jeudi 21 décembre 2017

Mandala en piécettes.

Il m’arrive de fréquenter des lieux où l’art contemporain s’expose avec bien des installations qui ne valent pas, à tous égards, le travail réalisé récemment par Hubert Dal Mollin à la seule intention de ses voisins.
J’avais déjà fait partager mon admiration pour ses travaux de sculpteur ou de concepteur de mandalas: http://blog-de-guy.blogspot.fr/2010/09/hubert-mon-voisin-est-sculpteur.html
Quand il est amené à fouiner dans les poubelles à la recherche de bouchons en plastique pour l’association « Bouchons d’amour », il met en évidence bien des absurdités de notre société, mais cela n’entame pas son jovial humanisme.
Ses recherches spirituelles esthétiques et ésotériques l’amènent  parfois vers des concepts tel que « le nombre d’or » se traduisant par des maquettes soignées ou des structures lumineuses.
Cette fois une variante de ses accumulations avec des pièces de 1 centime fait naître un sourire de connivence qui s’additionne au plaisir de variations aux couleurs cuivrées.
Il ne se lasse pas d’interpeller les commerçants qui affichent des prix à 9,99 € et cette oeuvre aussitôt réalisée aussitôt détruite est une façon de mettre aussi en lumière tant de dérisoires manipulations des consommateurs.

mercredi 20 décembre 2017

En train vers l’Italie.

Quand mis sur les rails, les retards, associés trop souvent à l’entreprise des chemins de fer français, ne sont plus des problèmes, c’est que les vacances sont là.
Nous retrouvons la bienveillance qui parfois nous abandonne pour juger la voix nous invitant à rejoindre le bar, plus convaincante dans les trains italiens que les annonces désinvoltes par notre compagnie nationale, désormais sans wagons-lits.
Il fait bon se laisser conduire parmi champs et forêts floutés par la vitesse, sans hésiter sur l’image élémentaire.
Aux arrêts, les hargneux de chez Montaigne ont d’avantage griffé les murs que les cocasses de chez Boccace.
Sur les quais, des silhouettes fondues dans des souvenirs de cinéma retrouvent leurs enfants ; un homme porte dans ses bras une peluche démesurée.
Les grandes villes déroulent leurs stations modernisées, les petites gares sont envahies par les herbes et les signataires sur ruines.
Les fils électriques scandent le ciel lisse d’un juillet qui glisse et n’a pas encore saisi toutes les peaux.
Bien sûr, à pied, en vélo, se prennent les mesures du monde et en avion, quelle jouissance de  se sentir puissant au dessus d’un monde lumineux ! Et passent à l’as, kérozène et CO2, dans un souffle. Qui ne s’est pas émerveillé de s’endormir à Francfort pour se réveiller à Panama ?  
De tarmacs en tarmacs, le temps est chamboulé, nos atlas révisés, nos histoires révolutionnées.
Mais cette fois, en trois trains pour aller à Venise, nous prenons le temps qui si souvent galope hors contrôle.
Nous retrouvons livres et carnets, et des fenêtres par lesquelles apercevoir nos semblables avec dans un coin, notre reflet.
«… prairies condensées en effluves humides, velouté vert des sous-bois, humus, mousses, bords d'eau croupissants, goudron des routes exhalant en vapeur nocturne les vestiges de la chaleur du jour que vous humez encore tandis qu'un train d'autrefois vous emporte dans la nuit où des mondes endormis, muets et clos roulent à rebours de sa fuite, leur lumière venant poindre jusque contre les parois du compartiment obscur, y étirant un vitrail vacillant et momentané qui luit encore après qu'ils ont disparu du pan de ciel noir qu'encadre la fenêtre : embrasements au passage des gares désertes que l'on brûle, étoiles filantes, traits qui cinglent, galopent…» 
 Anne F. Garréta.
En jouant des mots avec entrain, sans s’épargner le train-train des banalités, je suis enclin à jouer sur ce terrain, l’antienne « en même temps » : si bien des tortillards ont été conservés pour les touristes, entre deux pôles urbains, où Grenoble n’a plus l’intention de jouer, il est utile qu’aillent comme le vent, des TGV. La priorité qui leur fut accordée ne devrait plus affecter la ponctualité et la fiabilité des trains de banlieue mais le « en même temps » n’est pas toujours jouable.
On m’a dit le plus grand bien des cars Macron, pas chers et peinards.

mardi 19 décembre 2017

La revue dessinée. Hiver 2017.

