’agit pas du moustique du marais Poitevin mais de nous pauvres humains qui se sentent en ce moment si bêtes.
D’un côté : la petite fille de riche se sent si pauvre et de l’autre : un enfant n'est plus forcément une richesse pour les pauvres.   
« Quand les saltimbanques, les enfants trinquent. » J.C. Dauphin