Les sujets de ce numéro 18, centrés surtout sur la nature, auraient pu appeler essentiellement à la déploration lorsque les journalistes en images dessinées reviennent par exemple sur le récit du déclin de la pêche à la morue.
Mais un sursaut face à l’urgence écologique en provenance de la finance peinte en vert est présenté d’une façon claire malgré sa complexité. Par un système de compensations type «  crédit carbone », certains biologistes se mettent à parler de «  capital naturel » ou de « marché de la bio diversité ».
La radioactivité des parafoudres installés par Orange, l’appétit immobilier des hypermarchés impactent l’environnement. Une incursion dans ces systèmes qui tiennent par le silence et la rapacité est toujours éclairante.
Nous retrouvons avec plaisir des respirations dans la rubrique sportive : les fléchettes, Laurel et Hardy au cinéma, et  à la buvette de l’assemblée nationale lors d’une enquête sur les lieux de pouvoir. « La sémantique est élastique » certes, mais aussi quelque peu excessive, en qualifiant de « grammar nazis » les maniaques de l’orthographe et de la grammaire sur Internet, mais ces pages apportent une dose d’humour absente de la précédente livraison.
Quant à la chronique musicale même bien dessinée, je n’ai rien retenu de ce Jonathan Richman tellement face B que j’en suis resté à l’état bêta. 
Ne se contentant pas de dénoncer, des alternatives sont présentées :
- Le récit de « La folle échappée » de Fernand Oury, un des pères de la psychiatrie institutionnelle dans les années 50 mesure le chemin parcouru.
- Des moments de la vie d’une école maternelle s’inspirant de Montessori à Montreuil  ne sont pas idylliques mais ramènent la possibilité de recherches pédagogiques au sein de l’école publique.
Et il n’est pas inutile de comprendre ce qui a mis en branle avec une certaine efficacité les troupes de « La manif pour tous ». 

lundi 18 décembre 2017

La villa. Guédigian.

Difficile devant la quasi unanimité critique de se placer à contre sens. Je saisirai l’excuse d’être dans le ton du film : les films de Guédigian, « c’était mieux avant », comme l’atteste un extrait enjoué d’il y a 32 ans inclus dans celui-ci.
Deux frères et leur sœur sont appelés près du père devenu grabataire dans une maison dont la vue donne sur une calanque de rêve du côté de Marseille. Nous retrouvons des acteurs familiers pour une cousinade, comme m’avait dit une amie.
Je ne suis ni inconditionnel ni allergique à notre Ken Loach méditerranéen et à l’instar de sa filmographie, lors de ces dernières retrouvailles, j’ai goûté cette fois certaines séquences et d’autres moins
Beaucoup de spectateurs ont ressenti la nostalgie, l’humanisme ; j’ai été sensible à des thématiques, qui m’ont semblé stimulantes, telles que les effets pervers générés par ceux qui veulent faire du bien. Les moments de tension sont plus forts, à mon avis, que les rencontres amoureuses ou les scènes lacrymales. J’ai préféré comme souvent les images d’hiver au bleu imperturbable des étés qui n’en finissent pas. A dater des films en fonction de la présence de cigarettes, dans ce lieu des rêves enfuis, on ne serait pas étonné de voir débouler Raimu, clope au bec lui aussi.
Il y a trop de sujets abordés : repartir dans la vie en restant sur place ? Restau pas cher ou grand chef ? La jeunesse la nôtre et celle d’aujourd’hui ? Quel avenir avec un jeunôt, une jeunette ? La classe ouvrière, la fin de vie, le sacrifice, le deuil, la transmission, les réfugiés, l’entretien des sentiers, le théâtre, écrire, le pardon, la vie, la mort, l’amour… J’ai aimé l’humour vachard du personnage de Daroussin, sa jeune compagne plus complexe et la scène de l’écho sous le viaduc. Mais le docte de chez 68 est pénible: maudit miroir !
Je sais bien qu’il s’agit d’un conte, genre délicat à manier, mais une heure trois quarts pour résoudre presque toutes les blessures de la famille et au-delà, forcément il a fallu expédier les raccourcis. Et puis quel besoin de tout expliquer? Même quand les personnages sont tout seuls, ils causent. Voilà de la matière pour discuter avec mes vieux potes.

dimanche 17 décembre 2017

Blockbuster. Collectif mensuel.

Venu du vocabulaire militaire, le mot «  blockbuster (bombe de gros calibre à faire exploser le quartier) » signifie «  film à gros budget » comme l’explique le journal de salle de la MC2. L’utilisation de ce mot qui claque entre en contradiction avec le texte se déroulant à la fin du film bruité par une dynamique troupe belge. Le propos dénonçait, entre autres, l’appauvrissement de notre langue par les mots de l’ordre néo capitaliste, tels que « merchandising, marketing, jogging ».
Cette confusion n’est pas la moindre des difficultés de ce spectacle qui aux yeux de certains est apparu comme « le spectacle de l’année ».
Il est bien difficile de contenter un public savourant toute critique acerbe envers de cyniques fauteurs d’injustices et ceux qui pourraient apprécier tous les clins d’œil à une cinématographie exclusivement américaine. Le manichéisme anarchiste, dont les dialogues se plaquent sur des images hollywoodiennes de 180 films, en épouse en miroir le ridicule simplisme.
Est-ce du théâtre ? Ce film en mode « mashup » détourne des images comme l’avaient fait les situationnistes en 1973 avec « La dialectique peut casser des briques » qui exposait des thèses révolutionnaires sur des images de Kung-fu.
Nous voyons sur le plateau des comédiens, excellents, prêter leur voix à Sylvester Stalone, Julia Roberts, Michaël Douglas, Brad Pitt, etc,  bruiter poursuites en voiture, portes qui claquent et accompagner en musique des transitions didactiques très « Nuit debout ».
Au début du spectacle, le public est invité à scander : « tous ensemble, tous ensemble, houai !» afin d’alimenter la bande son du spectacle.  Mais après avoir craint un conditionnement lourdingue, j’ai adhéré au dispositif car l’humour était au rendez-vous. Nous avons été amenés à démêler les différents degrés entre ce qui est dérision ou apocalyptiques prophéties. L’exercice peut être stimulant quand les caricatures esquissées ne sont pas si loin de la réalité.
Dans tous ces programmes, non pas ceux du théâtre où flamboient les belles paroles, mais avec ceux des politiques, les constats peuvent être partagés mais les moyens envisagés sont parfois très contestables et les solutions peu crédibles. Reste à ne pas oublier dans ces soirées promettant le grand soir, depuis la nuit des temps, que chaque matin acuche* des nouvelles des défaites de la planète. Alors : « Que faire ? » comme disait Lénine.
* Acucher du patois dauphinois : mettre en tas (en cuchons).
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 Le dessin est  du journal "Le Point "

samedi 16 décembre 2017

Augustin, berger du Grand Veymont. Bernard Freydier.

Ce roman historique apprendra aux lecteurs des aspects spécifiques de la vie à la fin du XIX° siècle à Gresse - en - Vercors, mais ces 250 pages ne concernent pas seulement les habitants de ce village situé au pied de la montagne qui sauront distinguer les êtres de fiction et leurs ancêtres au moment où ils passaient de la bougie à l’électricité.
Pour être indéfectiblement un instituteur, j'ai le goût de repérer chez les autres quelques maladresses d’enseignant cherchant à être toujours exhaustif, en toute confraternité.
Pour l’auteur, un mulet est à deux reprises « docile et fidèle », forcément :
« Augustin est enfin installé dans une grande salle de l’Hôtel Dieu de Marseille, sis dans le quartier du Panier, coeur historique de la ville où s’est développée la colonie grecque de Massalia en 600 av. J.C., cet hôpital a été rénové entre 1860 et 1866, par l’architecte Félix Blanchet, et inauguré par Napoléon III, empereur déchu, le 15 novembre 1866. »
Au-delà de la vie quotidienne jamais décrite de façon misérabiliste, l’empathie avec tous les personnages est palpable et les faits sont documentés :
«  Les propriétaires de troupeau que l’on appelle déjà des capitalistes - le terme cheptel vient de capital - recrutent la main d’oeuvre parmi les gens de la montagne. »
Il est question de la vie municipale avec les contraintes d’un climat rude et d’une terre ingrate, les progrès pour sortir du désenclavement avec la gestion de l’eau et des chemins, l’école, le courrier, la compagnie de pompiers à monter pour lutter contre les incendies, la solidarité, mais aussi les intérêts divergents des forestiers et des bergers.
Il fallait bien être à trois : le curé, le maître d’école et un maquignon, pour rédiger une adresse à Napoléon III  en visite à Grenoble afin de retrouver un droit à un libre parcours pour les troupeaux de « bêtes à laine » contesté par l’administration des forêts :
«  Nous croyons pouvoir vous dire que nous sommes persuadés et convaincus que ce n’est pas le plaisir de voyager qui vous a conduit parmi nous et nous procure l’avantage inexprimable de vous posséder une journée entière au chef-lieu de notre département. Mais bien au contraire, comme nous l’a très bien dit Monsieur le préfet, parce que vous désirez étudier et connaître par vous-même les besoins et les nécessités les plus pressantes des populations dont vous êtes le digne chef et le sauveur »
Nous suivons l’apprentissage d’Augustin qui très jeune monte à l’estive, assistons à son mariage et à ses prises de responsabilités dans la vie du village.  
L’économie rurale se transforme avec la création d’une fruitière et le tressage de paille, maigre revenu d’appoint, devenu un réseau dynamique de fabrication de chapeaux puis de cabas. Les premiers skieurs arrivent, des échos parviennent de la ville lumière où « cette tour Eiffel est devenue le Grand Veymont des parisiens ».
Le premier président de la république fut Louis-Napoléon Bonaparte, pas si loin de nous :
 « Je songeais à cet aménagement brusque, à cette étiquette essayée, à ce mélange de bourgeois, de républicain et d’impérial, à cette surface d’une chose profonde qu’on appelle aujourd’hui : le président de la République » Victor Hugo

vendredi 15 décembre 2017

Distinction.

Quand Johnny s’en fut, il y en eut pour trouver l’hommage excessif et bien que nous pataugions dans la bienveillance, les tenants de la buzz attitude ont aimé rompre les consensus.
Pour avoir goûté l’esprit de contradiction jusqu’à satiété, j’ai préféré en la circonstance respecter la peine des nostalgiques de l’interprète de « Dadouronron ».
Le théâtral Insoumetteur en chef  drapé dans une rhétorique parfois universaliste peut-il comprendre que des émotions puissent porter au-delà des réunions entre cousins ?
Le président ayant ressenti l’émoi populaire est légitime pour participer à l’hommage comme il le fit pour la disparition de d’Ormesson dans un autre genre.
Je n’ai lu aucun roman de l’ancien éditorialiste du Figaro ni collectionné les vinyles du supporter de Sarko en dehors d’un « Gabrielle » dont les battements me « donnaient la patate ».
Mes coups de vieux rebaptisés échéances historiques sont survenus plutôt quand Rocard ou Maire sont morts, mais je ne dénie pas aux autres leur chagrin. Mon père aurait su pourquoi la disparition de Kopa me faisait quelque chose mais je n’aurai demandé à personne de sortir son mouchoir en papier.
C’est bien le rôle d’un chef de l’état de réconforter, honorer son peuple dans toute sa diversité quand l’occasion se présente: « Je vous ai compris ! »
Que le chef de l’état travaille à réunir le pays ne condamne pas à ingurgiter une tisane tiède mais pourrait amener plus de dialogues respectueux où les désaccords s’exprimeraient et les propositions s’élaboreraient. Que n’auraient dit les familiers de l’abstention s’il s’était abstenu ?
Le titre de cet article joue lui même à la distinction en reprenant un titre de Bourdieu mais aussi un mot de ma mère qui désignait toujours les gens « distingués » comme ceux d’une classe classieuse loin de la nôtre. Savoir les classes sociales et se tenir par les épaules, des fois.
Finkielkrault soulignant la réalité de la non unanimité de l’émotion nationale en inventant un « non souchien » malheureux n’a pas été à la hauteur ; il prétend aimer le temps long et pêche souvent par précipitation.
Par contre pendant ce temps, Régis Debray participait à l’hommage à Julien Gracq. Il est bien plus fécond en pointant l’institutionnalisation du show-biz avec notre Jojo en camélion qui fit tant de bien à tant de jeunes gens :
«  Si les corps doivent désormais être de la partie pour que l’esprit y soit, les conversations d’outre-tombe nous seront bientôt interdites. » Qui empêche de lire les auteurs morts ?
Il est vrai comme il le rappelle dans cet article du Monde au titre bien choisi : « Une journée particulière », parlant de notre ère : « celle qui voit plonger inexorablement les compétences de lecture des écoliers, brûler soixante-dix bibliothèques entre 1996 et 2013, les autres se reconvertir en vidéothèques par prudence. » Les chorales chanteront : «  Toute la musique que j’aime… »
C’est bien parce qu’il est de pacotille, à notre hauteur, que le rocker intelligible, le cow-boy camarguais fut si populaire. Dans les flots de paroles qui l’ont suivi en cortège, nous savions tous de qui nous parlions, ce que nous partagions : notre jeunesse.
« Est-ce la main de Dieu,
Est-ce la main de Diable
Qui a mis cette rose
Au jardin que voilà ?
Pour quel ardent amour,
Pour quelle noble dame
La rose de velours
Au jardin que voilà ?
Et ces prunes éclatées,
Et tous ces lilas blancs,
Et ces groseilles rouges,
Et ces rires d'enfants,
Et Christine si belle
Sous ses jupons blancs,
Avec, au beau milieu,
L'éclat de ses vingt ans ? »
Barbara
…………….
Dessins  de « L’express » de Neuchatel pour «  Courrier International » qui joue à « Charlie » et du « Canard ».